Cameroun: A Minawao, les réfugiées retrouvent leur dignité grâce au don de serviettes hygiéniques
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Cameroun: A Minawao, les réfugiées retrouvent leur dignité grâce au don de serviettes hygiéniques :: CAMEROON

Pour les femmes en détresse, la période des menstrues pose plusieurs défis parfois très difficiles à relever. En choisissant d’offrir chaque mois des serviettes hygiéniques aux réfugiées, Le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) adoucit quelque peu leurs peines.

Elle avance d’un pas rapide, serrant très fort sous son épaule un petit paquet emballé dans un sac plastique. C’est le début de l’après midi, il fait chaud, des gouttes de sueur perlent sur son front et son cou, mais la jeune fille ne ralenti pas sa cadence. Il lui faut environ 10 minutes pour traverser plusieurs maisons et enfin arriver à destination. Une fois dans la petite maison qu’elle partage avec sa famille, elle ouvre le sac plastique et son visage s’illumine d’un large sourire. Elle prend le contenu du paquet, le palpe, le retourne dans tous les sens et enfin le serre sur sa poitrine. Huwa, âgée de 16 ans, a reçu il y a quelques minutes un lot de matériels non vivres parmi lesquels se trouvaient des serviettes hygiéniques jetables. Elle était tellement heureuse qu’elle a choisi de se retirer dans sa maison pour contempler ce don. « J’ai l’impression que je rêve, que je vais me réveiller et me rendre compte que ces serviettes hygiéniques ont disparu. Alors je préfère les tenir le plus longtemps possible entre mes mains », explique Huwa dans un anglais approximatif.

Réfugiée nigériane, Huwa est fraichement arrivée à Minawao, un camp implanté par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et situé à l’Extrême Nord du Cameroun, à environ 70 kilomètres de la frontière avec le Nigeria. La jeune fille raconte que lorsque les membres du groupe Boko Haram sont arrivés à Shawa, son village situé dans l’état de Borno au Nigeria, sa famille et elle ont du fuir. « On a marché pendant cinq mois. Parfois on restait caché quelques jours dans la forêt avant de reprendre le chemin », explique Huwa. « Lorsque j’avais mes règles, j’utilisais un bout de mon pagne que je pliais en plusieurs couches. Comme il n y avait même pas d’eau pour laver le tissu, lorsqu’un coté du tissu était mouillé, je le retournais pour utiliser la face intérieure », ajoute Huwa, en fronçant les sourcils. Chaque mois, ce stratagème durait six jours, le temps que les menstrues de Huwa s’achèvent. « C’est une sensation désagréable. Je passais six jours atroces, avec les fesses mouillées en permanence, et même du sang qui coulait parfois sur mes cuisses », révèle Huwa.

Comme Huwa, environ 30 000 femmes installées au camp de Minawao reçoivent des serviettes hygiéniques chaque mois. Toutes les femmes rencontrées avouent que ce don, bien qu’apparemment anodin, leur permet de garder leur dignité. Miriam Adamu est elle aussi une réfugiée ayant fui les exactions de Boko Haram au Nigeria. Elle déclare qu’il s’est écoulé neuf mois entre le temps où elle a fui son village et le jour elle est arrivée à Minawao, ce camp qui compte près de 60 000 personnes dont 97% viennent de l’état de Borno, le fief du groupe Boko Haram. Durant ce laps de temps, elle faisait des petites pauses de plusieurs jours parfois dans la forêt, parfois dans les petits villages qu’elle rencontrait sur son chemin.

Miriam dit avoir eu beaucoup de problèmes de santé du à une mauvaise hygiène intime. « J’avais en permanence des démangeaisons au niveau du vagin, beaucoup d’eau qui y coulait accompagné de mauvaises odeurs. Lorsque je suis arrivée au camp, les médecins ont constaté que j’avais des infections vaginales », explique Miriam. Pendant les neufs de son voyage vers le Cameroun, «lorsque j’avais mes règles, j’ai commencé par utiliser un morceau de mon pagne. Mais comme le tissu n’absorbait pas le sang, je l’ai remplacé par une éponge. C’était un morceau de mousse qui servait à laver les assiettes dans un restaurant. Un jour en allant quémander à manger dans ce restaurant, j’ai volé cette éponge et elle est devenue ma serviette hygiénique», raconte Miriam. Après cette révélation, elle marque une pause, la peau de son front et ses yeux se froncent, puis elle fixe longuement un point invisible à l’horizon. Elle ajoute : « c’est extrêmement dégradant d’avoir ses règles quand on est en situation de détresse. C’est humiliant de devoir voler une vieille éponge pour pouvoir se protéger ».

La dame déclare avoir 27 ans, mais elle parait avoir 40 ans, tellement elle a les traits du visage vieillis ; peut être les stigmates de sa souffrance. Elle affirme qu’elle n’avait pas d’eau ni pour faire sa toilette intime, ni même pour laver cette éponge qui lui servait de serviette hygiénique. Elle la portait donc en permanence quand elle marchait. « Lorsque j’étais couchée ou assise, j’enlevais la mousse et la faisait sécher à l’air libre », dit-elle. « Parfois, dans certains villages, on rencontrait des gens qui semblaient disposés à nous aider. Ils nous donnaient à manger et de l’eau à boire. Mais, les menstrues sont un sujet tabou, on n’en parle pas. Alors comment dire à quelqu’un : j’ai besoin de serviettes hygiéniques ? Je n’y pensais même pas. Je n’aurais jamais osé. Alors mon calvaire continuait lors des règles suivantes », dit Miriam.

Le sixième objectif pour le développement durable (ODD) demande de garantir l’accès de tous à l’eau et à l‘assainissement. Mais, l’accès aux services d’hygiène des femmes en situation de précarité est difficile et compliqué. Très souvent, lorsqu’on parle d’aide à ces personnes, on pense à l’abri, aux vêtements, à la nourriture, aux soins de santé primaire, mais pas toujours aux serviettes hygiéniques.

Raoul Biapan-Biapan l’un des responsables du camp de Minawao rassure cependant qu’au camp de Minawao, toutes les femmes qui en ont besoin reçoivent chaque mois, le nécessaire pour leur couverture mensuelle en hygiène intime. Des propos confirmés par les réfugiées. « Avant, j’étais toujours stressée à l’approche de mes règles, aujourd’hui, c’est un mauvais souvenir pour moi. Je reçois des serviettes hygiéniques jetables chaque mois et lorsque je reçois ma dotation de serviettes hygiéniques, j’ai l’impression qu’on vient de déposer un trésor entre mes mains », dit Miriam Adamu avec un sourire en coin. « J’avais oublié le plaisir qu’on ressent à porter des serviettes hygiéniques. S’il fallait en acheter, je ne pourrais pas le faire. J’espère que je continuerais d’en recevoir gratuitement du HCR», souhaite pour sa part la jeune Huwa.

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