Embargo sur la Mémoire : Le fantôme d’Ahmadou Ahidjo hante novembre 2016
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CAMEROUN :: Embargo sur la Mémoire : Le fantôme d’Ahmadou Ahidjo hante novembre 2016 :: CAMEROON

le 11ème mois de l’année qui a vu démissionner de la magistrature suprême le premier président du Cameroun, est également, coïncidence de l’histoire, celui des émeutes de Bamenda (avec l’exhumation du problème anglophone) ; il marque également un moment important de l’histoire du football camerounais, avec les lionnes indomptables qui brisent le signe indien, triomphant de l’équipe du Ghana, en demi-finale, dans le même stade Ahmadou Ahidjo où, à ce même niveau de la compétition, l’équipe nationale de football masculine, à la faveur de la coupe d’Afrique des Nations, Cameroun 1972, avait trébuché en demi-finale, se faisant éliminer par la même occasion, par le onze national du Congo-Brazzaville.

44 ans, après la gloire perdue de l’équipe nationale du Cameroun, vaincue et éliminée au stade des demi-finales de la coupe d’Afrique des Nations masculine de football, organisée en terre camerounaise en 1972, voici que les Lionnes indomptables de football, à la faveur de la 10ème édition de la Can féminine, viennent de laver l’affront subi par leurs pères. La dérouté, l’amertume et le supplice de la 1ère édition d’une Can de football, jusqu’ici organisée au Cameroun, ont duré plus de quatre décennie dans la mémoire collective. Il a fallu attendre longtemps ; pour voir des lionnes, délivrer toute la nation.

Eblouissantes et séduisantes, spectaculaires, conquérantes, combatives, intrépides, intraitables et jusqu’ici invincibles, les Lionnes ont bravé et réussi l’exploit dans le même stade Ahmadou  Ahidjo, où, il y a 44 ans, échouait le Cameroun en 1972.

Par leurs coups de griffes, leurs rugissements successifs, le moral de gagneur, l’envie d’aller le plus loin possible, la rage de vaincre, une offensive redoutable, elles ont su convaincre, grâce à la production du beau jeu ? Un spectacle pétillant, sensationnel et irrésistible. Après avoir assiégé, bousculé, et contraint l’adversaire à l’étouffement, à la 75ème minute, lorsque le but salvateur et somptueux de Raïssa Feudjou retentit, le bloc collectif des Lionnes, déterminé et soudé, mené par la capitaine, Manie Christine, vient d’effectuer une pression aux allures d’un sit-in, dans le camp adverse.

Dans un concert de cris stridents, des explosions de joie, les youyous, l’entrée royale menant à la finale, à peine une poignée des camerounais d’un certain âge se souviennent que la cuvette de Nfandena (quoique rénovée), où les artistes du ballon rond au féminin, excellent de prouesses et procurent du bonheur et de la joie, porte le nom de baptême du premier président du Cameroun.

La qualification des Lionnes, mardi, 29 novembre est arrivée, à la veille du 30 novembre 1989, date de décès du président Ahmadou Ahidjo. Et dire que le défunt président reste, loin de Garoua sa ville natal ; loin du Cameroun qu’il avait chéri et bâti 22 années durant. Très peu de Camerounais, se rappellent que le nom de l’illustre disparu, est resté pendant longtemps, exclu du discours officiel. Subtilement, le stade Ahmadou Ahidjo a été débaptisé et appelé stade Omnisports de Yaoundé.

Le malentendu anglophone

Mort à Dakar, le 30 novembre 1989, les restes du président Ahmadou Ahidjo, reposent encore au pays de Macky Sal. 27 ans après sa mort, au cimetière musulman de Yoff. Sur la tombe dorée de l’illustre défunt, l’on peut lire, dans les versions arabe et français : « El Hadj Ahmadou Ahidjo : 1er président du Cameroun : 24. 8. 1924 à Garoua- 30.11.1989 à Dakar ». Le rapatriement de son corps, désiré par la grande majorité des Camerounais reste une question à plusieurs inconnus. On se souvient qu’à la suite d’une vaste opération de démonétisation, le retrait de la circulation des billets de banque portant son effigie, avait consacré la rupture entre la nation et l’un des pionniers de la construction nationale. Ils sont très peu nombreux, des Camerounais de passage à Dakar, au Sénégal, à résister à l’envie d’aller se prosterner devant la tombe d’Ahmadou Ahidjo, le premier président du Cameroun.

Le mois novembre dont les mille et un clichés, se bousculent encore dans les têtes, a donné à voir la grève des avocats anglophones à Buea ; les émeutes de Bamenda, avec leurs corolaires, des grandes interrogations autour de la « marginalisation » des anglophones. Les populations des deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, qui ont accepté de faire bon ménage avec les compatriotes des autres régions du Cameroun francophone ; d’abord pendant la réunification au sortir de la conférence de Foumban en 1961 ; l’Etat fédéral en 1966 et l’unification et 1972, sanctionnée par la création d’un Etat unitaire fortement décentralisé, ont exprimé leur  indignation et le mal être.

Criant au supplice, au ressentiment d’une indignation ; on les voit naviguer entre controverse et duperie ; suspicion et dénonciation. Ils s’insurgent contre : le règne de l’arbitraire, des frustrations, l’accumulation des injustices, la mauvaise répartition des postes « juteux » dans le gouvernement, les directions généraux, l’administration, l’enseignement. Au-delà de l’impression d’un ras-le-bol, les populations du Nord-Ouest et du Sud-ouest, envahissant les rues, agissent, sans doute pour certains, dans le but d’appeler à la sécession. Ils veulent profiter de l’embrasement pour fragiliser les institutions étatiques, installer le règne de la peur et de la terreur. 55 années après Foumban 61, le fédéralisme suivi de l’unification, chèrement négociées par le président Ahmadou Ahidjo, ne résiste pas au temps.

Les populations d’un même  triangle national, au prétexte d’être phagocytées par des langues étrangères que sont l’anglais et le français, continuent à se battre sur plusieurs fronts. Malgré la passe de 34 années de « Biyayisme », le malaise social persiste Les braises de la contestation aussi. La partie anglophone surtout, se dit à l’étroit, dans un ménage, où, baignent : scepticisme, nostalgie et mélancolie, à cause de la « gourmandise politique ». Pour reprendre un terme du très regretté Nelson Mandela qui fustigeait les très longs règnes au pouvoir.

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