CRISE ANGLOPHONE ET STRATEGIES DE DIABOLISATION PAR LUDOVIC LADO
CAMEROUN :: POINT DE VUE

Cameroun :: Crise Anglophone Et Strategies De Diabolisation Par Ludovic Lado :: Cameroon

Dans les jours qui viennent, les Camerounais doivent faire très attention aux stratégies de diabolisation du Consortium par le régime pour légitimer leur politique de répression en cours.  On va leur mettre sur le dos beaucoup de mensonges. Souvenez-vous de la répression de l’UPC à partir de 1955. Ce sont des méthodes bien connues.

La répression de la récolte anglophone en cours  s’appuie sur un amalgame machiavélique malicieusement entretenu dans l’esprit de beaucoup de Francophones par le régime Biya : l’amalgame entre le fédéralisme et la sécession, entre le Consortium de la Société Civile Anglopone  et la Southern Cameroon National Council (SCNC).  Ceux qui se laissent prendre à ce piège par un régime moribond devraient se rappeler quatre choses.

Premièrement, Le mouvement sécessionniste anglophone qu’on associe souvent à la SCNC a toujours existé, et n’est donc pas nouveau. Il est actif depuis des décennies et l’autonomie du Cameroun anglophone fait partie de leur agenda. La mauvaise gestion de la crise actuelle les avantage beaucoup et nourrit le monstre de l’Ambazonie.  Comme tout mouvement politique, ils sont opportunistes et font donc feu de tout bois. Une telle situation de pourriture, c’est du pain béni pour eux. Mais c’est une erreur de confondre les Anglophones avec les sécessionnistes. Beaucoup sont encore contre la sécession !

Deuxièmement, le Consortium de la Société Civile Anglophone dont les leaders sont aujourd’hui arrêtés est quant à lui nouveau. Ils réclament désormais non pas l’indépendance du Cameroun anglophone, mais un débat sur la forme de l’Etat avec une préférence pour le fédéralisme. Que des sujets politiques soient sur l’agenda d’une Organisation de la Société Civile, c’est normal et même souhaitable. Ils sont dans leur rôle, celui du contrôle de l’action publique. Que leurs revendications initialement sociales aient ensuite pris une connotation politique peut se comprendre. Face à un refus initial des pouvoirs publics d’admettre qu’il y avait un problème, il y a évidemment eu une évolution de l’agenda.  

S’ils estiment aujourd’hui que le fédéralisme est la solution la plus durable au problème de marginalisation qu’ils évoquent, pourquoi ne pas en discuter ? Quoi qu’il en soit la bonne foi requiert qu’on reconnaisse au moins que le Consortium n’a jamais réclamé l’indépendance ni prôné la violence. Même les mouvements les plus non-violents de l’histoire (Ghandi, Martin Luther King) sont toujours entachés de situations isolées de violence, lesquelles n’ont rien à voir avec les leaders.  Beaucoup d’Anglophones, comme certains Francophones d’ailleurs, sont aujourd’hui pour le fédéralisme. Et c’est de leur droit.

Quatrièmement, pourquoi cet amalgame entre le fédéralisme et la sécession, le Consortium et la SCNC est crucial pour la stratégie de répression du régime Biya, voire  pour sa survie à l’horizon 2018 ? Le régime Biya se sait désormais très impopulaire après 35 ans d’usure politique et sait bien que l’échéance de 2018 ne sera pas aisée à négocier avec le candidat naturel âgé de 83 ans.  Le régime Biya sait aussi par ailleurs que beaucoup de Francophones sont allergiques à l’idée de la sécession.

Alors il suffit de faire passer les fédéralistes pour des sécessionnistes déguisés auprès de la majorité francophone pour avoir leur bénédiction pour la répression.  Leurs dividendes sur le plan politique sont énormes : le régime se refait  une certaine légitimité chez les Francophones sous prétexte de lutter contre les forces qui menaceraient de diviser le pays.

Il ne restera plus qu’à faire l’amalgame avec Boko Haram et le terrorisme.  Aussi, il est dans l’intérêt du régime Biya usé et impopulaire que les Camerounais aillent aux élections en 2018 divisés, les Anglophones contre les Francophones et les Francophones entre eux.

Alors pour ne pas se laisser prendre au piège de cette ruse, il convient que les Camerounais se rappellent deux choses simples : primo, le fédéralisme n’est pas la sécession tout comme le Consortium n’est pas la SCNC. Secundo, les Francophones ne doivent pas oublier que les mêmes méthodes de répression que le gouvernement utilise aujourd’hui contre les leaders anglophones seront utilisées contre eux demain ! 

Lire aussi dans la rubrique POINT DE VUE

Les + récents

partenaire

canal de vie

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo