Nasser Njoya : « Bonheur National Brut » (BNB) ou la parenthèse enchantée
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Cette compétition qui permet d’accélérer le parc infrastructurel du Cameroun ne fera pas forcement gagner quelques chiffres au Produit Intérieur Brut (PNB) à l’économie locale.

L’émotion des supporters n'est jamais aussi forte qu'au stade. A l’heure de la CAN féminine 2016 au Cameroun et après sa sortie victorieuse contre l’Egypte, beaucoup d’études et analyses pourront chercher à mesurer l’impact économique de l’événement en termes de surplus de consommation. Les chiffres avancés pourront probablement atteindre des milliards comme savent le spéculer les politiciens appuyés en cela par les statistiques enfumées des économistes ou financiers. On sait que cet impact est plus surestimé et que rétrospectivement on a du mal à trouver un effet positif sur la croissance ou l’emploi.

Alors pourquoi organiser un tel événement comme la CAN féminine 2016? Le foot n’est-il qu’une histoire d’argent ? A ces questions, ont aura le camp des pours et des contres. Quoi qu’on dise, le football ou le sport dans sa globalité bien qu’étant estampillé du label économique a toujours été au-delà de l’économie. La vision de Loïc Ravenel du Cies de Neuchâtel est plus tranchée : «Cette histoire de retombées économiques, c’est de l’enfumage.

Reconnaissons qu’on organise un événement très souvent pour des questions d’image, de fête populaire. Arrêtons de vouloir le justifier économiquement». Nous serons plus précis en disant : financièrement. Car l’économie est davantage que l’étude de l’argent. Bien que l’argent ne fasse pas le «bonheur » selon certaines thèses, c’est aussi, aujourd’hui et depuis quelque temps, l’étude et la mesure du "bonheur". Certains proposent même de calculer des indicateurs du "Bonheur National brut" comme on le fait depuis des lustres pour le produit National brut, d’aucun critiquant ce dernier comme mesure du "bien-être" d’une population.

Même s’il n’a aucun effet sur le PNB, la CAN féminine 2016 pourrait-t-elle avoir des effets sur le "BNB" Camerounais ? «Il n'y a pas un endroit au monde où l'homme est le plus heureux que dans un stade de football», écrivait Albert Camus qui jouait comme gardien de but au Racing universitaire d'Alger (RUA) et qui était passionné par le football. A voir la joie du petit supporter ou supportrice Camerounais(e) quand il découvrira le billet que son père ou sa mère lui a offert pour aller supporter les lionnes indomptables durant la CAN 2016, on imagine bien son bonheur dans le stade...

Plutôt que de chercher des motivations financières plus qu’incertaines à l’organisation de la CAN féminine 2016, ne pourrait-on donc pas regarder du côté des impacts plus subjectifs ? Les études montrent déjà qu’en dehors d’un impact économique au sens strict les grands évènements sportifs ont une influence sur la vie sociale, il est vrai pas toujours positive : baisse des suicides, mais hausse des violences conjugales, absentéisme sur le lieu de travail, etc. mais qu’en est-il de l’optimisme, du bien-être, du bonheur ?

Jeux à Londres, bonheur à Paris et Berlin

Claudia Senik, auteure de «l’économie du Bonheur» (la République des idées, seuil, 2014), s’est intéressée récemment à l’impact des grands événements sportifs sur le bienêtre des populations. Elle démontre avec ses coauteurs qu'entre l'ouverture des Jeux de Londres 2012 et leur fermeture, le bonheur mesuré sur une échelle de 0 à 10, est significativement plus élevé (en tenant compte de tous les autres effets), à Londres bien sûr, mais aussi à paris et à Berlin : alors qu’il plafonne partout à 6,5 en moyenne avant les Jeux, il atteint 6,8 à paris et à Berlin, et culmine à 7 à Londres.

Cet effet est cependant éphémère puisqu’au mois de septembre, le bonheur redescend à 6,6, une valeur néanmoins supérieure au bien-être d’avant la quinzaine olympique. Qu’aurait été le BNB du Cameroun, de l’Egypte, de l’Afrique du sud ou du Nigeria si une étude  similaire avait été menée avant, pendant et après la CAN féminine 2016. Et surtout si les coéquipières de Gaëlle Enganamouit, Ajara Njoya ou Christine manie nous faisaient revivre un parcours digne de l’épopée Canadienne ou soulevait le trophée tant convoité ?

Les aficionados de football vont-ils être plus heureux pendant la CAN Camerounaise? Certains diront que c’est le foot féminin, c’est moins important que le foot masculin. Mais c’est mal connaitre la passion des camerounais pour le ballon rond et pour le sport en général. A voir l’ambiance dans les bars et les chaumières lors de la coupe du monde Canadienne, lors des matchs amicaux des lionnes au Cameroun ou tout simplement lors du match d’ouverture de la CAN 2016, c’est vraisemblable et on serait tenté de répondre par l’affirmative.

Mais de tempérer tout de même qu’en sport, tout est relatif et dépendra du parcours de nos lionnes.  

Emotion maximale

Ces émotions sont encore plus fortes chez les jeunes plus exubérants dans leur démonstration de joie, mais sont identiques chez les hommes et chez les femmes adultes. Et peut atteindre son pic Up ou Down selon la performance de son idole. Bien sûr, cet enthousiasme doit être nuancé par l’insatisfaction des nombreuses personnes qui ont une aversion pour le football, les conjointes par exemple. Encore que voir les gens heureux... sans parler des motivations du personnel politique pour organiser un tel événement et la récupération qui va de pair : les anthropologues ont montré depuis longtemps que toute société qui veut asseoir sa puissance économique doit montrer aux autres qu’elle est capable de dépenser... même si cela ne rapporte pas de voix !

La CAN féminine 2016 servira  aussi à cela. Démontrer aux yeux du monde que le Cameroun est un pays économiquement sain, pérenne et résolument tourner vers l’avenir. Que le Cameroun à une politique sportive et les moyens de sa politique. Permettra-t-elle de créditer le Cameroun d’un point de croissance ? Les études devraient être menées pour renforcer cette thèse ou…le contraire. Mais pour ce qui est du «Bonheur Intérieur Brut», l’observation et le parcours des lionnes nous le diront très vite. Tout en espérant ne pas passer des extrêmes joies aux extrêmes désespoirs comme en 1972…et l’élimination de nos lions en demi-finale.  

La parenthèse enchantée

Durant deux semaines, le peuple Camerounais se laissera emporter par les effluves du jeu et de la fête. A charge aux lionnes de faire durer ce plaisir. Le pic d’optimisme se verra accréditer de quelques points. On le sait tous, un être optimiste se comporte sainement, dépense beaucoup, même si cette dépense n’est pas synonyme de décollage économique tant espéré. Cette CAN féminine 2016 menée contre vent et marée à bon port aura le mérite d’apporter un peu de soleil dans le cœur des Camerounais, de donner au Cameroun la place qu’elle mérite sur la scène internationale. Et faire taire les médisances bien que justifié du genre «le Cameroun sait plus remporter les compétitions organiser par les autres qu’en organiser elle-même ».

la CAN féminine 2016 qui au passage aura permis d’accélérer le parc infrastructurel du Cameroun ne fera pas forcement gagner quelques chiffres au produit intérieur Brut (PNB) à l’économie locale. Mais sans aucun doute, pour ce qui est du «Bonheur Intérieur Brut» (BNB), on pourra grappiller quelques points. Au regard du quotidien pas toujours ensoleillé du Camerounais moyen, c’est déjà cela de pris. Remember Eseka…

Juste qu’on se demande pourquoi nos dirigeants ne se sont pas laisser prendre au jeu plus tôt ? Avant que cette CAN n’aille à son terme, vivement 2019.

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