L’Hon. Martin Oyono : « Oui ! Il existe bel et bien un problème anglophone ….».
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CAMEROUN :: L’Hon. Martin Oyono : « Oui ! Il existe bel et bien un problème anglophone ….». :: CAMEROON

Député  Rdpc à l’Assemblée nationale, il marque l’actualité de par ses prises de positions. En réaction aux revendications des Anglophones, il a bien voulu répondre à certaines de nos préoccupations.

Quelle est l’opportunité d’une sortie médiatique pour le parlementaire que vous êtes ?
L’initiative que j’ai prise en ce jour de m’adresser à la presse prend la forme d’une contribution citoyenne qui a pour prétexte, vous l’avez imaginé, la crise retentissante qui traverse, en cette fin d’année 2016, deux Régions du Cameroun : le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Deux Régions qui présentent la particularité historique d’être d’expression anglaise, de culture anglo-saxonne.

Certains de nos compatriotes de cette partie du Cameroun ont exercé leur droit légitime à des revendications corporatistes, portées par des avocats puis par des syndicats d’enseignants et enfin par des étudiants. Ces griefs se sont exprimés par des manifestations publiques organisées pour diverses raisons, les unes défendables et d’autres  moins, et ont malheureusement connu une escalade destructrice, funeste et regrettable. La violence qui en a découlé a plongé le pays tout entier dans la confusion, la consternation et l’indignation.

Comment appréciez-vous les évènements qui viennent de se dérouler à Bamenda et à Buéa ?
Je voudrais d’abord adresser aux familles endeuillées en ces regrettables circonstances mes condoléances les plus attristées, et aux blessés mes souhaits de prompte guérison. J’exprime également à ceux qui ont enregistré des pertes matérielles, mes regrets les plus sincères. Aux forces de l’ordre mobilisées pour préserver la sécurité des personnes et des biens, ramener le calme et restaurer la tranquillité, j’affirme mon fervent soutien et j’exhorte au respect des lois et règlements en la matière.

Avec force et fermeté, je condamne toutes les exactions qui ont été observées de part et d’autre. Les atteintes à l’intégrité physique, les actes rétrogrades de torture et d’humiliation sont inadmissibles dans une démocratie comme la nôtre voulue par son Excellence Monsieur le Président de la République et le peuple tout entier. La profanation de l’emblème, notre drapeau, figure symbolique commune sous laquelle se rassemblent nos différences et se reflète notre appartenance à une même nation, est révoltante et injustifiable. La détérioration par le feu ou autre moyen, des édifices publics ou privés, des véhicules publics ou privés, participe d’un vandalisme qu’aucune revendication ne peut justifier.

C’est l’occasion de rappeler avec emphase, les principes intangibles qui gouvernent le Cameroun.

Notre pays est un Etat de droit. C’est-à-dire un Etat régi par le droit et la justice. Ce qui exclut en tout temps et en toutes circonstances, l’anarchie, l’arbitraire, la tentation de se rendre justice soi-même. Le recours à la Justice républicaine, elle-même assise sur des textes nationaux et autres engagements internationaux, doit demeurer la règle et la seule voie de revendication de ses droits.

Notre pays, sur le fondement l’article 1er alinéa 2 de la Constitution en vigueur, c’est-à-dire celle du 18 janvier 1996, est un Etat unitaire décentralisé. Jusqu’à révision de la loi fondamentale, par les mécanismes prévus à cet effet, la consolidation et le perfectionnement des caractères unitaire et décentralisé de notre Etat doivent demeurer une préoccupation de tous les instants. Et toute velléité de renoncement à cette réalité ou de contestation de cette dynamique, qu’elle soit gouvernementale, administrative ou revendicative, se heurtera à coup sûr à la réprobation de la communauté nationale. Car les Camerounais sont fiers de leur unité et jaloux de leur vivre-ensemble.

Y a –t-il au Cameroun un problème spécifique dit «Problème Anglophone » ?
Oui ! Il existe bel et bien un problème anglophone. Ce problème, c’est la confusion. Une confusion entretenue pour des raisons sur lesquelles il serait superfétatoire de s’appesantir ici et maintenant. Le problème anglophone a, de notre point de vue, un double fondement. Le premier est linguistique, le second est culturel.

Sur le premier point, Notre pays, sur le fondement de l’article 1er alinéa 3 de la Constitution, a adopté «l’anglais et le français comme langues officielles d’égale valeur».  Et ce n’est pas par hasard que dans l’ordre d’énumération constitutionnelle, l’anglais figure avant le français… L’inversion de cette préséance constitutionnelle dans la pratique ou encore la minoration préméditée ou inconsciente d’une langue au profit d’une autre, créent de légitimes frustrations qui fertilisent le terreau des revendications sociales.

Il s’agit simplement de la non prise en compte de la prescription constitutionnelle d’égalité de valeur de l’anglais et du français. Alors que toutes les administrations camerounaises, du sommet à la base, sont dotées de services de traduction et de personnels réputés compétents, rien ne justifie que les textes législatifs et réglementaires ne soient pas concomitamment délivrés dans les deux langues officielles. Et contrairement à une idée reçue, la délivrance des textes dans les deux langues ne profite pas qu’aux anglophones. C’est une négligence qui préjudicie certes à première vue nos compatriotes anglophones, mais elle fait gravement obstacle à la promotion de l’anglais. Et par voie de conséquence elle expose le pays entier à de fâcheuses conséquences. En considérant la politique actuelle d’attraction des investissements étrangers, comment est-il possible de ne pas mettre à disposition des textes traduits dans la langue des transactions internationales ? Et lorsque nos plénipotentiaires se rendent dans des réunions internationales où seul l’anglais a voie au chapitre, n’est-il pas judicieux de s’y rendre avec des textes nationaux en anglais ?

Sur le second point, c’est-à-dire l’élément culturel, il ne sert à rien de notre point de vue d’ignorer que nos compatriotes anglophones ont « subi » une influence culturelle anglo-saxonne dont la langue n’est que le vecteur apparent. Ils ont un style de vie particulier. Des codes sociaux spécifiques. Un rapport à l’Etat singulier. Le système scolaire et universitaire est différent. Sinon comment expliquer par exemple l’absence de l’examen probatoire dans le sous-système anglophone ? Toutefois, cette différence, loin d’être un boulet, est une richesse à préserver jalousement et à fructifier et l'unité nationale loin de la diluer devrait plutôt la renforcer car elle fait la spécificité du Cameroun dans le monde.  Il est d’ailleurs établi aujourd’hui que certaines réformes d’importance dans notre pays sont d’inspiration anglo-saxonne. Le système LMD à l’Université, le nouveau Code de procédure pénale inspiré par la " Common Law "le Budget-programme, etc.

Quelle peut être la solution à ce problème ?
C’est l’intégration des deux cultures, c’est le vivre ensemble avec nos différences. Il ne s’agit pas de repli sur soi, d’enfermement, de rejet, de stigmatisation, de mépris, d’assimilation ou d’absorption voulue ou inconsciente de l’autre qui n'ont plus de place dans une société où les mariages inter communautés progressent visiblement. Il s’agit simplement du respect mutuel. Nous devons prendre conscience de la richesse commune qu’est notre dualité culturelle au-delà, de la pluralité culturelle. Car en effet, notre pays est une mosaïque culturelle dont la préservation au sein des deux blocs linguistiques imposés par l’histoire est d' abord une exigence constitutionnelle.

Pour y parvenir, un rétropédalage dicté par la négation du compromis historique nous parait peu pertinent et irresponsable.

En revanche, il parait impérieux de mettre en œuvre une décentralisation véritable et effective, implémentée selon les termes de la constitution qui stipule; « Les collectivités territoriales décentralisées  sont des personnes morales de droit public. Elles jouissent de l'autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux. Elles s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions  fixées par la loi. Les conseils des collectivités territoriales décentralisées ont pour mission de promouvoir le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif de ces collectivités. » Article 55 alinéa 2.

L’extrême centralisme dont le Cameroun fait encore l’objet est de toute évidence anachronique et appauvrissant.  Il est donc urgent que l’Etat prenne des mesures significatives visant à donner de l’effectivité à la réglementation sur la décentralisation.

Le transfert de compétences actuellement en vigueur doit être accéléré, amélioré pour être en adéquation avec l’article 7 de la loi du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation et qui dispose « Tout transfert de compétence à une collectivité territoriale s'accompagne du transfert, par l'Etat à celle-ci, des ressources et moyens nécessaires à l'exercice normal de la compétence transférée.».  D’ailleurs la même loi d’orientation 2004 dispose bien en son article 2 alinéa 2 que «La décentralisation constitue l'axe fondamental de promotion du développement, de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local.». Rien ne justifie donc qu’à ce jour, les conseils régionaux demeurent une vue de l’esprit constitutionnel.  Nous pensons que si rien n’est fait dans ce sens, la crise dite anglophone, qui a succédé par ailleurs à des memoranda régionaux, reviendra de plus belle tôt ou tard. Bien plus, l’immobilisme actuel fait malheureusement prospérer des appels à la sécession, qui ne trouvent de l’écho chez certains que parce qu’ils  se heurtent à une politique de décentralisation peu suivie et soutenue.

Il est plus que jamais, temps de faire entrer le Cameroun dans la bonne gouvernance décentralisée, avec ses fondements impératifs que sont la démocratie, la citoyenneté, la civilité, la globalité, le juste équilibre et ses fondements constitutifs que sont, la crédibilité, le dialogue, l’effectivité, la transparence et la reddition des comptes.  Pour ma part, j'ai toujours fait mienne cette maxime " Le mal prospère à cause de l'inaction des hommes de bien".

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