Jean Michel Nintcheu : L'urgence de la création d'une commission d'enquête parlementaire s'impose
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Le Cameroun vient une fois de plus de vivre un véritable drame : des dizaines de compatriotes sont passés de vie à trépas à la suite d’un déraillement de train survenu au niveau d’Eseka. Qu’il me soit permis tout d’abord d’adresser mes condoléances aux familles si durement éprouvées ainsi qu’un prompt rétablissement aux victimes survivants qui sont de toute évidence encore sous le choc. La solidarité et la compassion nationales imposent que nous nous inclinons devant les morts.

Un mort de plus que l’on aurait pu éviter est un mort de trop. C’est pourquoi, au-delà de l’émotion et de l’amertume profonde qui m’étreignent, il est important d’examiner avec froideur les causes profondes de la tragédie de vendredi dernier. Ces pertes en vies humaines surviennent à la suite d’un affaissement de terrain sur la Nationale N° 3 au niveau de Matomb qui a conduit l’entreprise Camrail à augmenter le trafic ferroviaire des passagers sur l’axe Douala-Yaoundé.

Les responsabilités se situent manifestement à deux niveaux à savoir le gouvernement de M. Biya et l’entreprise Camrail. Pour ce qui concerne l’entreprise Camrail qui n’a même pas daigné adresser dans l’urgence les condoléances aux victimes, sa responsabilité serait manifestement engagée.

Malgré l’argument suivant lequel elle a été contrainte par le gouvernement d’augmenter le trafic des passagers, cette entreprise qui privilégie le transport des marchandises au détriment du transport des personnes, aurait dû évaluer les risques d'insécurité liés à cette injonction gouvernementale. Rien ne vaut une vie humaine. A partir du moment où des soupçons pèsent sur la logistique interne de cette entreprise et la qualité des infrastructures ferroviaires, l’Etat du Cameroun a le devoir absolu de dévoiler en toute transparence les termes contenus dans le cahier de charge lors de la privatisation-braderie de la Régie nationale des chemins de fer qui jadis faisait la fierté nationale.

Pour ce qui concerne la responsabilité du gouvernement de M. Biya, l'affaissement ne s'est pas fait brutalement mais à la suite d'une érosion progressive. Nous avons un gouvernement qui réagit plutôt que d'agir. C'est le lieu de s'interroger sur le rôle de la direction de la protection civile qui est logée au ministère de l'administration territoriale et de la décentralisation. Dans le cadre du Budget d’investissement public de l’exercice 2016 du ministère des travaux publics, l’Etat a alloué 83.838.155.000 FCFA au titre de la "maintenance des routes et autres infrastructures", l’objectif étant d’améliorer l’état des infrastructures sur l'étendue du territoire national.

Dans ce programme de maintenance, il est prévu la réhabilitation de la route Yaoundé- Douala d’un montant global de 600 millions réparti à savoir le Lot N°1 : Yaoundé-Pont de Ndoupè (110 km) pour un montant de 300 millions FCFA et le Lot N°2 : Pont de Ndoupè-Douala au niveau du pont sue la Dibamba (110 km) pour un montant de 300 millions FCFA. La localité de Matomb (68 km de Yaoundé) qui a subi l’affaissement en question est contenue dans le Lot N°1. Rien ne peut expliquer, à deux mois de la clôture de l’exercice budgétaire, que ce Lot n’ait pas encore connu le moindre début d’exécution. L’argent destiné à la réhabilitation du tronçon Yaoundé-Pont de Ndoupè en passant par Matomb a manifestement été détourné.

Fort heureusement la nature qui est par excellence l'ultime adversaire de la mal gouvernance a permis que ce scandale soit pas étouffé, comme tant d'autres en ce qui concerne l'exécution du Budget d'investissement public à travers le territoire national. Cet exemple patent est révélateur de l’incurie trentenaire du système de M. Biya en matière de gestion des dépenses budgétaires de l’Etat. Le péage routier et le pesage routier imposés aux automobilistes et autres gros porteurs génèrent pourtant d’importantes recettes qui sont censées financer et améliorer l’état de nos axes routiers. La dégradation avancée de la quasi-totalité de nos axes routiers est la preuve que la gestion de ces recettes fait l’objet de détournements en bande organisée. A quoi sert le Fonds routier qui a pour mission de financer les routes et qui a pour tutelle technique le ministère des travaux publics et pour tutelle financière le ministère des finances ?

A quoi sert la Redevance d’usage  de la route (60 milliards FCFA pour le compte de l’exercice 2016) qui est prélevée sur le produit de la Taxe spéciale sur les produits pétroliers (TSPP) ? A quoi sert le Conseil national des routes, si ce n’est l’organisation permanente des séminaires et des réceptions pour consommer des perdiems. Au ministère des travaux publics par exemple, priorité est donnée à la consommation des responsables. A titre d’illustration, le ministère des travaux publics a consommé en termes de carburant et lubrifiants 1.555.000.000 FCFA en 2015 et est censé consommer 1.168.200.000 FCFA en 2016.

Pour ce qui concerne les frais de représentation, de mission, de réception et cérémonies, ce ministère a consommé 1.926.500.000 FCFA en 2015 et est censé consommer 1.330.950.000 FCFA en 2016, si l’on s’en tient à la Loi de règlement de 2015 et à la Loi des finances de 2016. M. Biya est à n’en point douter le tout premier responsable du détournement du budget destiné à l’entretien des routes. S’il prenait ses longs séjours privés dans les différentes régions du pays plutôt qu’aux abords du lac Leman, il ne serait pas déconnecté de la réalité de la dégradation de nos infrastructures routières. Si le conseil des ministres, haute instance de discussion et d’arbitrage des dossiers gouvernementaux, se tenait régulièrement chaque semaine ou tout au moins chaque mois comme cela se passe dans les pays sérieux, il évaluerait de façon permanente les différents chantiers déclinés dans le Budget d’investissement public.

Cette catastrophe humaine survient quand il est une fois de plus hors du pays. Il est constant qu’à la suite d’un drame pareil, d’autres chefs d’Etats écourtent leur séjour en terre étrangère et rentrent immédiatement dans leurs pays pour manifester leur solidarité envers les victimes. Les camerounais sont exaspérés par son indifférence à répétition sur plusieurs drames qui ont frappé le pays durant ses 34 ans de règne. Les camerounais en ont marre. S’il est en incapacité physique de gérer le pays, qu’il démissionne.

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