Cameroun, 1er octobre 2016, 55 années de réunification : les 3 responsables des retrouvailles critiquées
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Cameroun, 1Er Octobre 2016, 55 Années De Réunification : Les 3 Responsables Des Retrouvailles Critiquées :: Cameroon

Ils sont trois, qui par leur comportement, ont empoisonné pour des décennies, la vie de notre pays. Pierre Messmer, Haut-commissaire de la République Française au Cameroun, Ahmadou Ahidjo, premier Président du Cameroun, et John Ngu Foncha, second Premier Ministre du Southern Cameroon, puis premier Vice-Président de la République Fédérale du Cameroun.
     
Pierre Messmer a suggéré à Paris l’acceptation de la réunification par absorption pure et simple du Southern Cameroon par la République du Cameroun au bénéfice de la France ; Ahmadou Ahidjo, protégé et obligé de Paris, a exécuté sans état d’âme les ordres de l’Elysée, d’autant que ceux-ci lui profitaient ; et John Ngu Foncha, hanté par l’invasion igbo du Southern Cameroon, s’est jeté les yeux fermés dans les bras d’Ahidjo. Plus tard, il l’a regretté. 
     Aujourd’hui, à cause de ces trois protagonistes, le mécontentement anglophone est un gros boulet que traîne le Cameroun à sa cheville. Il lui faudra des trésors d’énergie pour s’en débarrasser.

(…)
Division du 4 mars 1916 : 
les prémisses du mécontentement anglophone.

    Tout a commencé par la guerre d’invasion du Kamerun par la Grande-Bretagne et la France de 1914 à 1916. Les Schutztruppen, nom de l’armée kamerunaise, en français, Troupes de protection, (1) placées sous l’autorité directe du gouverneur, et composées de 3.000 soldats kamerunais, ont défendu héroïquement notre pays deux années durant, et n’ont été vaincues que faute de ravitaillement en armes (2). 
     Cette guerre qui a considérablement dévasté le territoire, a été extrêmement mal vécue par la population, à cause des innombrables tueries qu’elle a occasionnées, des dévastations des champs et des destructions de villages. L’arrivée des nouveaux occupants franco-britanniques, a été ainsi l’objet d’un total rejet par les Kamerunais, à l’exception toutefois de ceux des régions qui venaient d’être en conflit direct avec l’administration coloniale allemande. Tel était le cas de Douala, à cause des expropriations auxquelles s’étaient lancées les Allemands quelque temps auparavant, et d’Ebolowa, où Samba Martin Paul menait une grande mobilisation politique antiallemande. 
     Ce rejet s’est encore aggravé par une série de décisions qu’avaient prises les nouveaux occupants du pays, après notre défaite militaire. Au nombre de celles-ci : 
     1/- l’interdiction de la langue allemande sur tout le territoire ;
     2/- le bannissement du nom Kamerun par l’administration d’occupation française ; celle-ci s’était mise à la recherche d’une nouvelle appellation, et n’avait plus désigné notre pays que sous le terme « Territoires Occupés de l’Ancien Cameroun » ; il aura fallu attendre la signature du Pacte de la Société des Nations pour que le gouvernement français, à contrecœur, abandonne son funeste projet ; (3)
     3/- la division en deux zones d’occupation de notre pays, la « zone anglaise » à l’ouest, et la « zone française » à l’est ;
     4/- le bannissement de l’orthographe originelle du nom de notre pays, sa transformation en « Cameroun », en zone d’occupation française, et « Cameroon », dans celle britannique. 
     Naturellement, la plus grave de ces décisions a été la division du pays en deux.
     Les Kamerunais l’ont, à l’époque, rejetée en bloc. Et, tel est le point de départ du projet de réunification du Kamerun, à savoir la reconstitution de notre patrie, qui ne se concrétisera que partiellement le 1er octobre 1961, soit 45 ans plus tard. 
     Cette division s’étant opéré le mercredi 4 mars 1916, on peut valablement considérer cette date comme celle de la naissance de la question « anglophone » au Cameroun. Ensuite, la décision d’interdiction de la langue allemande, et celle de l’introduction des deux nouvelles langues officielles sur le territoire, le français et l’anglais, en sont les ingrédients fondamentaux, la différence linguistique ayant survécu à la réunification. Pis encore, elle est devenue un facteur d’identification, et finalement, d’opposition. 
     Toutefois, en 1916, la différence linguistique et la séparation territoriale, ne constituaient encore que de simples prémisses qui pouvaient se transformer en antagonisme ou pas, selon l’intelligence politique dont allaient faire preuve les Camerounais.

(…)
     Mais, la persécution physique par assassinats et emprisonnements à elle seule ne suffisait pas. Il fallait procéder à l’identification de protégés et obligés locaux qui viendraient totalement dévoyer ce rejet. Telle a été la haute mission confiée tout particulièrement à Pierre Messmer, Haut-commissaire de la France au Cameroun, de 1956 à 1958, en remplacement du sanguinaire Roland Pré, auteur des massacres de la semaine sanglante du 22 au 28 mai 1955. Il fallait, selon sa propre expression, faire du Cameroun, un pays :

     « bilingue francophone » (4)

     Il parle carrément « d’annexion » du Southern Cameroun (5), la politique qu’il a initiée étant en poste à Yaoundé, et qui est restée s’appliquer à la lettre après lui. Lui-même précise :

« … Longtemps, le gouvernement français était resté muet dans ce débat sur la réunification. Le Ministère des Affaires Etrangères refusait de s’engager sur un terrain où il s’opposerait à l’Angleterre, à propos d’une affaire africaine, seconde aux yeux de nos diplomates. Ils pensaient qu’on ne se méfie jamais assez de ces coloniaux qui, sans crier gare, vous font un jour le coup de Fachoda ! 
     En 1956, j’ai été le premier haut-commissaire à réclamer que le gouvernement s’engage clairement et publiquement en faveur de la réunification et Jean Ramadier, pendant son séjour éclair en 1958, prit un engagement ferme à ce sujet devant l’Assemblée camerounaise. (6)

(…)      The vision of Endeley. 
      This is summed up in that famous text he published during the referendum campaign:

“ … Nearly everyone in Southern Cameroons has heard the word FREEDOM. Our association with Nigeria for nearly half a century has made us realize what it means to move about freely; to speak in public freely; to worship freely; to speak our minds without fear of molestation. These freedoms and many more will continue to be ours if we vote for union with Nigeria.
     But if you vote for Cameroun Republic, you will invite a new system under which everyone lives in fear of the Police and the Army. You will not be free to move about; you cannot lecture freely or discuss your political views in public; you must carry your tax receipt around your neck like a dog; and you can be arrested and flogged by the Police and even imprisoned without a fair trial.
     The CPNC believes that all decent people in the Southern Cameroons who have tasted of freedom will be sensible enough to vote for union with Nigeria. Freedom is too sweet to be thrown away to the dogs.
...Under the French system, you cannot have a fair trial. Anyone accused of an offence in the Cameroun Republic is manhandled and flogged and is generally treated as a guilty criminal. Even the most junior policeman there seems to have the power of "life and death" over the common people! This is a bad system and must be rejected by the voters.
     If you vote for Cameroun Republic, you will forever fail to secure independence for the Southern Cameroons be-cause Cameroun Republic is still a COLONY of France. French troops are still stationed in Douala and Yaoundé...The CPNC maintains that it is no use for the Southern Cameroons to move from the British COLONY system. We must move into true INDEPENDENCE with Nigeria.
     If you vote for union with Nigeria, we shall continue to enjoy the excellent land tenure which protects the natives from becoming tenants on the farms of white settlers. We shall preserve our land for our own farms, and we shall be free to plant our own cocoa, bananas or coffee.
     If you vote for Cameroun Republic, your little farmland will be at the mercy of white French men. These Frenchmen are reliably understood to be planning to take over the CDC plantations in Victoria and Kumba Divisions...
     Who amongst you would like to live in a country where your life and property are constantly in danger? Who amongst you peaceful citizens of the Southern Cameroon, will like to live in a country where you may be shot at as you move along the street, or your wife killed as she toils the farm?
     Who amongst you would like to live in French Cameroons, a country red with the blood of thousands of inno-cent victims killed by terrorists and the Ahidjo regime?
     Who amongst you, good citizens of Southern Cameroons, will like to live in a land where people's houses and shops are burnt every day and loo-ted; where you can be arrested without a fair trial?
     Who amongst you will like to live in a country which lacks complete respect for human dignity and where you cannot speak out your mind freely or pursue your business in peace? Surely none of you. Who amongst you will like your children to grow up in servitude? Surely none of you.
     That will be our lot if we join French Cameroun. If you wish to save yourself from the aforementioned indignities, make sure you vote for the Southern Cameroons to remain as it has been in the past forty years.
     If you want to avert the impending confusion that will befall the Southern Cameroons, and if you want the territory to develop into a county where all will be fairly treated and adequately catered for; where there will be equal opportunities for everyone, irrespective of tribe, creed, race or political association, then cast your vote in the GREEN BOX during the Plebiscite on February 11. (7)

(…) Deuxièmement, le Président Ahidjo ne se trouvait pas en position de force au cours de cette conférence parce qu’il détenait dans son cartable un projet de constitution confectionné par ses « conseillers techniques » français ainsi que l’avoue Messmer, en fait, ses véritables patrons, mais plutôt, parce que l’annexion du Southern Cameroon était déjà convenue d’avance avec Foncha, et des paquets de très volumineuses enveloppes avaient déjà été distribués aux délégués anglophones afin de leur faire gober l’annexion. (8)

(…)     Finalement, que s’est-il passé à Foumban ? Ahmadou Ahidjo a déposé son “projet” de constitution « fédérale » sur la table, en déclarant aux Anglophones : 

« C’est de ça que l’on débat, et rien d’autre ; vous y rajoutez quelques préoccupation anglophones marginales, sans altérer fondamentalement le contenu du document, c’est tout ».

     Un véritable diktat. Lorsque les délégués anglophones se tournent vers Foncha  pour savoir ce  qu’il  en pense,  dans l’espoir qu’il va leur demander de se lever et de claquer la porte, il se met plutôt, comme on dit en Camerounais, à « manger la bouche ». Bref, il est consentant. Le reste des délégués découvre alors qu’il est de mèche avec Ahidjo. Colère. Brouhaha. Eclats de voix. Peine perdue. Ils sortent malgré tout de la salle, se concertent pendant d’interminables heures. Puis, finalement y reviennent la queue entre les jambes, tels des chiens battus. (9) Tous les délégués francophones sortent à leur tour, les laissent se concerter sur les rajouts à effectuer sur le texte d’Ahidjo sans l’altérer. Exercice plutôt difficile. 
     Cela prend deux journées entières, presque trois jours. Les «Fons» et les « chiefs » présents dans la salle tiennent à ce que leurs privilèges soient préservés. Ils rajoutent une assemblée spéciale pour eux. Voilà la seule véritable modification qu’ils apportent au texte. Ahidjo et sa bande approuvent. Ils savent qu’ils ne se feront pas taper sur les doigts par l’ambassadeur de France. Autre rajout : les parlementaires du Southern Cameroon, seront d’office désignés députés fédéraux, sans passer par une nouvelle, élection. « Il ne faut pas dépenser inutilement l’argent de l’E-tat », affirment-ils en personnages soudainement soucieux de la bonne utilisation de celui-ci.(10) 
     La conférence ouverte lundi 17 juillet 1961, se conclut en apothéose vendredi 21 juillet au soir par un grand banquet. Les uns les autres sont contents d’avoir servi la République et le Cameroun. Et depuis Yaoundé, Son Excellence, l’ambassadeur de France qui suit tout. L’annexion du Southern Cameroon s’est déroulée sans anicroche, à la plus grande satisfaction de tout le monde. 
     1/- La France venait d’accroître sa zone d’influence en Afrique Centrale, via le duo Foncha-Ahidjo. 
     2/- Ahidjo devenait Président Fédéral, son pouvoir s’était accru. 
     3/- Même chose pour Foncha qui devenait Vice-Président Fédéral, tout en conservant ses fonctions de Premier Ministre du Southern Cameroun qui deviendra le 1er octobre 1961, Cameroun Occidental. 
     4/-Assale Charles, Premier Ministre de la République « indépendante » du Cameroun, devenait Premier Ministre du Cameroun Oriental, il conservait son poste. 
     5/- Même chose pour Kemayou Happy Louis Président de l’Assemblée Nationale, qui devenait Président de l’Assemblée Législative du Cameroun Oriental. 
     6/- Plusieurs ministres du Southern Cameroon tout comme de la République du Cameroun, devenaient des Ministres Fédéraux. En un mot, tout le monde tire son épingle du jeu.
     Cependant, ils ont mis en place une bombe, qui peut nous péter à tout moment à la figure, nous leurs gosses et petits-fils. Mais à ça, ils n’ont pas songé. Nous, aujourd’hui, nous en héritons. Ils ont créé un mécontentement que nous devons désormais gérer.     

Sommaire 

Introduction 
Chapitre I : Division du 4 mars 1916 : les prémisses du problème Anglophone. 
Chapitre II : Les manifestations du rejet des décisions de 1916
Chapitre III : La concrétisation du rejet des décisions de 1916 
Chapitre IV : Le dévoiement du rejet des décisions de 1916
Chapitre V : Endeley contre Foncha : le referendum du 11 février 1961 
Chapitre VI : La rencontre de la roublardise de Foumban

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