La question gabonaise embarrasse la classe politique française : le silence de Nicolas Sarkozy
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La question gabonaise embarrasse la classe politique française : le silence de Nicolas Sarkozy

La classe politique française est divisée sur l’attitude à adopter face aux autorités de Libreville après les résultats peu crédibles proclamés le 31 août dernier

A quelques semaines de la campagne électorale, ils se seraient bien passé de ce choix cornélien. Qui choisir entre Jean Ping et Ali Bongo ?  A droite, c'est François Fillon qui le premier à créé la surprise. L’ancien Premier ministre a déclaré vendredi 2 septembre sur France info "avoir le sentiment que le président Ali Bongo n’a pas gagné ces élections". Un sentiment partagé, mais rarement exprimé dans la classe politique française.

De nombreux observateurs estiment en effet peu crédibles les résultats de la province du Haut-Ogooué, fief du président Ali Bongo. Cette région reculée située à 1000 km de la capitale compte 71.714 électeurs. Selon les résultats proclamés le 31 août dernier, seuls 37 se seraient abstenus. Aucun bulletin nul n’aurait été retrouvé dans les urnes collectées dans les quelques 297 bureaux de vote du Haut-Ogooué. "C’est légal", nous répondait vendredi à Paris Alain Claude Billie Bi Nze, porte-parole du Président sortant Ali Bongo Odimba. Légal, mais étrange...

"C’est surtout complètement faux", répondent en choeur les responsables de l’opposition. Ces derniers ont pu collecter des copies des procès verbaux dans les bureaux de vote du Haut-Ogooué. Résultat de leur décompte : 30.222 votants, 10.491 abstentions et 1.277 bulletins nuls. Le camp de Jean Ping ne s’est pas contenté de communiquer ces résultats, il a aussi livré la totalité des PV à la mission de l’Union européenne.

Ainsi dès l’annonce des résultats mardi 31 août, la Haute représentante Federica Mogherini réclame à la Commission électorale (Cenap) de publier des résultats bureaux de vote par bureaux de vote pour "restaurer la confiance dans les résultats du scrutin". Une demande appuyée par la diplomatie américaine. Dans un communiqué publié aussitôt le Département d’Etat rappelle au passage que "les élections doivent refléter de manière crédible la volonté du peuple". Le Quai d’Orsay, l’Elysée, les Nations-Unies embrayent.

A droite, le silence de Nicolas Sarkozy

Alain Juppé publie lui aussi un communiqué pour "soutenir la demande de l’Union européenne". Mais parmi les ténors de la droite, Nicolas Sarkozy reste silencieux. L’ancien Président attachait pourtant assez d’importance au Gabon pour y marquer une étape lors de son premier déplacement présidentiel en Afrique subsaharienne en juillet 2007. Il a aussi soutenu la candidature d'Ali Bongo Odimba élu en 2009. Autre silence remarquable, celui de Bruno Le Maire. Le Front national s'était illustré en défendant ouvertement Jean-Marie Michel Mokoko, opposant malheureux aujourd'hui emprisonné face à Denis Sassou-Nguesso au Congo-Brazzaville. Sur le Gabon, la réaction n'est pas du tout la même: un communiqué de presse a minima de Louis Aliot, aucun mot de Marine Le Pen. Il faut dire que l'amitié entre son père et Omar Bongo, le père d'Ali, était notoire. Jean-Marie Le Pen était le seul invité étranger de Teodoro Obiang, président de la Guinée-Equatoriale voisine, lors de son intronisation.

A gauche, Jean-Luc Mélenchon est le plus mobilisé. Il s’est joint à la manifestation du samedi 3 août sur l’esplanade du Trocadéro à Paris pour "soutenir le peuple gabonais qui lutte pour sa liberté". Il a appelé à "cesser de soutenir des marionnettes de dictateurs qui ne tiennent en place que parce que nous les laissons faire".

La plupart des hommes politiques n’usent pas de la même liberté de ton de peur d'être accusés de "néo-colonialistes". L’argument est largement utilisé par le camp d’Ali Bongo. Interrogé vendredi à Paris sur la demande de l’Union européenne de publier les résultats par bureau de vote, Billie Bi Nze nous a répondu que "le Gabon n’est sous tutelle de personne". Autre argument convaincant: la longue mémoire de la famille Bongo. Le pays n’est pas seulement une immense réserve naturelle et pétrolière, il recèle aussi une grande quantité de secrets, bien conservés. L'époque des mallettes a laissé des souvenirs.

Situation inconfortable pour Hollande

Dans cette situation délicate, Jean Ping a fait le pari d’exercer une pression maximale sur le Président François Hollande. Vendredi dernier, le Leader de l’opposition qui se considère comme président du Gabon l’a interpelé. "Désormais, nous sommes suspendus à sa décision (ndlr: de François Hollande), a expliqué John Nambo porte-parole de Jean Ping au JDD. Il faut qu'il tape du poing sur la table et intervienne. Sinon, c'est non-assistance à peuple en danger!" Voilà qui met le Président Hollande dans une situation inconfortable, subissant un chantage des deux cotés. S'il veut pousser Jean Ping sur le fauteuil présidentiel, il s’expose à la vindicte du clan Bongo. Dans le cas inverse, il entretient cette mauvaise image d’ami des dictateurs africains, au terme d’une année où ont été réélus de façons aussi peu glorieuses les présidents du Niger, du Tchad et de la République du Congo-Brazzaville, où les hélicoptères continuent de bombarder la région du Pool.

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