Cameroun: Le régime de Yaoundé s’écroulera comme un château de carte aussitôt qu’il s’attaquera aux réseaux-sociaux
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Cameroun: Le régime de Yaoundé s’écroulera comme un château de carte aussitôt qu’il s’attaquera aux réseaux-sociaux :: CAMEROON

J’ai lu la loi sur la communication sociale au Cameroun. J’ai écouté le président de l’Assemblée nationale qui fait la Une de Mutations du vendredi 11 novembre 2016 au Cameroun. J’ai pris le temps de lire les deux dossiers approximatifs que Cameroon Tribune consacre aux réseaux sociaux. Xavier Messe y est allé de sa petite analyse, vite recadré par son collègue Antoine Wongo Ahanda. Comme si cela ne suffisait pas, j’ai pris le temps de lire Joseph Anderson Le et Félix Zogo ! Mais moins de 1% de camerounais sont au courant de ce que ces journalistes de la presse écrite ont pu écrire. En effet, dans une étude publiée par le Dr Louise Balock à l’IFLA de Lyon en 2014, intitulée : Les adolescents et la lecture à Yaoundé : contribution à la mise en œuvre d’une politique de développement de la lecture, il ressort que dans les écoles de la ville de Yaoundé, 9,7% seulement des enfants ont accès à une lecture autre que les manuels scolaires, moins de 12% ont accès à la presse écrite. Le 7 mars 2008, le quotidien privé Le Messager a mené une enquête et l’a publié sur Cameroun: Presse écrite - domaine réservée de l'élite. Nous pouvons lire qu’à l’échelle de préférence des Camerounais en quête d’information, la presse écrite arrive en troisième position. Sur la même période au Sénégal répondant à la même enquête, les Sénégalais placent la presse écrite en tête des outils d’information. 49% de Camerounais interrogés affirment ne pas lire les journaux. 52% écoutent la radio, 63% regardent la télévision. Cette statistique baisse à 32% quand il s’agit de regarder les nouvelles par le canal des « les journaux télévisés ». Seuls 3,4% des Camerounais interrogés lisent les journaux tous les jours de la semaine. Cette moyenne cache de fortes disparités géographiques et catégorielles puisque, dans la ville de Yaoundé nous avons une moyenne de lecture de 1,15 jour sur 7 de lecture alors qu’à Bafoussam nous tombons à 0,85, et à 0,53 à Kumba. La lecture de la presse écrite est donc en premier une affaire de l’élite bourgeoise.

Le texte que je publie dans les réseaux sociaux, Twitter, Facebook, Instagram est à 45% de lecture, au-dessus d’un texte publié dans un journal. Ce pourcentage augmente de 26% chez les jeunes qui sont les premiers utilisateurs des réseaux sociaux et constituent 64% de la population générale du pays.

Aujourd’hui, l’ère informationnelle et ses avancées technologiques ont complètement renversé la donne des révolutions et des guerres et ont réajusté l’équilibre des forces. La généralisation massive des téléphones portables et autres smartphones, et la possibilité de partager les photos et vidéos prises instantanément sur des plateformes comme Facebook, Youtube ou Twitter ont contribué en très grande partie au succès des révolutions qu’ont connu la Tunisie et l’Egypte. Obama et Donald Trump ont chacun gagné grâce aux réseaux sociaux. Le premier ministre canadien s’exprime en moyenne 12 fois par jours sur Facebook.

4 vérités inébranlables sur le pouvoir des médias sociaux

1 - Les médias sociaux sont devenus des médias très puissants : le partage de documents (images, vidéos, podcasts…) en temps réel sur Twitter et Facebook a permis de suivre seconde par seconde ce qui se passait sur le terrain à Eséka, ce sont les réseaux sociaux qui ont confondu le ministre des Transports du Cameroun. Les exemples comme ceux que je donne ici sont légion. 3 Camerounais sur 4 qui ont un téléphone vont sur les réseaux sociaux qui commencent par le SMS. Les médias sociaux, par leurs utilisateurs et leurs conversations, ont conforté leur rôle puissant à transmettre un message à des millions de personnes en un temps record, une caisse de résonance sans équivalent de nos jours. Voilà pourquoi je dis que le régime de Yaoundé est au bord du précipice, il y plongera sans avoir été poussé.

2 - Les médias sociaux en avant post de l’information : Avec Youtube et Facebook, Instagram. Les jeunes (15-35 ans) y échangent leurs images et vidéos sur les réseaux sociaux. La vitesse de propagation en est amplifiée comme nous avons pu l’observer lors du drame de Monique Koumateke le dimanche 13 mars 2016 ou lors du drame du déraillement du train à Eséka le vendredi 21 octobre 2016. Nous pouvons constater que tous les ingrédients étaient réunis : des séquences émotions, les conditions du direct, l’appel au secours, l’absence de secours. Les jeunes ont rapidement transformé leurs téléphones portables en chaîne de télévision en invitant ceux qui les regardent à prendre conscience qu’il se passe quelque chose de dramatique et qu’il est nécessaire de « partager » au maximum les images, mais surtout de les sauvegarder. Ce qui a rapidement permis à des millions de personnes dans le monde de visionner les images de ces deux drames avant qu’elles ne fassent le tour des JT et points infos des chaînes TV avec la censure ou le montage en plus.

3 - Les médias sociaux : plateformes par excellence de la fabrication des opinions: les médias sociaux nous donnent la possibilité de regrouper notre entourage relationnel (famille, amis, collègues…) sur un seul réseau social et de relayer non seulement nos informations mais surtout nos OPINIONS et avis sur un sujet donné.

Comme le rappelle Clay Shirky dans son essai, en reprenant les propos des sociologues Elihu Katz et Paul Lazarfeld, issus d’une étude d’opinion politique publiée après les élections présidentielles américaines de 1948: « Les médias traditionnels ne suffisent pas à changer l’esprit des gens. Il y a un processus en deux étapes: les avis sont d’abord transmis par les médias et relayés ensuite par les personnes à leurs amis, familles, collègues… C’est lors de cette seconde étape que les opinions politiques sont formées. C’est à cette étape où l’Internet en général et les médias sociaux en particulier peuvent faire la différence ».

« Mass media alone do not change people’s minds; instead, there is a two-step process. Opinions are first transmitted by the media, and they get echoed by friends, family members,

and colleagues. It is in this second, social step that political opinions are formed. This is the step in which the Internet in general, and Social Media in particular, can make a difference ».

Elihu Katz & Paul Lazarfeld.

Il y a quelques décennies, on votait selon nos références politiques familiales, locales ou régionales. Aujourd’hui, on vote pour une personne et non plus pour un parti. La personnification du pouvoir politique trouve toute sa légitimité dans notre ère où l’image et le branding sont les règles du jeu. Aussi, la démocratisation de l’Internet et l’accessibilité d’un très grand nombre de personnes aux réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter, engendrent la démocratisation du moi, de l’avis et de l’opinion. Aujourd’hui, tout se dit et se partage publiquement, en temps réel ancré dans la mémoire indélébile du web, ce qui confère aux médias sociaux une grande puissance de frappe pour amplifier la contagion de l’opinion.

4 - Les médias sociaux : relais indéniable d’évènements: Facebook joue un grand rôle dans la coordination de manifestations comme celle qui s’est déroulée le 1er novembre 2016 après que le 31 octobre un marchand de poisson ambulant a trouvé la mort dans les circonstances tragiques. La « La hogra ». Ce mot par lequel les Marocains désignent « l'arbitraire » des autorités a rapidement fait surface en boucle dans le pays pour qualifier le décès de Mouhcine Fikri. Une page Facebook a été créée et au bout de 72h elle comptait déjà 612 000 fans. Au Cameroun nous n’en sommes pas encore là, Manyaïn, Eseka, Ebebda, Koumatéké ne donnent pas encore lieu à des grands rassemblements, ce n’est pas pour autant qu’il faudrait ignorer la menace.

Conclusion

Conversations, partage, temps réel, vitesse de propagation, opinions, coordination, tels sont les réels apports des médias sociaux aux manifestations politiques ou a-politiques qu’a connu le monde arabe dans ce qu’on a appelé « Printemps Arabe », c’est le fil conducteur du soulèvement au Burkina Faso qui a abouti à la chute du président Blaise Compaoré. D’autres pays en Afrique subsaharienne peuvent connaître les mêmes mouvements. Les réseaux sociaux ont joué un rôle de premier plan dans l’élection de Donald Trump, ils lui ont fait mener une campagne de proximité. Pour que les conversations fassent toujours écho, il faut que l’Internet reste libre, que l’opinion des internautes conserve sa puissance même si la démocratisation d’un côté peut engendrer la censure ou la surveillance de l’autre côté.

Désormais, les batailles politiques (élections, révolutions…) se joueront aussi sur le ring des médias sociaux. Le discours des médias gouvernementaux, la prise de position du président de l’Assemblée Nationale apparaissent alors comme une provocation, du carburant déversé et qui n’attend qu’une étincelle pour tout embraser.

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