Ce que font les militaires américains à Garoua
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Notre reporter a visité le siège du commandement US pour l'Afrique à Stuttgart.

Kelley Baracks, dans cette banlieue laborieuse de Stuttgart, rompt dans le paysage de bureaux en verre et acier, par sa rusticité, une caserne ne s'ignore pas. Le siège de Africom, le commandement des États-Unis pour l'Afrique est une petite ville dans la ville, avec ses codes, ses commodités et son identité. Dès l'entrée, haute sécurité : la Sergent Major Ray, contrôle consciencieusement les identités avec son équipe de sentinelles.

Pour l'histoire, ce camp américain a été bâti sur un bout du mur, ce fameux mur qui pendant un demi-siècle a séparé les deux Allemagne. Un bout de ce vestige a été préservé, comme pour signifier au visiteur que cet endroit porte les stigmates d'une histoire qui ne s'est jamais arrêtée. Les États-Unis sont le seul pays au monde, dont l'armée a saucissonné le monde en morceaux, et dédié à chacun un commandement. Le dernier né, et qui a bientôt une dizaine d'années, c'est Africom qui, très officiellement, est « responsable de défendre les intérêts militaires des États-Unis, et des relations avec les nations et les organisations militaires africaines, à l'exclusion de l'Égypte, en appui à la politique et à la diplomatie américaine.»

Certes, de la langue de bois administrative, mais déjà un pan de voile sur les intentions américaines sur le continent. Les hommes qui sont à la tête de ce commandement sont issus de la fine fleur des officiers généraux de l'armée et de la marine américaines. Le vice-amiral Michael T. Franken, l'allure austère, a gardé la nonchalance des fermiers de l'Iowa, où il est né et a grandi. Cet officier qui a tout de même commandé le fameux porte-avions USS Winston Churchill, est l'adjoint «Opérations » de Africom. Il aime à souligner que contrairement à leurs collègues diplomates, eux, militaires, manquaient d'expérience sur le continent.

Les choses se corrigent  avec Africom. Lorsqu'on passe en revue les objectifs de cette force, on peut être intrigué par les desseins que s'assignent les Américains sur les conflits. A propos des Shebab somaliens, les Américains parlent de« neutralisation», et lorsqu'il s'agit de Boko Haram, ils se contenteraient de «contenir » la menace. Ce qui oblige l'ambassadeur Alexander A. Laskaris, adjoint aux opérations civilo-militaires, à quelque explication : « Dans le bassin du Lac Tchad, on a déjà des Etats, avec des armées bien organisées. On peut travailler avec eux, car ils ont déjà des capacités, et expriment un besoin que nous comblons, dans la mesure de nos disponibilités. Dans la corne de l'Afrique, on ne peut compter sur rien, car tout est à mettre en place, même l'État.»

La base de Garoua

L'exemple le plus illustratif de cette situation, c'est la base américaine de Garoua, où 260 militaires américains sont assignés à des missions dites de « Intelligence, Surveillance, Reconnaissance ». Le Vice-amiral Franken précise: « le Cameroun a des militaires capables et professionnellement à niveau. Mais le gouvernement nous a dit qu'il manquait des moyens de surveillance.

C'est la raison pour laquelle nous les lui avons fournis. En termes de personnel, cela fait des pilotes, des logisticiens, du personnel de sécurité. Nous ne pouvions pas arriver dans une zone aussi pauvre et nous croiser les bras, nous avons déclenché un volet civilomilitaire pour accompagner notre action, poursuit-il». En fait l'intérêt des Américains pour cette guerre s'est ravivé après la capture des lycéennes de Chibok par les membres de l'organisation Boko Haram. A ceux qui insinuent que les Américains seraient intéressés pour «contrôler» politiquement le Cameroun, l'ambassadeur Laskaris rétorque par un franc rire, en ponctuant : « Une opération comme Garoua, ça nous revient cher, en hommes et en logistique... la facture est élevée».

Mais on peut le relever, ces bases sont autant de pions placés sur un échiquier où les positions chinoises et russes ne sont jamais ignorées. Témoin, cette première base chinoise en dehors de la Chine qui ouvre ses portes à Djibouti, où les russes ont d'ores et déjà conclu un droit de cité. Prévoyants, les Américains auront en face le Camp Lemonier, ancien aéroport français, transformé à ce jour en base aérienne américaine. Les Américains, loin de découper le continent en ses 53 Etats issus de la colonisation, lisent tout ce qui se passe en fonction d'une autre carte, celle des 800 groupes ethniques que compte le continent. Non loin de ces lectures, se trouvera toujours celle des ressources naturelles.

Comme quoi, ils sont loin d'être naïfs et ne se privent d'aucune clé de compréhension des phénomènes africains. Sur cette lancée, l'ambassadeur Laskaris s'avance : « On passe beaucoup de temps à essayer de comprendre l'idéologie religieuse du groupe Boko Haram, alors qu'il serait tout aussi intéressant d'appliquer une lecture en termes de business : le bétail, le poisson... On ne peut pas déplacer autant de tonnes de marchandises et de biens, sans grandes complicités et sans un réseau de profiteurs. Une de nos Ong a interrogé une centaine de Boko Haram repentis.

Pour l'essentiel, ces jeunes ont rejoint le mouvement, qui parce qu'il voulait accéder à un micro crédit pour s'acheter une moto, qui parce qu'il voulait avoir des vaches pour la dot de sa femme, qui parce qu'il estimait que le gouvernement avait abandonné leur région. Moralité, les Américains savent et modulent leurs engagements en fonction du crédit qu'ils accordent aux gouvernements qu'ils traitent en partenaires, pour la diplomatie, mais dont ils n’ignorent absolument rien.

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