William Aurélien Etek’a Mboumoua : Diplomate pour l’éternité
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Ancien secrétaire général de l’Oua, ancien ministre sous les présidents Ahidjo et Biya, il s’était reconverti dans l’humanitaire depuis sa retraite. Evocation d’une riche carrière.

Pépé Willy est mort ! C’est ainsi que la nouvelle s’est propagée hier matin à travers des Sms autour de ses proches. William Aurélien Etek’a Mboumoua revenait d’un séjour médical en France. Il a quitté l’hexagone il y a tout juste quelques semaines après y avoir reçu des assurances de ses médecins sur son état de santé. Il y a même laissé son épouse qui est restée poursuivre un traitement médical. On pensait alors qu’il allait mieux. Mais sa santé s’est dégradée. Etek’a Mboumoua est mort hier matin, 26 octobre 2016. Sa dépouille a été conduite à la morgue de l’hôpital général de Yaoundé.

On ne le reverra donc plus avec son éternel dress code : ses tenues blanches qu’il portait à profusion et qu’il affectionnait particulièrement. Ce qui frappait d’emblée lorsqu’on approchait l’homme c’est sans doute son caractère soigné autant dans la posture, la prise de parole que la mise vestimentaire. A plus de 80 ans, il mettait toujours un soin particulier à sa coquetterie qui chez lui était un « don du ciel ». Au moment de sa disparition il est à la tête de la Croix-rouge camerounaise qu’il a dirigée pendant plus de 20 ans.

Nations Unies

Son bail avec l’humanitaire remonte au début des années 90. William Etek’a Mboumoua qui avait pris sa retraite administrative en 1988 après être sorti du gouvernement un an plus tôt se consacrait alors à des activités de consultant international pour le compte des Nations unies. C’est à ce titre qu’il a dirigé la mission consultative du secrétaire général de l’Onu sur le contrôle de la collecte des armes légères en Afrique Sahelo-saharienne. De même qu’il a collaboré avec le Haut commissariat pour les réfugiés et l’Unesco.

Dans la foulée de ses consultances auprès des agences onusiennes, il sera sollicité par un vieil ami, Simon Pierre Tsoungui, ancien Premier ministre et ancien ministre de la Santé, qui a fondé la Croix-rouge camerounaise et qui, se sentant fatigué, a voulu laissé son « bébé » à quelqu’un qu’il connaissait bien. Le jeune retraité qui estimait qu’il avait pris sa retraite assez tôt, malgré une carrière accomplie, et qui se sentait encore assez d’énergie pour travailler accepte l’offre de son ami. En 1991 Etek’a Mboumoua intègre la Croix-Rouge d’abord comme Vice-président avant d’être élu à la présidence deux ans après pour remplacer celui qui l’avait appelé à ses côtés. Depuis tout ce temps, parallèlement à ses activités de consultant, il s’est mis à la tâche. Et à apporter sa touche à l’évolution de  cette institution.

Son bilan peut alors se résumer à deux choses : compléter l’implantation territoriale du mouvement et lui donner une lisibilité à travers un plan stratégique de développement. Une activité bénévole, le président n’étant pas rémunéré, ne percevant qu’une indemnité de responsabilité.

Elu en l’absence d’Ahidjo

Intrinsèquement William Etek’a Mboumoua a toujours été actif dans l’ombre. Ce qui peut contraster avec les fonctions occupées pendant sa riche carrière. Les plus connues étant celles de secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (Oua), ancêtre de l’actuelle Union africaine (Ua) et de ministre, la première lui ayant conféré une aura internationale. En 1972, le Cameroun réussi à faire élire un de ses dignes fils au poste de secrétaire général de l’Oua en la personne de Joseph Nzo Ekangaki qui remplaçait à ce poste le burkinabé Diallo Telli. La mandature de Ekangaki coïncide avec la crise du pétrole. Il est accusé d’avoir reçu des pots de vin d’une société sud-africaine qui a décroché le contrat comme facilitateur auprès des Etats pour la gestion de cette crise. Le conseil des ministres de l’Oua impute à Ekangaki le fait d’avoir pris cette décision sans s’en référer à lui.

De Ekangaki, les chefs d’Etats de l’Afrique de l’Ouest en particulier n’en veulent plus. Sa succession semble ouverte. Pour sa part, le président Ahidjo caresse toujours l’espoir de retourner la situation en faveur de son poulain. Le 11 juin 1974, le chef de l’Etat camerounais débarque à Mogadiscio en Somalie pour le 11ème sommet de l’Oua. Il demande à ses pairs de permettre à Ekangaki d’aller au terme de son mandat. Mais ses pairs s’abstiennent à le suivre dans cette voie.

Ahmadou Ahidjo présente alors la candidature de William Aurélien Etek’a Mboumoua qui était jusque là conseiller spécial auprès du comité de l’Oua pour le Moyen-Orient. Etek’a Mboumoua n’obtient que cinq voix au premier tour. Déçu, le président Ahidjo quitte précipitamment Mogadiscio abandonnant une partie de la délégation. 16 heures de débat et 20 tours de scrutin n’arrivent pas à départager le somalien Omar Ateh Ghalib et le zambien Vernon Mwaanga. Face au blocage, le président Senghor remet la candidature de Etek’a Mboumoua sur la table. Le camerounais est élu à l’unanimité des membres de l’assemblée générale de l’Oua. On est allé réveiller Etek’a Mboumoua à 5h du matin, et à 7h du matin, il devenait le secrétaire général de l’Oua en l’absence du président Ahidjo. Etek’a Mboumoua remplaçait son compatriote. Plus question d’achever simplement le mandat de son prédécesseur, mais d’effectuer un mandat complet.  

Libération de l’Afrique

Etek’a Mboumoua s’installe à Addis Abeba en Ethiopie où se trouve le siège de l’Oua. Il y passera quatre bonnes années, des années pleines, qui ont vu l’Oua réaliser l’un de ses objectifs fondamentaux, celui de la libération de l’Afrique. Durant son mandat, le Cap-Vert, la Guinée Bissau, le Mozambique, l’Angola, Sao- Tomé et principe, pour ne citer que ceux-ci, on acquis leur indépendance. Lorsqu’il a quitté l’Oua en 1978 il n’y avait que l’Afrique du Sud qui était encore sous le joug de l’Apartheid. Pour bien d’observateurs de la scène africaine, c’est la période où l’Oua a réalisé ses meilleures performances.

Un séjour qui aura permis à Etek’a Mboumoua d’étoffer son carnet d’adresse et de se faire une notoriété internationale dont il a continué à bénéficier des fruits. Il en repartira un peu comme il y est arrivé. La veille de l’élection, le président Ahidjo l’informe de ce qu’il ne devra pas se représenter à nouveau. Le matin de l’élection Etek’a Mboumoua va convoquer une conférence de presse expresse pour annoncer la nouvelle. Ainsi s’achevait son séjour à la tête de l’Oua. L’histoire de Etek’a Mboumoua est fortement liée à l’évolution de l’administration camerounaise dès l’indépendance.

En effet, dès 1959, face à la sympathie des étudiants camerounais de Paris, Ahmadou Ahidjo joue la carte de l’ouverture et agite les possibilités de carrière dans la fonction publique. La plupart de ces personnes ont la particularité et l’avantage de venir de différentes régions et d’être présentées comme la jeune classe montante dont Ahidjo compte se servir pour évincer les anciens caciques de la politique camerounaise. Ainsi au Littoral, Etek’a Mboumoua et François Sengat Kouoh apparaitront comme des « remplaçants » de Paul Soppo Priso, de Bebey Eyidi ou Abel Kingue, ces deux derniers étant des leaders de l’Upc.  

Paul Biya

Lorsqu’il regagne le Cameroun en 1959 après avoir suivi des études secondaires et universitaires sanctionnées par un diplôme d’études supérieures de sciences politiques et de l’école nationale de France d’Outremer, Etek’a Mboumoua est enrôlé dans la préfectorale. Son premier poste d’affection le conduit dans le département du Nkam à Yabassi comme premier adjoint préfectoral où il ne restera que quatre mois.

Le 1er janvier 1960, jour de l’indépendance du Cameroun, il est promu préfet de la Sanaga- Maritime. C’est la période où le maquis sévit dans ce département, bastion de l’Upc. Il n’y restera qu’une seule année et sera appelé au gouvernement en 1961 comme ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, des Arts et des Lettres. Il fera appel à un de ses anciens camarades et ami, Michel Dooh Kingué pour diriger son cabinet. Mais quelques temps après, Dooh Kingue a été appelé à l’Unesco. Il fallait donc le remplacer.

Avant de partir Dooh Kingue avance le nom de Paul Biya pour le succéder auprès de Etek’a Mboumoua. A l’époque, le jeune Biya officiait à la présidence de la République. Etek’a Mboumoua demande l’autorisation à Ahidjo à pouvoir travailler avec ce collaborateur au ministère. Ahidjo lui a demandé s’il le connaissait. « Non », lui a répondu Etek’a Mboumoua. Paul Biya a ensuite été mis à la disposition de Etek’a Mboumoua. Pendant trois ans l’actuel chef de l’Etat camerounais a été le directeur de cabinet de Etek’a Mboumoua. Ahidjo rappellera ensuite Biya à la présidence.

Etek’a Mboumoua y retrouvera Biya lorsqu’il quitte l’Education nationale. Lui comme étant conseiller du président Ahidjo et Paul Biya comme secrétaire général de la présidence qui deviendra de ce fait son patron hiérarchique.  

Patriarche Akwa

L’auteur du livre « Un certain humanisme », l’un de ses trois ouvrages, retrouvera le gouvernement en 1980 comme ministre chargé de mission. Il sera conservé à ce poste par le successeur du président Ahidjo jusqu’en 1984. Paul Biya va ensuite lui confier la diplomatie camerounaise en le nommant ministre des Affaires étrangères. Il y passera trois ans. Il est débarqué du gouvernement en 1987 pour avoir signé un communiqué sanctionnant des travaux avec une délégation hongroise conduite par leur ministre des Affaires étrangères d’alors. Le document signé par Etek’a Mboumoua indiquait que les deux pays étaient disposés à entretenir des relations diplomatiques.

« Faute lourde », a estimé Etoudi. Viré un vendredi, le lundi, un communiqué de la présidence expliquait à l’opinion les raisons de ce limogeage. C’était la première et la dernière fois qu’on expliquait pourquoi on avait enlevé un ministre. Ce que Etek’a Mboumooua a vécu durement. Même s’il l’a pratiquée de par ses fonctions, la politique est un terrain où Etek’a Mboumoua a plutôt eu une activité discrète. Il aimait alors à rappeler qu’il n’est pas militant de parti. Patriarche Akwa (Bonadibong), membre d’honneur de Caiman de Douala (Eboa Lottin lui rend un hommage à propos dans l’une de ses chansons, Ndlr) Etek’a Mboumoua était marié pendant 44 ans à Yvette Eyewé, toute première pharmacienne camerounaise à ouvrir une officine de pharmacie en 1960 à Yaoundé. Il l’a épousée après s’être séparé de sa première femme, Laurette Soppo Priso, la fille de Paul Soppo Priso, avec laquelle il a eu deux enfants. Il meurt sans avoir pu terminer la rédaction de ses mémoires, un projet qui lui tenait à coeur. Ala na musango

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