Spoliation des terres dans le Mfoundi : Les grands saigneurs
CAMEROUN :: POINT DE VUE

CAMEROUN :: Spoliation des terres dans le Mfoundi : Les grands saigneurs :: CAMEROON

Le scandale foncier de Ntougou-golf est révélateur des pratiques frauduleuses utilisées par André Mama Fouda, l’ex Dg de la Maetur, et les deux anciens ministres des Domaines…, Hamadou Moustapha et Hele Pierrre, pour délester les populations autochtones de leurs terres.

Ça chauffe dans le Mfoundi où les populations autochtones n’en finissent pas avec des frustrations. Pour faire entendre leurs maux auprès du président de la République, un mémorandum est en gestation sous la houlette d’un patriarche de ce département, Emile Onambele Zibi. L’initiateur de cette correspondance, avec ses compères, entendent d’ailleurs la remettre à main propre à son illustre destinataire, le président Paul Biya.

Seulement, une première version du document en préparation s’est retrouvée sur la place publique. Un véritable brûlot au ton acerbe et brutal qui tient l’opinion publique en alerte depuis des semaines. Dans le Mfoundi, il a d’ailleurs eu le don de mettre en transe l’élite politique qui est aux affaires davantage soucieuse de ne pas mettre en danger leurs privilèges par quelque solidarité avec les revendications invoquées. Des ressortissants de la communauté Bamiléké y sont indexés pour leur caractère « expansionniste » sur les terres du Mfoundi. Ils sont également sortis du bois pour crier au tribalisme.

L’on constate chez les adversaires du mémorandum du Mfoundi, la tactique de l’esquive qui consiste à faire usage des artifices pour ne pas affronter les problèmes soulevés. Ils tentent plutôt d’étouffer sans succès les échos les revendications qui agitent le département. L’accaparement des terres des populations autochtones est pourtant une plaie béante qu’il faut pouvoir guérir. Par le biais des manœuvres illicites, de vastes superficies de terre ont changé de propriétaires au détriment des communautés autochtones. Les principaux artisans et bénéficiaires de cette razzia sont des hauts dignitaires du régime de Yaoundé. Comme dans le cas du scandale foncier du lotissement de Ntougou-golf dans l’arrondissement de Yaoundé 2, ils ont profité de leurs positions de pouvoir au ministère chargé des Domaines, du Cadastre et des Affaire foncières (Mindcaf) ainsi qu’à la direction générale de la Maetur.  

Hamadou Moustapha

Le lancement du processus de lotissement est décidé par Hamadou Moustapha, alors vice premier ministre chargé de l’Urbanisme et de l’Habitat, par le biais d’un arrêté datant du 22 avril 1997 et mettant « à la disposition de la Maetur, pour aménagement, une parcelle du terrain domanial de 38 ha environ…» L’article 3 dudit arrêté ministériel dispose que « le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat décidera en temps opportun de la répartition des espaces aménagés entre les populations autochtones, la Maetur et l’Etat.»

Seulement, en faisant de l’Etat le troisième bénéficiaire des lots de ce lotissement, Hamadou Moustapha a transgressé des dispositions réglementaires. Notamment celles prises en avril 1997 à l’issue d’une réunion interministérielle dans les services de la présidence de la République, et qui avait arrêté « les modalités de rétrocessions des terrains non utilisés aux anciens propriétaires ainsi qu’aux victimes non indemnisées pour les terres affectées à des projets finalement abandonnés» tout en se gardant d’inclure l’Etat parmi les bénéficiaires.

Bien plus, dans son arrêté du 22 avril 1997, le vice premier ministre en charge de l’Urbanisme et de l’Habitat se fait le devoir de dissiper l’équivoque en disposant dans l’Article 4 que « La Maetur récupérera les coûts d’aménagement en vendant les parcelles qui lui seront attribuées» pour justifier l’attribution d’une partie des terres à l’aménageur institutionnel. Un devoir de transparence dont Hamadou Moustapha ne ferra pas preuve, curieusement, au sujet de l’Etat.

Hele Pierrre et André Mama Fouda

L’opération de lotissement sera menée à son terme par Hele Pierre, successeur de Hamadou Moustapha au Mincaf. Un changement d’hommes qui n’aura aucune influence sur la gestion orientée de ce dossier. En définitive, l’Etat hérite officiellement d’une superficie d’1,5 hectare réparti en quinze lots de 1000 m² chacun. Mais l’on se rendra vite compte plus tard que l’attribution des terres à l’Etat procède plutôt d’un manège utilisé par les deux ministres et le DG de la Maetur pour pouvoir faire main basse sur certains lots. Ainsi des terres sensées avoir été octroyées à l’Etat ont simplement fait l’objet d’un partage entre ces personnalités.

Dans cette portion, Hele Pierre s’octroie deux lots. Le directeur général de la Maetur d’alors, André Mama Fouda, va recevoir deux lots également sur les six propriétés foncières dont il s’appropriera finalement sur le site. Le DGA de la Maetur à l’époque des faits quant à lui hérite d’une parcelle. C’est le cas également pour le secrétaire général de la présidence de la République et du premier ministre de cette époque, Marafa Hamidou Yaya, et Peter Mafany Musonge.

Au-delà de ces acteurs institutionnels, d’autres personnalités à l’instar de Basile Atangana Kouna figurent parmi les nouveaux propriétaires des terres sensées avoir été octroyées à l’Etat. Le nom du metteur en scène  de cette escroquerie foncière n’apparait finalement nulle part. Des indiscrétions autour du dossier laissent toutefois entendre que Hamadou Moustapha aurait mis à contribution des prête-noms preuve de ce qu’il n’aura guère procédé à ce montage sulfureux sans garantir ses intérêts. Bien plus, son nom, tout comme celui de l’ancien DG de la Maetur, et actuel ministre de la Santé publique et non moins natif du Mfoundi, André Mama Fouda, sont abondamment cités dans plusieurs scandales d’escroquerie foncière dans la capitale à l’instar des lotissements de Mfandena, au quartier Omnisport, et de Ngousso. Le lotissement de Ntougou-golf est un site hautement sensible. Il abrite les ambassades des Etats-Unis d’Amérique, de l’Italie et du royaume d’Arabie Saoudite ainsi que la résidence privée du couple présidentiel, finalement rétrocédée à l’Etat. De nombreuses organisations internationales y ont également domicilié leurs sièges.

Outre la simulation d’une attribution des terres à l’Etat, diverses autres manœuvres frauduleuses ont été utilisées ont été mis en œuvre pour s’accaparer des terres. Raison pour laquelle des noms de nombreuses autres personnalités apparaissent. Ceci explique peut-être l’immobilisme observé autour de ce dossier, le mémorandum adressé au président de la République le 13 septembre 2013 par les populations autochtones de Ntougou pour dénoncer l’« accaparement, appropriation illicite et détournement des terres des populations autochtones de Ntougou…» est resté sans suite. L’unique développement enregistré entre-temps n’est d’ailleurs pas en leur faveur. Le ministère des Domaines a pris une mesure restrictive interdisant des transactions sur le site au motif qu’une enquête administrative commandée par le chef de l’Etat est en cours. Deux ans déjà que ça dure.

Lire aussi dans la rubrique POINT DE VUE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo