Louis Paul Motaze : “95% du commerce à l'Extrême Nord a été anéanti”
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Le ministre de l’Économie du Plan et de l'aménagement du territoire promeut une guerre économique contre Boko Haram.

Où en est la coopération entre le Cameroun et la République d'Italie?
La République d'Italie a consenti à alléger la dette bilatérale du Cameroun. Il était convenu entre l'ambassade et nous que nous allions nous entendre pour voir quels sont les secteurs qui seront bénéficiaires d'un appui significatif. Ces secteurs ont été déterminés, ce sont ceux de la santé, de l'éducation et du développement rural. Nous sommes également tombés d'accord pour qu’un effort particulier soit fait en direction des régions qui ont le plus de problèmes. Problèmes économiques, problèmes de sécurité... quatre régions ont ainsi été retenues: Est, Adamaoua, Nord, Extrême Nord. Pour cette première visite sur le terrain nous sommes venus dans le Nord et l'Extrême Nord. Au mois de janvier il est prévu que nous allions dans l'Adamaoua et à l'Est. Faire quoi? Se rendre compte de l'évolution des travaux parce que grâce à cette initiative, un certain nombre de structures et d'infrastructures ont été construites et qu' il fallait visiter et toucher du doigt la réalité des problèmes et puis discuter avec les autorités politiques et administratives parce que c'est toujours bien que nous fassions ce que nous faisons, mais c'est encore mieux que l'initiative vienne de ceux qui vivent sur le terrain et parce que c'est eux qui peuvent nous dire quels sont les attentes les plus fortes. Mais les besoins sont nombreux. Avant de s'attaquer aux besoins additionnels il faut déjà s'assurer que ce qui a déjà fait va être bien utilisé et bien maintenu.

Qu’avez-vous fait concrètement pendant votre visite ?
On voulait s'assurer de la bonne utilisation des ressources qui ont été perçues du fait de l'allègement de la dette bilatérale du Cameroun envers la République d'Italie. Nous sommes convenus ensemble des affectations de ces ressources dans les secteurs déjà évoqués et dans les régions les plus affectées par la pauvreté et par les effets de la guerre. Il fallait venir voir ce qui a été fait et nous avons été heureux de voir que certaines structures sont construites. D'ailleurs nous avons procédé à leur inauguration, il y a dans d'autres arrondissements certaines structures qui sont en train d'être construites ou dont les travaux s'achèveront dans les deux ou trois semaines à venir, sur ce point-là nous partons satisfaits.

Nous sommes allés dans certaines écoles où il y avait plus de100 élèves par salle de classe. C'est bien que les élèves y aillent, mais avec cet effectif vous comprenez que l'encadrement pédagogique ne peut pas être optimal, ça veut dire qu'il faut faire autre chose, il faut faire plus. Mais, il ne faut pas seulement construire, il faut aussi s'assurer que la maintenance va suivre. Il ne faut pas seulement avoir une salle de classe mais il faut qu’il y ait un enseignant. Un centre de santé n'est rien sans infirmier...

On a visité un centre de santé où il y avait un seul infirmier et presqu'aucun équipement... C'est pourtant prévu dans le cadre de l'accord de désendettement avec l'Italie que les infrastructures construites soient équipées. On parle de millions d'euros qui ont été affectés par l'Italie.
Pas forcément de l'accord avec l'Italie, parce que comme on dit les ressources sont tangibles. L'argent n'est pas quelque part, il est dans le budget de l'État, ça signifie qu’au lieu de multiplier les salles de classes peut être que la stratégie pour le ministère chargé des investissements publics c'est de s'assurer de rendre opérationnel tout ce qui a été fait. Mes collaborateurs sont là avec moi ils ont bien vu. C'est ce que nous allons faire ce n’est pas que  nous allons faire d'autres interventions mais, nous allons nous concentrer sur l'opérationnalisation de ce qui a déjà été fait.

Y a-t-il un plan préétabli?
On a un budget qui a été voté et qui est nettement en hausse pour les investissements.

Donc si on revient ici dans deux, trois ans il y aura des équipements et du personnel?
Même l'année prochaine, vous verrez que maintenant vous devez comprendre que nous c'est l'investissement public, c'est pas nous qui affectons les enseignants. Il y a un ministère pour ça. Heureusement, il y a le ministre de l'Éducation de base qui est venue avec moi. Elle a bien compris l'effort qu’il y a à faire. Mais, pour ce qui est des équipements, médicaux, équipements des salles de classes, nous allons envoyer les ressources qu’il faut.

Comment mesurez-vous l’impact du conflit de Boko Haram du point de vue économique dans cette région de l'Extrême Nord?
Il est énorme. Je peux vous dire que dans une région comme celle-ci, qui vit essentiellement du commerce, 95% du commerce a été anéanti. Non seulement parce que les populations ont peur, parce qu'elles ne vivent plus dans la quiétude. Or, pour faire du commerce il faut être serein. Il faut aussi dire que le commerce se faisait essentiellement avec le Nigeria, une bonne partie, c'est vrai, c'était du commerce informel, lorsque les frontières se sont fermées, lorsque les gens ne peuvent plus circuler de part et d'autre, ça affecte de beaucoup les échanges. Un autre facteur économique est venu s'ajouter, c'est la dévaluation du Naira. La dévaluation de cette monnaie fait que mathématiquement c'est devenu plus cher de vendre dans ce pays, ça fait que nous avons perdu beaucoup possibilités. Heureusement la paix est en train d'arriver parce que les Etats de la sous-région ont fait un travail extraordinaire avec l'aide des pays amis. Mais aussi, les chefs d’États de la sous-région qui se sont réunis dernièrement à Abuja ont décidé de lancer cette autre bataille qui est la bataille du développement économique. Nous en tant que ministère de l’Économie, nous avons reçu des instructions du chef de l’Etat de prévoir un programme de développement et de la relance des activités dans la région de l’Extrême- Nord.

Quelles sont les priorités?
Nous avons mis en place un groupe de travail interministériel qui va faire des propositions, mais il ne faut pas être grand devin pour voir que le problème est infrastructurel. Vous avez vu l'état de la voirie urbaine de Maroua qui est complètement à refaire, il y a également à relancer les activités primaires c’est-a-dire les activités agricoles, l’élevage. Mais aussi passer un autre cap, c'est à dire passer à la transformation. Nous avons commencé à visiter un certain nombre de structures économique comme une tannerie à Maroua, pour voir comment on peut transformer les peaux pour ne pas seulement les vendre en l’état de produits semi finis, mais voir comment les transformer définitivement. Cette région a aussi besoin d'emplois industriels.  

Au-delà de l'Italie, quels autres partenaires étrangers ou internationaux sont présents dans la région de l'Extrême-Nord sur les aspects économique?
Il y en a pas mal de pays. C'est vrai que nous vivons une situation ponctuelle qui fait qu’avec les affres de la guerre un certain nombre d'expatriés sont partis. Comme ces Chinois qui construisaient une route extrêmement importante pour notre économie, celle qui part de Maroua à Ndjamena. On avait pas mal de personnes ici, l'espoir est que tout le monde revienne.

La croissance démographique galopante dans cette Région pose le problème de l'accès pour tous à des terres arables, d'autre part, beaucoup personnes forcées à se déplacer ne vont pas revenir sur les terres qu’elles occupaient avant la crise. Comment relancer le secteur agricole dans un tel contexte?
Vous allez un peu vite en besogne, en tout cas nous on n’a pas les mêmes informations que vous. Nous sommes dans une région qui a un gros attachement aux valeurs ancestrales. Il y a des zones hostiles, parce qu'il y a des pierres et des montagnes mais, certaines populations ne veulent pas en partir parce que leurs parents y sont enterrés. Ça veut dire que les gens ne refusent pas de rentrer. Il y a une équation simple c'est celle de la sécurité. Il y a encore un traumatisme qu’on peut comprendre. Nous nous n'avons pas l'information que les gens ne veulent pas rentrer. Si votre enfant se noie dans votre piscine je doute fort que vous alliez vous y baigner tout de suite après. Mais, le problème des terres est un problème général dans toutes les régions du Cameroun. D'ailleurs il y a une réflexion au sein du gouvernement, au ministère des Domaines, parce que traditionnellement, les terres appartiennent aux chefs traditionnels. Comment faire maintenant pour que chacun puisse avoir la terre dont il a besoin pour lancer ses activités ? La réflexion est en cours.

Comment jugez-vous l'état de vos relations économiques avec l'Italie?
Je dirais bien mais peut mieux faire.

Peut mieux faire sur quoi, dans quels domaines?
Peut mieux faire dans plusieurs domaines. Nous savons que l'Italie est une puissance européenne et toutes les autorités italiennes ont été d'accord pour dire qu'on peut faire mieux que ça. Nous avons eu le bonheur de recevoir le président italien M. Matarella en visite à Yaoundé cette année. Un certain nombre de résolutions ont été prises et d'ailleurs avec le dynamisme que l'on connaît à l’ambassadeur actuel, des efforts sont en train d'être faits. Nous avons un certain nombre de projets dans le pipe, que ce soit dans les logements sociaux, il y a des stades, Il y a des fora, il y a un certain nombre de projets qui sont déjà lancés, mais nous voulons réfléchir davantage, notamment dans le domaine des Pme, parce que nous savons que l'économie italienne est basée sur les petites et moyennes entreprises. Donc une réflexion va se faire. C'est pour ça que nous avons lancé un certain nombre de fora économiques pour un échange b to b entre les Pme camerounaises et italiennes. Voir effectivement qu' est-ce qu’on peut créer comme joint-venture dans le cadre des transferts de know how. Mais nous pensons que l'Italie gagnerait à conquérir le marché camerounais qui n'est réservé à personne et qui a surtout un potentiel intéressant qui ne demande qu’à être exploité.

Beaucoup d'entreprises italiennes et européennes sont un peu craintives de se lancer sur le marché africain pour beaucoup de raisons comme la concurrence chinoise... Comment faire pour attirer plus d'investisseurs?
Je voudrais dire qu’on ne peut pas demander une chose et son contraire. Si on a peur des Chinois, Indiens et des autres, il vaut mieux ne pas leur laisser le champ libre pour s'installer. On ne peut pas dire on a peur d'eux on s'en va, eh bien ils vont s'installer. Ce qu’on fait au niveau du Cameroun c'est un travail en profondeur pour améliorer le climat des affaires. D'ailleurs le Premier ministre est aux premières loges de ce combat.

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