Quels jokers de luxe pour les Lions indomptables ?
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D’importantes échéances attendent l’équipe nationale en 2017 et 2018. En reconstruction, l’effectif actuel est pétri de talents, mais il faut d’autres arguments pour aborder la haute compétition. Si les générations montantes gagnent en assurance, elles ont encore besoin de l’expérience de quelques « vétérans » qui pourraient jouer occasionnellement le rôle ingrat de jokers de luxe.

A défaut de connaitre un aboutissement définitif, le processus de reconstruction en équipe nationale de football fanion n’a pas véritablement quitté les devants de la scène depuis environ une décennie. Et plus on en parle, plus on a l’impression que le débat s’enlise dans les méandres des vaines certitudes. Même si on peut remonter plus loin, c’est au lendemain de la finale perdue face à l’Egypte à la CAN 2008 au Ghana qu’on a commencé à mettre en place les jalons d’une refondation des Lions indomptables qui montraient déjà des signes inquiétants de dégénérescence dans la durée.

Depuis lors, beaucoup de sélectionneur ont été appelés à la manette pour redresser la barre. En se limitant à la dernière décennie, Jules Nyonga, Otto Pfister, Thomas Nkono, Paul Le Guen, Javier Clemente, Denis Lavagne, Jean-paul Akono, Volker Finke, Alexandre Belinga et Hugo Broos ont été tour à tour, appelés au chevet d’un patient en mal de convalescence. Mais à l’observation, la plupart des « élus » ont semblé se complaire dans un rôle de sapeur-pompier, en lieu et place du bâtisseur présumé. Résultat : on parle toujours des Lions sous l’angle de «reconstruction », en 2016 comme en 2007. Mais cela ne signifie pas pour autant que rien n’a été accompli entre temps.
 
Un regard objectif sur l’évolution des effectifs au cours des dernières années permet d’affirmer que l’équipe nationale est résolument engagée dans une dynamique de recomposition. En clair, la reconstruction avance tant bien que mal, avec ses hauts et ses bas. Certes, les Lions n’ont pas encore retrouvé la formule du jeu spectaculaire et séduisant qui avait bâti leur solide réputation dans la décennie 1990-2000. Il n’empêche que les quadruples champions d’Afrique ont gagné en efficacité plus qu’on ne le pense. Si la prestation d’ensemble comporte encore beaucoup de déchets, force est de reconnaitre que depuis l’arrivée du sélectionneur Hugo Broos, l’équipe n’a pas  encore perdu un match officiel. Le bilan au plan statistique est d’autant plus appréciable que les effectifs ont été profondément bouleversés.

Ainsi, sur les 23 joueurs retenus pour la Coupe du monde Brésil 2014, seuls 08 sont encore en service actuellement (Bédimo, Chedjou, Enong Eyoh, Moukandjo, Nkoulou, Edgard Salli, Aboubakar Vincent, Choupo-Moting.  Plusieurs compartiments ont été totalement chamboulés avec l’arrivée de nouvelles figures. Au poste de gardien de but par exemple, aucun des trois noms retenus en 2014 (Loic Feudjou, Charles Itandje et Sammy Ndjock) n’est en service aujourd’hui. A la défense, seuls Allan Nyom, Nicolas Nkoulou et Bédimo ont échappé à la bourrasque. Le renouvellement des effectifs a été tout aussi impressionnant au milieu de terrain. Après les  départs successifs de Jean II Makoun, Joël Matip, Stéphane Mbia, Landry Nguemo et Alexandre Song, seuls trois anciens éléments sont encore en service.

Sur la ligne d’attaque d’alors, seuls Vincent Aboubakar et Choupo-Moting ont survécu. Si on passe en revue la composition des différentes sélections  ayant participé à la phase de qualification pour la CAN 2017 et de la coupe du monde 2018, on constatera également des changements notables par rapport à la liste des joueurs retenu pour la précédente CAN 2015 en Guinée Equatoriale.

Marges de manœuvre

Une appréciation plus globalisante permet de constater que des nombreux changements opérés dans les effectifs  depuis 2014 ont eu un effet revitalisant qui se reflète sur la courbe globale des performances. Loin d’être ridicules, les nouvelles cuvées successives des Lions ont rompu avec la monotonie, gagnant plus en efficacité et en performances. On en veut que pour preuve la campagne de qualification exemplaire pour la CAN 2015 (victoires retentissantes sur la RDC et la Côte d’ivoire), même si le tournoi final en lui-même a produit des résultats mitigés. Quoiqu’il en soit, le changement avait du bon. Dernier à s’asseoir sur le banc de touche des Lions, Hugo Broos a fait jusqu’ici preuve d’une marge de manœuvre et d’une liberté de ton plus grandes que ses prédécesseurs.

La mise à l’écart progressive de certains ténors  constitue bien la preuve qu’il ne transige pas avec la discipline en même temps qu’elle marque une rupture avec une certaine époque où quelques joueurs-cadres exerçaient un ascendant sur le sélectionneur, allant jusqu’à lui dicter le choix de certains joueurs.  Pour l’instant, cela lui réussit plutôt bien, au regard des résultats déjà enregistrés. Le match nul courageux arraché en Algérie dans le cadre du dernier tour qualificatif pour le Coupe du monde 2018 a mis en exergue les nouveaux atouts dans divers compartiments.

Mais les Lions sont-ils devenus une foudre pour autant ? Il est permis d’en douter. Dès lors, comment l’encadrement technique compte-t-il s’y prendre pour aborder par le bon bout la CAN 2017 qui se joue à nos portes, au Gabon, dans deux mois environ ? La question peut sembler inopportune, mais nécessite des réponses idoines si l’équipe du Cameroun ne veut plus faire de la simple figuration en Coupe d’Afrique des nations, en passant du statut de « participant » à celui de « vainqueur » comme en 1984, 1988, 2000 et 2002. L’alchimie concoctée actuellement par Hugo Broos montre des signaux positifs, mais sans rassurer totalement.

Dans sa quête du changement, le sélectionneur national ne doit pas perdre de vue que le management d’une équipe constituée de fortes têtes doit allier à certains moments la fermeté à la diplomatie, voire à une sorte de consensus mou qui ne diminue en rien l’autorité. Encore que rien n’interdit à un entraineur de justifier certains choix (comme la non convocation de tel ou tel élément pourtant en forme dans son club par exemple) pour éviter des procès en sorcellerie.  Il doit aussi éviter d’avoir la langue trop pendue au risque d’exposer en public des petits secrets qui ne devraient pas déborder le cadre des vestiaires à défaut d’être confinés dans la tanière pour un usage exclusivement interne.

Ces derniers temps, on a constaté à quels points des « révélations » à la presse sur les contacts téléphoniques avec tel ou tel élément en froid avec la sélection avaient plutôt contribué à amplifier la tension, à alimenter les rumeurs malsaines au lieu de la sérénité et de l’apaisement recherchés. L’épisode de la passe d’armes entre Hugo Broos et Idriss Carlos Kameni est révélateur à cet égard. Les mésaventures de Joël Matip et les déboires récents de Choupo-Moting sont encore frais dans nos mémoires. Il faut pourtant revenir à plus d’apaisement et de sérénité. Ce qui suppose plus d’humilité et de dépassement des égos mal calibrés.

Réajustements nécessaires

L’équipe nationale du Cameroun a bien besoin en ce moment précis d’un assainissement moral et d’un réarmement mental pour voler vers des nouvelles conquêtes. Les Lions indomptables ont vécu en effet une très longue disette. Le  dernier trophée continental remporté remonte à la CAN 2002 au Mali. Certes, l’équipe nationale a accompli  une prouesse remarquable en se qualifiant pour deux CAN successives (2015 et 2017) et ses débuts au dernier tour qualificatif pour la Coupe du monde 2018 sont encourageants après le match nul qui continue de faire des dégâts en Algérie Mais le plus dur reste à venir. 

Si le Cameroun veut renouer avec les succès d’antan  et monter sur la plus haute marche du podium continental, l’encadrement technique doit faire preuve certes de rigueur, de fermeté, mais aussi d’objectivité, de fair-play et de pragmatisme, en évitant autant que possible de réveiller des vieilles « affaires » susceptibles de porter un coup au moral, voire de déstabiliser un groupe qui renoue avec le succès et la confiance en soi. La toute prochaine Coupe d’Afrique des nations 2017 qui se dispute au Gabon peut donner l’occasion aux quadruples champions d’Afrique d’ajouter une cinquième étoile à leur palmarès. A condition d’aborder la compétition en rangs serrés, avec toutes les armes et munitions requises pour des batailles qui s’annoncent épiques.
 
A notre humble avis, il faudra absolument prévoir des solides doublures à certains postes-clés  comme en milieu de terrain et en défense. Malgré toute leur bonne volonté, leur engagement et leur hargne qui ne font l’ombre d’aucun doute, certains éléments actuels  n’ont pas suffisamment d’expérience pour offrir, à eux tous seuls,  un nouveau trophée continental au Cameroun. Les grandes compétitions comme la CAN ou la Coupe du monde ont besoin d’autre chose que le talent pur pour conduire à la victoire finale.

Au fur à mesure que s’approche l’échéance, il nous semble nécessaire, non pas de bouleverser un effectif en voie de consolidation, mais plutôt d’envisager une stratégie de panachage par doses homéopathiques, en faisant cohabiter des « nouveaux » pleins d’enthousiasme et quelques « anciens » qui peuvent apporter un plus à certains postes-clés. Au risque de se répéter, dans une compétition de haut niveau, l’expérience vaut autant, sinon plus que le talent individuel ou l’engagement collectif. En Italie, le vénérable Buffon a prouvé que la performance d’un bon gardien de but n’est pas nécessairement liée à l’âge et qu’il peut même se bonifier avec le temps.

Pour l’instant, le Cameroun a la chance de disposer des bons gardiens. Fabrice Ondoa plus particulièrement, confirme de plus en plus tout le bien qu’on pense de lui. Il l’a encore démontré lors du fameux match contre l’Algérie  en opérant des arrêts de grande classe. Sa grande marge de progression promet encore des bonnes choses pour l’avenir. Pour l’instant, sa place de titulaire est incontestable, même si rien n’est figé dans l’absolu, en sport et surtout en football  où des retournements inattendus sont légion. Au risque d’être taxés de nostalgiques, nous avons la faiblesse de penser qu’au poste très délicat de gardien de buts, un goalkeaper  expérimenté pourrait être d’un précieux apport.

Pas nécessairement comme titulaire mais dans le rôle de joker de luxe. Au risque de déclencher des vives réactions de désapprobation, nous pensons particulièrement à un élément comme Idriss Carlos Kameni qui est pour l’instant la doublure la plus crédible à Ondoa. Sans souhaiter la moindre mésaventure à ce dernier, supposons qu’il soit indisponible pour une raison ou pour une autre à la veille ou lors d’un match capital, quelle sera la solution de remplacement la plus efficace ? Pour l’instant, on n’en a aucune idée.

Dans la défense des Lions,  des réajustements sont également nécessaires au niveau de la combinaison des paires défensives tout comme il faut corriger des lézardes au marquage, les renvois dans l’axe ou ces absences au deuxième poteau lors des corners. Le choix sera certes difficile à opérer mais il semble réaliste, voire incontournable si les Lions veulent aller assez loin dans la compétition. Il appartiendra dès lors au coach d’agir en bon père de famille, de jeter aux orties les rancœurs et les humeurs, d’user de tout son tact  pour trouver la bonne formule permettant de briser le mur de la méfiance et ramener la confiance dans l’ensemble de l’équipe. On peut comprendre son souci de mettre la nouvelle cuvée des Lions à l’abri de tout facteur déstabilisateur. Mais il faut aussi garder à l’esprit qu’il doit remplir deux missions apparemment contradictoires que lui ont assigné ses employeurs.

D’un côté restaurer une discipline de fer et de l’autre « procéder au renouvellement progressif de l’effectif en recherchant les résultats immédiats ». Il est vrai que sur le chapitre de la discipline et du vivre-ensemble, on ne saurait donner le tort uniquement à l’encadrement technique. Par le passé, les égos surdimensionnés de certains joueurs ont fait beaucoup de tort à l’équipe nationale. Autant dire que certaines mises à l’écart semblaient amplement justifiées.

La réintégration d’un joueur sanctionné comporte évidemment une part de risque à prendre et sa responsabilité dans la cohésion et l’harmonie d’ensemble est encore plus grande que celle du coach. Quand un joueur par exemple qui a plus de 15 ans de service en équipe nationale se voit par exemple investi du statut de « grand frère », il se doit d’être irréprochable au lieu d’en profiter pour intimider les plus jeunes ou pour faire mousser davantage son égo. Par le passé, de telles attitudes nous ont coûté très cher. Un tel joueur pétri d’expérience devrait plutôt faire preuve d’humilité, de disponibilité et de maturité pour mieux se fondre dans le groupe ; quitte à accepter d’être replaçant, de jouer les seconds rôles tout en restant solidaire avec les titulaires si les choix tactiques du sélectionneur l’exigent.

Aucun joueur, si talentueux fût-il, ne peut vouloir du bien pour son équipe en se cramponnant sur la logique suicidaire du « moi ou le chaos ». Le spectacle de ces joueurs du banc de touche qui prennent du plaisir à tourner en ridicule leurs coéquipiers évoluant sur le terrain, comme on l’a vu à la Coupe du monde 2010 devraient appartenir à un passé révolu. Pour que les Lions rugissent à nouveau très fort, il leur faut faire absolument avec un mélange de « jeunes » et de « vieux » à certains postes stratégiques. A condition que les uns et les autres se tolèrent et s’acceptent.

Panachage intelligent

A ceux qui trouveraient nos suggestions naïves, voire irréalistes, nous rappelons qu’elles s’inspirent de la fameuse stratégie du « panachage intelligent » ayant permis à la Côte d’Ivoire de remporter  en 2015 la deuxième Coupe d’Afrique des nations de son histoire après deux précédentes finales ratées. C’est la même tactique gagnante qui a permis à l’Espagne (2010) et à l’Allemagne (2014) de remporter la coupe du monde. Ayant vécu en direct la progression des Eléphants à la CAN 2015 en Guinée Equatoriale, nous sommes en mesure d’affirmer que le coach Hervé Renard, en véritable « sorcier blanc », a su utiliser à merveille les multiples atouts d’un effectif particulièrement riche. 

Pendant tous les matchs de poule et jusqu’en demi-finale, le gardien titulaire était Sylvain Gbohouo. Un choix vivement contesté par une presse particulièrement virulente. Mais lors de la finale disputée face au Ghana, le coach a surpris tout le monde en sortant du chapeau un joker de luxe : l’ancien gardien titulaire, Boubacar Barry que l’on croyait en perte de vitesse. Ce qui a eu pour effet de déjouer les plans de l’adversaire.

Lors de la finale, le vétéran Barry a livré le match de sa vie, réussissant même le tir du dernier pénalty qui a donné la victoire aux siens. Une telle stratégie pourrait inspirer utilement l’encadrement technique des Lions indomptables qui courent derrière un sacre depuis 15 ans environ. Pour y parvenir, il faut que chacun jette son orgueil à la poubelle pour ne privilégier qu’un seul objectif : les intérêts de l’équipe nationale et l’objectif de la victoire finale.

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