Me Félix Nkongho Agbor Balla : “Je suis contre la sécession, la restauration et l’indépendance”
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Dans un entretien accordé au Jour avant son interpellation, le président du consortium dissout se dissociait des extrémistes et des séparatistes.

Ou en êtes-vous avec les discussions des comités ad-hoc ?
La première chose, c’est que deux comités ad-hoc ont été mis sur pied. L’un sur les questions du secteur de l’éducation qui siégeait à Bamenda et l’autre sur les problèmes soulevés par les avocats sur le système judiciaire. Je parle du secteur de l’éducation et le secteur judiciaire et non les enseignants ou les avocats parce qu’il s’agit des problèmes qui affectent le système éducatif et judiciaire anglophone. Hier une réunion qui se tenait à Bamenda s’est terminée dans le fiasco.

Le  gouvernement était prêt à satisfaire les revendications, mais la question de la libération des jeunes incarcérés à Kondengui, des jeunes qui ont été interpellés, dont 4 à Kumba et 1 à Douala, pose problème. Le fait c’est que la pression que le gouvernement met sur les membres du comité ad-hoc n’est pas saine pour le processus de dialogue. Parce que ces syndicalistes camer.be, ces représentants qui négocient avec le gouvernement représentent une proportion large de la population, et lorsque le peuple a comme impression que ceux qui négocient en leur nom sont contraints, forcés, ils viennent mobiliser autour des lieux de négociation. Ce que je conseille au gouvernement, si c’est possible, c’est qu’après les négociations, ils quittent la ville. Ensuite, les syndicalistes et les membres du consortium s’assoient et travaillent sur les solutions de sortie.

Lorsque  les gens de Yaoundé sont en ville, l’homme de la rue pense qu’ils sont là pour mettre une pression énorme et inutile sur l’équipe de négociateurs en salle. C’est là l’une des raisons qui a fait échouer ce dialogue. N’oublions pas qu’on ne peut pas prendre ce dialogue de manière isolé. Ce dialogue se déroule dans le contexte socio politique et socio économique qui est en cours dans le Sud-ouest et le Nord-ouest. Donc en même temps qu’il négocie, même s’il satisfait à certaines demandes, le gouvernement doit comprendre les syndicalistes, comprendre leur background, comprendre d’où ils viennent, et la pression énorme qui vient du public.  

Qu’est-ce qui vous a donc motivé à appeler aux villes mortes les 16 et 17 janvier dans le Sud-ouest et le Nord-ouest ?
Comme suite à l’échec des négociations, l’échec du processus de dialogue, quatre civils ont été blessés par balles, et reçoivent des soins et du sang en ce moment. La militarisation du Nord-ouest en particulier et du Sud-ouest est préoccupante. L’autre inquiétude était que certains groupes étaient prêts à aller dans la rue dès samedi (le 14 janvier, ndlr) et lundi, et nous avons estimé qu’il fallait ramener les choses à l’ordre en appelant à une grève pacifique, que les gens restent chezeux, ne doivent pas sortir pour éviter un bain de sang, pour éviter la destruction des biens privés et publics. Nous voulions éviter la confrontation entre la population civile et les forces du maintien de l’ordre. En réalité, ce que nous faisons est une mesure très préventive.

D’une certaine manière, nous aidons le gouvernement à faire en sorte qu’il n’y ait pas éruption de violences. Nous aidons le gouvernement à faire en sorte qu’il n’y ait pas destruction des biens publics et privés. D’une certaine manière, nous aidons le gouvernement à éviter les pillages et le vandalisme. Parce qu’avec la tension qu’il y a dans l’air, lorsque vous parlez avec des acteurs qui ne sont pas régulés, ils étaient prêts à descendre dans la rue. Nous avions alors estimé que toutes les colères devaient être canalisées et coordonnées de manière pacifique et non violente. Voilà pourquoi nous avons décidé d’appeler aux villes mortes.

Jusque-là quels étaient les points d’accord avec le gouvernement ?
Il y avait déjà un accord sur l’affectation des enseignants francophones en service dans la zone anglophone, à savoir les faire partir pour les remplacer par les enseignants anglophones. Le gouvernement a commencé ce processus. Ce Ce n’était pas suffisant, mais le gouvernement est en train de mettre d’autres mesures en place. Il y a la façon dont les recrutements se font dans les grandes écoles, notamment le Cuss, qui a été abordée. Et là, c’est une question qui peut être résolue. Il y a eu la réunion avec les avocats qui s’est arrêtée lorsque les avocats ont claqué la porte. J’ai appris qu’une autre réunion se tiendra bientôt. Il y a la question d’une section anglophone à la Cour suprême qui a pourtant existé par le passé, il y a l’Enam, qui a existé avant et qui n’est pas implémentée. L’affectation des magistrats formés en Droit civil, j’insiste parce que je n’ai pas dit ‘’francophone’’, dans les juridictions du Common Law. Je crois que quelque chose sera fait. Le président a signé des affectations tout récemment, mais ce n’est pas encore suffisant. Les avocats insistent sur la question des enfants qui ont été arrêtés. Nous, en tant que consortium, sommes tombés d’accords sur le fait que la commission sur les enseignants devait être élargie pour admettre d’autres membres du consortium. Nous avons appris que Dr Fontem et Me Mbocke ont été inclus.

Nous avons appris que vous aviez des entretiens avec l’ancien ministre Garga Haman Adji. De quoi avezvous parlé avec Mr Garga ?
Nous avons eu une réunion avec Mr Garga Haman Adji à Bamenda avec des membres de la société civile. C’était juste une discussion amicale. Il nous a dit que le président de la République l’a envoyé à Bamenda, dans le Sud-ouest et le Nord-ouest pour comprendre quel est le problème réel et chercher comment trouver une solution durable. Il ne nous a présenté aucune lettre attestant qu’il vient de la part du président la République. Mais il nous a dit que lors de la cérémonie de présentation des voeux de nouvel an, le président l’a appelé dans un coin et a échangé avec lui, parce que Garga Haman est quelqu’un d’honneur et de bonne réputation aux yeux de beaucoup de gens, nous avons cru en lui. Il est donc venu pour écouter. Et nous lui avons dit que les populations du Sud-ouest et du Nord-ouest pensent que si on retourne au fédéralisme à deux Etats, il sera possible de résoudre les problèmes qui ont été posés. Les commissions chargées d’examiner les problèmes du secteur de l’éducation et du secteur judiciaire pourraient continuer leur travail, mais d’un point de vue plus large, une structure fédérale pourrait mieux adresser ces problèmes.

Nous lui avons rappelé que nous ne souhaitons pas que ce pays se brise en deux, mais que nous devons faire au moins preuve de respect mutuel. Nous voulons que ce pays soit uni. Hier, il a participé à la réunion des avocats du Common Law à Kumba. Il y a fait un discours juste pour nous rappeler qu’il avait été envoyé par le chef de l’Etat pour venir écouter le peuple et que ce qu’il a appris de Bamenda c’est que  nous voulions le fédéralisme. Sa question c’était de savoir de quelle forme de fédéralisme il s’agit et quel en serrait le contenu. La majorité des membres a dit que nous voulions un fédéralisme à deux Etats. Qu’il soit venu écouter n’est pas une mauvaise chose, parce que tout le monde recherche une solution. Et nous savons tous que le chef de l’Etat est l’autorité suprême dans ce pays. Et à ce titre, s’il pouvait écouter Mr Garga, ce serrait utile. Parce que je crois que la voix du peuple a été entendue. Les gens ont dit que le fédéralisme c’est la meilleure chose qui soit pour ce pays.  

Selon vous quelle est la meilleure façon pour le gouvernement de créer les conditions d’un dialogue franc et inclusif avec ce peuple qui est en colère ?
Ce que le gouvernement fait à travers les deux comités  ad-hoc est une bonne chose, un pas dans la bonne direction. Mais le gouvernement doit aussi penser à mettre sur pied la commission dont le chef de l’Etat a parlé le 31 décembre parce que les secteurs de l’éducation et judiciaire portent sur des questions spécifiques. Il y a des questions plus générales qui affectent les gens du Nordouest et du Sud-ouest. Les gens pensent qu’il y a des choses qui ne sont pas abordées par les deux comités adhoc. Donc le président de la République doit créer cette commission et y mettre des personnalités indépendantes, des personnes du clergé, des gens comme le Cardinal Tumi, comme le Dr Nyamsako, qui ont une bonne image et une bonne réputation, et que le peuple respecte, pour la diriger. Et nommer des gens du Nord-ouest et du Sud-ouest qui reflètent la réalité sur le terrain. Vous savez que toute la dynamique de ceux qui détiennent la légitimité a changé. Donc si on peut les nommer et leur laisser la latitude de discuter de tout, parce qu’aucune question n’est taboue, ce serrait intéressant. Donc si on peut les donner les pleins pouvoirs, annoncer la création de la commission, nommer les membres et les demander de se mettre au travail, la commission serrait capable de prévenir la catastrophe qui se pointe à l’horizon.

Il y a tellement de colère dans l’air que si rien n’est fait, on assistera à autre chose pour ce pays. Mais parce que nous tous nous croyons au dialogue, nous croyons qu’une solution peut être trouvée dans le dialogue, il est important que cette commission soit mise sur pied. Je conseille également que lorsque le gouvernement négocie avec les syndicalistes, avec le consortium représentant les secteurs de l’éducation et judiciaire, qu’il cesse d’exercer une forte pression parce que cette pression a un effet négatif. Egalement, certains hauts commis de l’Etat font partie de ce problème. Le président pourrait songer à affecter certains d’entre eux à d’autres tâches. Le gouvernement doit également cesser cette rhétorique qui donne l’impression que c’est un problème francophone- anglophone. Il n’y aura jamais de problème entre les francophones et les anglophones. Ils sont des frères. Ils aiment tous ce pays. C’est un problème entre les anglophones et les institutions du pays.

Est-ce que l’idée du retour au fédéralisme à deux Etats est faisable ?
C’est très faisable. C’est un état dans lequel nous avons été auparavant. C’est comme l’unité dans la diversité. C’est comme rapprocher l’administration du peuple. De façon générale, les populations veulent être impliquées dans leur gouvernance, élire leurs gouverneurs. Elles veulent être impliquées dans la gestion quotidienne de leurs affaires. Ils ne veulent pas que Yaoundé contrôle leur vie au niveau régional. C’est une question de dévolution du pouvoir. Il faut que le pouvoir vienne à eux. Même avant cela, si on met en oeuvre la constitution de 1996, cela apportera des solutions aux problèmes qui sont aujourd’hui posés.  

Vous êtes certainement au courant des appels à la sécession. Quelle est votre position là-dessus ?
D’un point de vue personnel, je suis contre la sécession. Je suis contre la restauration et l’indépendance. Je pense que le monde entier s’unifie, beaucoup de pays se mettent ensemble. Diviser les pays n’est pas sain, ce n’est pas conseillé. Malgré tous les problèmes que nous avons au Cameroun, le Cameroun n’est pas aussi mauvais que ça. Nous pouvons toujours vivre comme des frères et des soeurs. Nous pouvons construire un pays fort et indivisible dans une structure fédérale.

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