Cameroun, semaines des martyrs: Message du 13 septembre 2016 A MOM-DIBANG
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Cameroun, semaines des martyrs: Message du 13 septembre 2016 A MOM-DIBANG :: CAMEROON

Autorités politiques et administratives, en vos fonctions et qualités,Autorités religieuses et traditionnelles,Militantes et militants des autres partis politiques nationaux,Militantes et militants de l’Union des Populations du Cameroun,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi à mon tour de vous souhaiter la bienvenue à tous, à ce moment solennel d’éveil à notre mémoire collective et d’appel au réveil de la conscience nationale, en ce 13 septembre 2016, jour anniversaire de l’assassinat de Ruben UM NYOBE et d’ouverture solennelle de notre traditionnelle semaine des martyrs.

Ceux qui furent ensevelis dans cette fosse commune que nous venons de visiter furent massacrés par l’armée coloniale française, le 27 décembre 1956. Ils étaient ce jour-là, et pour la plupart, des militantes et militants de l’UPC désireux de l’indépendance de leur pays et rejetant son intégration dans l’Union Française. Ils n’appartiennent plus à l’UPC, ils sont aujourd’hui des martyrs de notre nation, de toute la nation.

C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité associer les autres partis politiques à la commémoration de ce jour, à commencer par le RDPC, le SDF, l’UNDP, l’UDC et le MRC qui siègent à la représentation nationale. Je suis convaincu que ceux qui n’ont pas pu être là sont néanmoins de tout cœur avec nous.

Les élections de la loi-cadre, tenues le 23 décembre 1956, ont plongé la Sanaga-Maritime -dans ses limites de l’époque- dans une guerre effroyable. Ruben Um Nyobe écrit :

« Depuis le 24 décembre, plusieurs localités de la région de la Sanaga-Maritime sont soumises à des opérations de guerre de grande envergure. Des villages entiers sont complètement pillés et brûlés, le bétail est systématiquement abattu à coups de fusil. Les meubles et les battants des ouvertures (portes et fenêtres) des maisons servent de bois de chauffage pour la cuisine des troupes militaires.

Au moment de leur arrivée dans chaque village ou agglomération, les « forces de l’ordre » tirent à bout portant et sans sommation sur les populations sans défense. Ceux qui échappent à cette tuerie massive sont poursuivis en pleine brousse par les « forces de l’ordre » guidées par des traîtres kamerunais. Tous ceux ou toutes celles, adultes et enfants qui sont rencontrés sur les pistes sont abattus par les militaires, sans autres forme de procès.

La situation de la Sanaga-Maritime se résume donc comme suit :

* Des milliers de personnes tombées sous les balles françaises ;

* Des villages entiers incendiés et tous les biens pillés par les « forces de l’ordre » colonialistes,

* Des arrestations massives opérées et un régime de terreur et de mort lente institué dans les prisons-cercueils et dans les geôles improvisées des camps militaires. »

Depuis Kumba où il suit la situation au jour le jour, Félix-Roland Moumié renchérit :

« La France commet chez nous des crimes horribles, indicibles. La Charte ne le prévoit pas. Les accords de tutelle non plus.

Nous lançons un appel à l’opinion française en premier lieu, afin qu’elle condamne ce que fait son Gouvernement chez nous, sous les plis du drapeau tricolore. Nous conjurons le peuple de France de prouver sa solidarité avec les peuples coloniaux en lutte pour leur liberté maintenant, afin de restaurer son prestige qui s’étiole dans le monde à cause des aventures de son gouvernement.

Nous demandons ensuite aux peuples d’autres nations de soutenir notre cause, en demandant à leur Gouvernement de faire triompher nos objectifs auprès de l’actuelle session de l’Assemblée Générale de l’ONU, afin que la paix et la sécurité internationales aient leur valeur réelle.

L’ONU doit intervenir afin de sauver son prestige et la vie d’innocentes populations que l’on écrase parce qu’elles sont sans armes et parce qu’elles luttent pour leur droit de libre disposition, érigé par la Charte. »

Nul ne peut effacer de notre histoire la guerre que la France a menée contre les nationalistes camerounais, guerre déclenchée alors que le Cameroun était sous la tutelle de l’ONU. D’ici à Edéa, sur une distance d’à peine 80 kms, la seule semaine du 24 au 31 décembre 1956 a laissé pas moins de 4 charniers ! Que dire alors de l’ensemble de la grande Sanaga-Maritime ? Il est de notre droit de demander à la France de reconnaître la guerre qu’elle a menée contre l’indépendance du Cameroun.

Une nation sans mémoire est une nation sans avenir, elle vit au jour le jour, elle est pilotée à vue, mais reste incapable de mener le moindre projet d’envergure. L’UPC appelle à l’affirmation de notre identité nationale par la restauration et la valorisation de notre histoire.

Mais la mémoire n’est pas la rancune. Combien de fois la France et l’Allemagne se sont-elles fait la guerre ? Ne nous souvient-il pas qu’en 1940, le Cameroun fut le premier territoire d’Afrique à voler au secours de la France occupée par l’Allemagne nazie ? Cette guerre, qui fit des millions de morts à travers le monde, a-t-elle empêché la France libérée de l’occupation et l’Allemagne débarrassée du nazisme, de fonder une amitié qui est aujourd’hui encore l’un des principaux ressorts de l’Union Européenne ?

La France connaît trop bien la valeur des sacrifices consentis pour la liberté pour ne pas comprendre la position des patriotes et nationalistes camerounais. Elle sait que l’on ne peut

pas revendiquer longtemps l’amitié d’un peuple dont on piétine la mémoire et dont on bafoue la dignité. Mais au fait, le problème est-il la France ou nous-mêmes, d’abord ?

Le Cameroun a besoin de plus de cohésion, pour affronter les défis majeurs auxquels il fait aujourd’hui face :

* Le défi de sa sécurité d’abord, sécurité menacée par le terrorisme, notamment dans l’Extrême-Nord. Quand la capacité militaire opérationnelle de Boko Haram aura été neutralisée, le problème du terrorisme dans l’Extrême-Nord apparaîtra essentiellement comme un problème politique, dont la solution est d’abord politique.

* Le défi de son développement social et économique ensuite, dans ce nouvel environnement que vont créer les accords de partenariat économique avec l’Union Européenne. Les recettes douanières représentent aujourd’hui près de 20% des recettes budgétaires de l’Etat. Le fait que les produits européens entrent au Cameroun sans douane va affecter sérieusement les politiques publiques, sans compter les effets de détournement de commerce qui tendront à aggraver le problème. L’Etat du Cameroun sera-t-il suffisamment fort pour répondre par une politique de transformation locale des ressources et d’industrialisation ? Comme nous sommes dans le Nyong-et-Kellé, l’une des terres favorites de l’exploitation frauduleuse des forêts, rappelons l’une des propositions que fait l’UPC aujourd’hui: arrêtons immédiatement toute exportation de bois brut de notre pays ! Imposons au moins le sciage et le placage avant toute exportation ! Cela va créer des emplois pour les jeunes du Nyong-et-Kellé, cela va rapporter des revenus supplémentaires pour les communes du Nyong-et-Kellé et pour les caisses de l’Etat.

* Le défi enfin de la stabilité politique, dans la perspective d’une alternance ou d’une succession au pouvoir en 2018.

L’UPC dit : engageons un dialogue national pour permettre au Cameroun de relever victorieusement ces défis, un dialogue national pour nous réconcilier avec nous-mêmes, avec nos morts et avec notre histoire. Engageons le dialogue national, pour que le Cameroun ne soit pas demain la Côte-d’Ivoire, ni la République Centrafricaine, ni même le Gabon !

A ceux de Mom-Dibang, à ceux de SongSimut dans l’arrondissement d’à côté, à ceux d’Ekite un peu plus loin à Edéa, et à beaucoup d’autres ailleurs, qui n’eurent pas droit à des obsèques en décembre 1956 ni dans les années qui suivirent, offrons aujourd’hui des funérailles dignes de leur sacrifice !

Oui au dialogue pour un Cameroun réconcilié, oui au dialogue pour un Cameroun plus fort, oui au dialogue pour une démocratie réelle et durable !

Et que vivent à jamais dans la mémoire de la nation les martyrs de l’indépendance et de la réunification !

Le Secrétaire Général

Basile LOUKA

MESSAGE DE CLOTURE DE LA SEMAINE DES MARTYRS EKITE, 17 septembre 2016

Hommage aux martyrs tombés ici et ailleurs pour l’indépendance et la réunification du Cameroun. Ils sont pour notre nation, la graine d’où fleurissent la dignité retrouvée, la fierté reconquise et le chemin ouvert à l’espérance.

Pendant trois décennies, trois longues décennies, trois trop longues décennies, les compagnons de lutte et les familles orphelines de ces martyrs ont dû porter un deuil silencieux, comme si le Cameroun avait honte de ceux qui se sont battus pour lui.

Aujourd’hui où la parole s’est libérée, la même question se pose, hélas, encore: si le Cameroun n’a pas usurpé sa place dans le concert des nations libres, de qui sont ces martyrs qui dorment dans la broussaille, dans l’indifférence de la république et dans l’oubli total de l’Etat ?

Un Etat du Cameroun, réunifié et souverain, c’était justement la revendication proclamée de ces milliers d’hommes et de femmes, l’objet de leur lutte acharnée, même sans arme. Pourquoi le fruit de l’indépendance se sent-il si peu héritier des luttes pour l’indépendance ?

La lutte pour l’indépendance et la réunification constitue, avec la résistance à la colonisation, les briques de base de notre nation. Le Cameroun a besoin d’un Etat réconcilié avec l’histoire de la nation, un Etat qui sache exprimer la reconnaissance de notre peuple envers les artisans de l’indépendance et de la réunification.

Ceux qui sont morts ici le 31 décembre 1956 sont tombés sous les balles de l’armée coloniale française. L’Etat du Cameroun doit demander à la France de reconnaître ses crimes coloniaux et de reconnaître la guerre qu’elle a menée contre l’indépendance de notre pays. La vérité permet la réconciliation, et donne des fondements solides à l’amitié. La France et l’Allemagne, qui se sont fait tant de fois la guerre, ont su le montrer avec éclat aux yeux du monde.

Ceux qui sont morts ici le 31 décembre 1956 étaient alors des militants et sympathisants de l’UPC. Leur sacrifice les élève à une autre dimension, ils sont aujourd’hui des martyrs de la nation, de toute la nation. C’est avec une profonde satisfaction que nous accueillons parmi nous les militants des autres formations politiques qui ont bien voulu répondre à notre sollicitation fraternelle.

Le sang versé par les patriotes est une semence de patriotisme disait Ernest Ouandié. Le sang des patriotes ne demande pas de vengeance, l’UPC n’est pas un parti de vengeance, L’UPC n’a de revanche à prendre contre personne.

Quelques individus ont pu, ici ou là, se couvrir du manteau de la lutte pour l’indépendance pour assouvir des haines personnelles ou nourrir des jalousies. De ce lieu de mémoire, symbole s’il en est des nobles idéaux poursuivis par les nationalistes camerounais, nous exprimons tous nos regrets à tous ceux qui ont pu un jour, subir une injustice au nom de l’UPC.

La réconciliation nationale a besoin d’une volonté politique partagée et d’un sentiment renforcé d’appartenir à la même communauté nationale. Voilà pourquoi l’UPC appelle le président de la République à organiser un dialogue national. Le dialogue raffermit la fraternité, ce n’est ni une compétition électorale, ni un coup d’Etat. Les objectifs d’un tel dialogue sont à nos yeux doubles :

* Un Cameroun réconcilié, capable de promouvoir son identité par la restauration et la valorisation de son histoire

* Un Cameroun plus fort, en mesure d’affronter les défis auxquels il fait face : le défi de sa sécurité, le défi de son développement économique et social, le défi de la démocratie et de la stabilité.

Oui au dialogue pour un Cameroun réconcilié, oui au dialogue pour un Cameroun plus fort, oui au dialogue pour une démocratie réelle et durable !

Et que vivent à jamais dans la mémoire de la nation les martyrs de l’indépendance et de la réunification !

Le Secrétaire Général

Basile LOUKA

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