130 personnes toujours portées manquantes 20 mois après leur arrestation
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Les autorités camerounaises doivent révéler où se trouvent les 130 hommes et garçons toujours portés manquants 20 mois après leur arrestation durant une opération de répression contre des membres présumés de Boko Haram, a déclaré Amnesty International le 30 août lors de la Journée internationale des personnes disparues.

« Les autorités camerounaises doivent dire la vérité sur ce qu'il est advenu de ces 130 hommes et garçons qui ont disparu. Le fait que les autorités continuent de s'abstenir de révéler où ils se trouvent est insultant à l'égard des familles qui attendent depuis longtemps déjà de savoir ce qu'il est advenu de leurs proches », a déclaré Alioune Tine, directeur du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique centrale et de l’Ouest.

Le Cameroun doit cesser d'utiliser son combat contre Boko Haram comme argument pour justifier les violations flagrantes des droits humains dont il est responsable
Alioune Tine, directeur du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique centrale et de l’Ouest.

« Le pays doit cesser d'utiliser son combat contre Boko Haram comme argument pour justifier les violations flagrantes des droits humains dont il est responsable. »

Les disparus font partie des plus de 200 personnes arrêtées lors d'une opération de ratissage menée dans les villages de Magdeme et de Doublé, dans la région de l’Extrême-Nord, le 27 décembre 2014. Parmi les personnes arrêtées, 25 au moins sont mortes en détention la nuit de leur arrestation, et 45 ont été transférées à la prison de Maroua le lendemain. Trois sont mortes depuis en raison de conditions de détention très dures.

Lors de cette même opération, les forces de sécurité ont également tué de façon illégale au moins neuf civils, dont un enfant, et détruit plus de 70 maisons et autres bâtiments.

Amnesty International considère que les 130 personnes qui ont été arrêtées et sont toujours portées manquantes ont été victimes d'une disparition forcée, qui est un crime de droit international. L'organisation demande au Cameroun de révéler immédiatement où elles se trouvent, de diligenter des enquêtes indépendantes, exhaustives et efficaces sur ces disparitions, et de déférer les responsables à la justice dans le cadre de procès équitables et sans recours à la peine de mort.

Nous ne savons vraiment pas quoi faire […] Je suis allée à la prison de Maroua huit fois […] nous demandons de l'aide. Nous voulons que les autorités nous disent où se trouvent nos proches
Une femme dont le mari et deux fils ont disparu

Amnesty International a communiqué la liste complète des noms de tous les disparus aux ministres camerounais de la Défense et de la Justice, ainsi qu'au responsable des opérations militaires dans le nord du pays. Les familles n'ont cependant toujours pas obtenu d'informations de la part des autorités.

Une femme dont le mari et deux fils ont disparu, a déclaré à Amnesty International :

« Nous ne savons vraiment pas quoi faire […] Je suis allée à la prison de Maroua huit fois […] nous demandons de l'aide. Nous voulons que les autorités nous disent où se trouvent nos proches. »

Un homme a décrit l'opération militaire qui a abouti aux arrestations :

« Nous avons entendu des coups de feu tout autour de nous […] Tout le monde se demandait ce qui se passait. Il y avait des soldats partout. Et puis, ils [les soldats] se sont emparés de certains hommes, et les ont déshabillés et roués de coups avant d'aller chercher ceux qui se cachaient chez eux. Ensuite, ils [les soldats] les ont rassemblés et les ont fait monter dans leurs camions. Nous les avons cherchés partout après ça, mais on n'a pas pu les retrouver. »

Selon les autorités, les 25 hommes et garçons morts en détention avaient été enfermés dans une cellule improvisée à la gendarmerie de Maroua, qui est la principale ville de la région de l’Extrême-Nord. L'identité des victimes n'a jamais été révélée, et les familles n'ont jamais été informées des causes et des circonstances de ces morts, ni du lieu d'inhumation des corps.

En mars 2015, les autorités ont annoncé qu'une enquête interne avait été ouverte au ministère de la Défense pour faire la lumière sur ces morts. Les résultats de cette enquête n'ont pas été rendus publics et une personne seulement – le colonel Zé Onguéné Charles, à la tête de la légion de gendarmerie de l’Extrême-Nord au moment des faits – a été déféré devant la justice en vue d'un procès. Cependant, les chefs retenus contre lui se limitent à ceux de négligence et de non-respect des règles en matière d'incarcération.

Amnesty International a également rassemblé des informations sur 17 cas de disparition forcée de personnes accusées de soutenir Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord entre juin 2014 et juin 2016.

« Les autorités doivent mener une enquête exhaustive et impartiale sur ce qui s'est passé à Magdeme et à Doublé, et veiller à ce que les responsables soient déférés à la justice. Elles doivent également accorder des réparations complètes et satisfaisantes aux familles des victimes », a déclaré Alioune Tine.

Complément d’information

La région de l’Extrême-Nord du Cameroun a été la cible d'attaques répétées de Boko Haram depuis fin 2013. Entre juillet 2015 et août 2016, Boko Haram a mené plus de 200 attaques, dont près de 40 attentats-suicides dans la région de l’Extrême-Nord, au cours desquelles au moins 500 personnes sont mortes.

Au moins 2 000 soldats de la BIR (Bataillon d'intervention rapide) ont été déployés aux côtés des forces de la BIM (Bataillon d'infanterie motorisée) pour lutter contre Boko Haram, dans la région de l'Extrême-Nord.

Les forces de sécurité jouent un rôle essentiel pour la protection de la population contre les attaques de Boko Haram, mais elles sont également responsables de très nombreuses violations des droits humains, notamment d'arrestations arbitraires, de recours à une force excessive, d'exécutions extrajudiciaires, de détentions illégales et au secret, d'actes de torture et de disparitions forcées.

La campagne d'Amnesty International intitulée Protégez nos droits se déroulera du 30 août 2016 jusqu'au mois de décembre 2017. Cette campagne vise à protéger les droits fondamentaux des personnes victimes à la fois des violences perpétrées par Boko Haram et des violations des droits humains commises par les autorités et les forces de sécurité camerounaises dans le cadre de leur combat contre Boko Haram.

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