Ali Anabelle Laure : “Extrêmement découragée par ces frustrations”
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Deux fois championne du Monde, neuf fois championne d’Afrique, 5ème olympique en 2016, la lutteuse (75kg) camerounaise se sent à l’étroit et évoque ses problèmes.

Qu’est-ce qui justifie votre présence au Cameroun en ce moment ?
Je suis Camerounaise et même si je vis ailleurs, j’ai le coeur pour mon pays. C’est pour cela que je prends le plaisir de venir ici passer quelques moments avec ma famille.

Où vivez-vous exactement ?
En ce moment, je suis en Côte d’Ivoire avec mon époux, qui est Franco-Ivoirien. Il est le directeur de développement de la lutte sur toute l’Afrique. Nous sommes affectés en Côte d’Ivoire et nous avons quitté la France pour nous y installer.  

On ne vous a pas vu après les derniers Jeux olympiques de Rio. Où êtes-vous passée ?
Après les J.O, je suis rentrée en Côte d’Ivoire, parce que je n’étais pas bien, vraiment. J’ai préféré aller me reposer avant de revenir au pays.

Qu’est-ce qui n’allait pas à votre niveau ?
C’est difficile, après une compétition comme celle-là où on passe de très peu à côté d’une médaille olympique. On a des regrets en se disant : si on avait été aussi prise en charge tôt, si on était aussi allée dans des stages ou le stage terminal, on ne serait pas passé aussi près du sacre.

Vous voulez dire que vous n’étiez pas bien préparée avant d’aller à Rio ?
Personnellement, je n’ai pas eu la préparation qui me fallait pour ramener une médaille au Cameroun.

Avez-vous fait la démarche auprès des responsables du sport au Cameroun pour vous préparer dans les conditions les meilleures ?
Je dois commencer par vous dire que depuis Londres 2012, j’ai été oubliée, abandonnée. Je me suis préparée toute seule pendant ces derniers quatre ans et j’ai toujours été championne d’Afrique et je rends grâce à Dieu pour cette force qu’il m’a donnée. Le Cameroun ne savait pas comment je faisais pour m’entraîner et rester au Top africain. A la phase de qualification pour ces J.O de Rio, ça n’a pas été facile. Je me suis qualifiée au prix de mon sang. Je m’étais blessée à l’arcade sourcilière et menée 0-4.

Les officiels ont demandé si j’arrêtais ou pas, je leur ai dit que je continuais. Et quand je suis revenue j’ai gagné mon combat. Avant cela, il y a eu un championnat d’Afrique où je suis passée à côté et on a répandu l’information suivant laquelle j’étais vieille. Quand je me suis qualifiée pour les Jeux olympiques, je n’ai pas eu de bourse pour aller me préparer. Par contre, il y a eu d’autres lutteuses qui ont obtenu des bourses pour aller se préparer. Pendant ce temps, j’étais en Côte d’Ivoire et je m’entraînais toute seule.

Cela veut dire que si vous aviez eu une attention pour votre préparation, vous auriez ramené une médaille pour le Cameroun ?
Oui. Le jour où l’on disait au revoir aux athlètes, je suis allée rencontrer un responsable du Comité national olympique. Le l’ai supplié pour lui dire que je ne voulais pas aller immédiatement à Rio, parce que je n’aurai pas de partenaire là-bas. Pour un sport individuel, c’est impossible d’aller seule et rester un mois durant à s’entraîner sans partenaire. J’ai été neuf fois championne d’Afrique, deux fois championne du Monde. Je sais ce que ça veut dire, un stage terminal pour un athlète de très haut niveau.

Le responsable en question m’a répondu que ce n’était pas possible. En même temps, certaines athlètes sont allées s’entraîner ailleurs. A Rio, l’entraîneur national m’a servi de partenaire ; nous étions trois lutteuses. Il s’entraînait avec les autres et puis moi. Il a 60 Kg. A la fin il était épuisé et avait mal partout. Après je suis tombée malade aussi. J’ai été blessée au plus profond de moi. A la fin, quand je faisais la finale alors que personne ne croyais en moi, je me suis dite : vas-y, même si tu n’es pas préparée, donne le meilleur de toi. J’ai terminé 5ème olympique et je rends grâce à Dieu. J’ai réalisé la meilleure performance de la délégation, alors que j’étais mise de côté.

Vous semblez dénoncer une  crise de confiance entre les dirigeants du sport et vous. Vous n’êtes plus capable de combattre ?
Je n’ai que 31 ans. Il y en avait plus vieilles que moi dans la lutte et dans d’autres sports au sein de la délégation du Cameroun. Je pense que c’est un règlement de comptes, parce que depuis Londres en 2012 où j’avais demandé que mon entraîneur, M. Isaac Mpia vienne me coacher, parce que depuis quatre ans il avait souffert avec moi. Depuis ce jour où j’ai posé ce problème, je suis devenue la bête noire. Je n’ai jamais insulté ni méprisé quelqu’un. Je voudrais que même si ce n’est pas avec moi, qu’après moi, ça cesse (…) Après ma qualification, on m’a demandé de budgétiser ma préparation. Je l’ai fait en insistant sur un entraîneur international. Après, je ne sais plus ce qui s’est passé et je suis rentrée m’entraîner en Côté d’Ivoire.  

Vous n’avez pas eu de problème de primes comme certains athlètes qui étaient avec vous à Rio ?
Honnêtement, je n’ai pas eu un problème de prime. Ce sont des athlètes qui avaient un traitement spécial à côté qui avaient ce problème. Mais, moi, comme je n’étais pas favorite, j’ai reçu les primes qui ont été déclaré officiellement.

Les J.O sont passés. Quels sont vos prochains défis ?
Je suis neuf fois championne d’Afrique, deux fois championne du Monde, 5ème olympique. Mais, tous ces titres ne m’ont pas été primés. Sur les neuf titres africains, je peux compter quatre fois où j’ai eu quelque chose pour me contenter. Je ne sais pas où sont passées les autres primes. Franchement, je ne sais pas pourquoi je me tue. Je paye de ma poche, mes billets d’avion pour aller m’entraîner, je paye mes partenaires. Je vais marquer une pause pour voir ce qui s’est passé avec mes différentes primes. Je suis extrêmement découragée par ces frustrations.

Le chef de l’Etat a toujours encouragé les athlètes qui portent haut le drapeau du pays. Il a souvent dit qu’il n’y a pas de sport majeur, ni mineur. Je suis sûre qu’il n’est pas au courant de ce qui se passe. Il n’est pas au courant de toutes les performances que j’ai réalisées. S’il le savait, j’aurais été récompensée. Et quand je sui motivée, je suis convaincue que si je m’entraîne dans de bonnes conditions, même en 2024, je ramènerai une médaille olympique au Cameroun. Je lance un appel au chef de l’Etat, ainsi qu’à son épouse, la première dame, afin qu’ils essayent de porter un regard sur les titres et médailles que j’ai remportés sur le plan africain et mondial.

Cet appel va aussi en direction du ministre des Sports qui fait beaucoup pour la jeunesse. Je suis allée solliciter des audiences plusieurs fois pour le rencontrer et je me suis heurtée toujours à des barrières. Quelqu’un de son cabinet m’a dit un jour : si tu m’as vu, c’est que tu as vu le ministre des Sports. En me demandant de lui expliquer le problème que j’ai. Je suis bloquée dans tous les sens et je n’arrive pas à rencontrer le ministre des Sports. Je ne sais pas pourquoi on a peur que je le rencontre.

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