Prince Ndedi Eyango : «La Socam et la Cmc existent juste dans les documents»
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Chanteur à succès du milieu des années 80, interprète, arrangeur, producteur au talent incontestable, il a choisi il y a une trentaine d’années envers et contre tous de faire de la musique. Un parcours intéressant, captivant, qui est une passion pour l’enfant de Ngalmoa (près de Nkongsamba, dans la région du Littoral). Présenté comme un rassembleur, il est aujourd’hui plébiscité par des centaines d’artistes musiciens regroupés sous la bannière de l’Association culturelle des artistes musiciens du Centre (Acamce) et le Rassemblement des artistes musiciens du Cameroun (Ramca) à l’effet de diriger la future société de gestion collective de l’art musical encore en gestation. Elu puis contesté en 2013 à la tête de la Socam, le « Montagnard » se livre dans cet entretien.

Quelles sont les grandes leçons que l’on  peut retenir de votre séjour à l’Extrême Nord du pays ?
Ça fait deux fois que je me rends dans cette partie du pays. La première fois, c’était en mars de l’année dernière, dans le cadre d’une visite de soutien et d’encouragement aux militaires qui sont au front. La deuxième fois c’était pour faire des dons dans des écoles, des lycées et à l’hôpital de Mora mais aussi, offrir des dons aux militaires. Comme vous le  savez et j’ai pour habitude de le dire, chacun de nous peut apporter sa modeste contribution à cette noble cause. Car l’Etat ne peut pas tout faire seul ; il l’en fait déjà assez. Je me dis  qu’en tant que citoyen, si j’ai cette culture de partage,  pourquoi ne pas aller vers les citoyens qui ont des difficultés en ce moment ? Et je compte y retourner. Je profite de l’occasion pour dire merci à l’association Ascovime du Dr Georges Mbwelle avec qui nous travaillons en étroite collaboration. Merci aussi à la Caisse nationale de prévoyance sociale(Cnps), qui a rendu ce voyage possible.

Vous êtes engagé depuis quelques semaines dans un autre combat : celui de  de  l’épanouissement de l’artiste camerounais à travers le droit d’auteur…
Déjà, je ne souhaiterais pas parler de combat. En ce qui me concerne, les efforts que je fais c’est d’éclairer les artistes, de leur dire la vérité, de les rassembler et d’apaiser la situation puisque tel est le vœu du gouvernement. Depuis quelques mois, j’ai rassemblé des artistes  camerounais parce que j’estime qu’il faut qu’il y’ait une plateforme, qui nous rassemble. Et à travers cette plateforme, nous pouvons parler de nos carrières, de l’entraide et aussi faire des formations. Parlant de notre rencontre du 20 juin 2016 à Yaoundé, il était question d’officialiser notre partenariat avec l’association Acamce et informer les artistes dans le besoin de prendre notre destin en main selon  les textes du gouvernement. Mais aussi, faire comprendre aux uns et aux autres, que le souhait de l’Etat, c’est de voir les artistes unis.

Au regard de la férocité de cette noble cause qui dure depuis bientôt dix ans, pensez-vous que votre message est passé ?
Le message passe et nous avons l’adhésion massive des artistes pour nous en convaincre. Vous avez depuis près de 15 à 20 ans, certains individus ont commencé à manipuler les artistes. Ils ont mis en avant le côté argent. Du coup, la présence d’un artiste peut couter 10 000 Fcfa ou 20 000 Fcfa. Ce que moi j’apporte aujourd’hui, c’est ce message d’union et de solidarité. Tout ce que je fais, je ne dépense pas. Nous dépensons presque tous au même pied d’égalité. S’il  y a un événement qui peut nous coûter 500 000 Fcfa ou 600 000Fcfa, ce sont les artistes qui cotisent cet argent. Même pour nos multiples déplacements à travers le pays, tout le monde y met du sien.  C’est ce que nous faisons à travers notre association. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, on a pu installer cette association dans les dix régions du pays. C’est la première fois dans l’histoire du Cameroun, qu’on entend parler d’une association des artistes qui est représentée dans toutes les régions. Mon arrivée depuis trois ans, a rassuré les artistes  qui ne comprenaient pas certaines choses que j’explique aujourd’hui. Et je suis conscient qu’il y en a quelques uns qui ont développé de vieilles habitudes. C’est-à-dire qu’il faudrait qu’on leur donne quelque chose pour qu’ils participent. Après trois ans, mon message reste celui de faire comprendre aux artistes qu’il s’agit de leur carrière. Ils sont les ayants droit en ce qui concerne les droits d’auteurs. Il faudrait qu’on pense à l’avenir de nos enfants, afin qu’ils n’endurent pas ce que nous vivons.  Si on n’a pas eu la chance de vivre de ce métier depuis près de 33 ans que je le fais, il ne faudrait pas que  ceux qui viennent après moi, vivent ce même drame.   Je pense que le message est passé. Je n’ai ni géré les droits d’auteurs ; je n’ai non plus beaucoup d’argent à distribuer. Mais je suis beaucoup plus écouté en transmettant un message de vérité. Ce que les artistes n’avaient pas connu auparavant.

Dans ce combat, il n’y a pas que  Prince Ndedi Eyango, il y a également Daniel Ndo qui, comme vous, est plébiscité. Etiez-vous préparé à cela ?
En tant qu’artiste musicien que je suis, les artistes voient en moi un modèle, un repère. Parce qu’il faut ce repère pour avancer. Lorsque je parle de repère et de modèle, il faudrait qu’un artiste qui parle au nom  des artistes, ait un bilan bien fourni. Je suis auteur-compositeur, producteur, éditeur, interprète. Je couvre tous les corps de métier de la musique. De même que Oncle Otsama, qui à une carrière riche et bien remplie. Il a une bonne réputation et fait tous les corps de métier, notamment comédien, poète, musicien pour ne citer que ces casquettes là. Bref, il réunit tous ces aspects de ce corps de métier. Ce sont des artistes qui on fait rêver une certaine génération. Vous ne pouvez pas défendre un métier que vous n’avez pas aimé. Vous ne pouvez pas défendre quelqu’un que vous ne respectez pas. Or, les gens savent que nous sommes des  rassembleurs. Il y a également cette humilité qui nous caractérise. Ces artistes ont espoir en regardant ce que nous avons bâti.

Le discours de chacun de vos partisans et le votre aussi repose autour du refus catégorique d’une possible fusion entre la Cmc et la Socam. Pourquoi s’inscrire en faux contre cette initiative ?
J’insiste sur le fait que mon message est celui d’écouter les artistes. Et la quasi totalité des artistes ne voudrait plus entendre parler des artistes qui se sont appropriés certaines sociétés. Je voudrais rappeler qu’on parle d’une société  de gestion collective, cela veut dire que c’est une société qui appartient aux artistes et pas à un individu. Mais lorsque des gens confisquent des sociétés  pendant très longtemps sans donner les vrais bilans, sans  faire un état financier ou alors sans donner le rapport des activités sous leur mandat, ce qu’il y a problème. On parle de ces sociétés qui n’existent nulle part physiquement en ce qui concerne la Socam ou la Cmc. Elles existent juste dans les documents. Mon souci, c’est d’écouter les artistes. Lorsque j’ai fait un rapprochement avec les dirigeants de la Cmc, je leur ai dit que je suis prêt pour les négociations. Néanmoins, qu’il fallait tenir compte de l’opinion des artistes. Parce que ceux-ci ne font plus confiance à ces sociétés, encore moins à ces dirigeants. Je pouvais en tant que Président du Conseil d’administration de la Socam réclamer que cela me revienne. Mais, je n’en parle pas parce que j’ai écouté beaucoup de gens. J’ai fait  le tour de toutes les maisons afin de rencontrer la majorité d’artistes. J’ai également convoqué plusieurs réunions pour leur demander ce qu’ils veulent. Et le constat fait est que ces artistes ne voudraient plus entendre parler des mêmes choses. Parce que si vous ramenez une Cmc, c’est quelqu’un qui va sortir de nulle part pour s’autoproclamer propriétaire de cette société avec quelques membres. Si vous parlez de la Socam,  c’est une poignée d’individus qui va prétendre qu’elle représente cette société. Bref, les artistes ne voudraient plus entendre parler de ces deux sociétés.

Que reprochez-vous personnellement à ces deux structures ?
Pendant très longtemps, ceux qui étaient à leurs têtes, n’ont pas donné de rapports d’activités. Mieux encore, ils ont procédé à des répartitions irrationnelles.  Cmc et Socam n’ont pas fonctionné comme des sociétés. Les audits sont là pour nous le prouver. C’est clair que les artistes  soient sensibles à cela. Au lieu  de réunir, rassembler, apaiser, certains individus continuent encore à tirer des ficelles pour leur propre intérêt. Or, il faut tenir compte de l’intérêt collectif, l’intérêt général des artistes. Si  vous voulez qu’il y ait fusion, allons en assemblée en masse et que les artistes décident de l’option juridique qu’ils veulent. S’ils veulent faire revenir la Cmc ou la Socam. On ne peut pas s’asseoir et dire que Ndedi Eyango et Sam Mbende  prendront cette décision. Lorsque nous faisons le bilan, nous avons un passé lourd. On ne peut pas se passer pour quelqu’un de propre quand on sait qu’on n’a pas servi les artistes. Et que ces derniers ne vous font plus confiance. Si aujourd’hui je ne peux plus réunir 400 artistes comme par le passé, c’est que je vais me retirer. Au lieu d’utiliser les mêmes méthodes de manipulation et de diligence, il faut songer au devenir de ces ayants droits.

Est-ce que ce refus de fusion ne vise pas principalement Sam Mbendé ?
Le problème ici n’est pas celui de Sam Mbendé contre Ndedi Eyango.  Il s’agit tout au contraire des institutions et pas des individus. Ça continue à m’écœurer à chaque fois lorsqu’on parle d’une structure chargée de gestion collective, que ce soit  le nom d’une personne qui revient. Ça veut dire qu’une personne a confisqué la Cmc pendant plus de 15 ans et ça n’a plus de sens. La Cmc est devenue la propriété de quelqu’un. Est-ce que nous sommes conscients qu’une société de gestion collective est une société civile ? Et les ayants droit sont les artistes. Ce sont les actionnaires qui doivent décider de leur société. C’est pour cette raison que je parle des artistes en tenant compte des textes qui sortent tous les jours par rapport au Comité de suivi qui siège au  Premier ministère. Il y a des textes qui abrogent d’autres et qui nous amènent à une autre direction. Et s’il faut parler  de la fusion, moi je n’ai pas de problème. Je dis tout simplement qu’il  faut réunir les artistes et leur demander ce qu’ils veulent.

Ne craignez vous pas qu’au bout du compte, le gouvernement reprenne la gestion du droit d’auteur au détriment de vous, les véritables professionnels ?
En ce qui me concerne, je suis dans cette bataille parce que ça ne marche pas. C’est pour cette raison qu’après plus de 30 ans de carrière, je me suis posé la question. J’ai servi la musique pendant plus de 33 ans. Et à quoi ça a servi ?  On n’arrive pas à vivre de notre art.  Ils n’ont pas un regard posé dans la gestion de nos droits. Si c’était le cas, on avait qu’à le faire avant. Aujourd’hui, on voit tous les décrets sur le droit d’auteur. Ça reste après tout une société  civile qui donne une force aux ayants droit qui sont les artistes. Les artistes attendent les rapports des audits à bras ouverts. Ils nous permettront de savoir qui va parler au nom des artistes. L’Etat a pris toutes les dispositions. Je fais confiance à l’Etat pour ce Comité de suivi. Le Premier ministre  peut dire aujourd’hui qu’il nous a rétablis. Puisque si j’ai  des gens dans ce Comité avec qui je travaille en collaboration, c’est grâce à l’Etat.  Parce qu’il ne voudrait plus entendre cette guerre qui perdure entre les artistes. Quelle que soit la solution au sortir de cette crise, elle sera bénéfique.

Après l’installation du Bureau régional du Centre, que prévoit la suite du programme du Ramca ?
Nous allons procéder au lancement officiel de l’association Ramca. Des concerts de musiques  et des collectes de fonds seront ainsi faits pour que cette association ait ses propres moyens pour produire les artistes, pour innover. Bref, mettre les artistes au travail. Je le dis très souvent : par le passé, on a mis beaucoup d’artistes au chômage. Mon souci c’est de mettre les artistes au travail pour les faire sortir du chômage, pour éviter cette mendicité de leur part. Il faut qu’on les occupe à travers les spectacles,  les productions, les activités de formations. Il faut responsabiliser les artistes. Le but du Ramca est d’amener les artistes à vivre ensemble. Pour moi, c’est une bonne chose. Nous sommes contents de voir que des artistes se saluent, s’embrassent et se font confiance. Nous parlons de nos vies, de nos familles, du futur de la promotion. Bref de plusieurs choses.

Quels sont les rapports entre Ndédi Eyango  et le nouveau ministre des Arts et de la Culture ? Pensez vous qu’il apporte un souffle nouveau dans la gestion des droits d’auteurs ?
Pour le moment, le ministre de la culture n’a pris aucune décision par rapport à cette crise. Et je dis, je l’observe à distance. Nous avons eu un entretien une seule fois. Je pense qu’a travers ce qui pose comme actes  sur le plan culturel en général,  c’est quelqu’un qui a un très bon sens. Il est un ayant droit puisqu’il est écrivain. Je constate qu’il n’a pas placé le droit d’auteur au premier plan de sa politique parce que la culture ce n’est pas que le droit d’auteur. Je pense que c’est une bonne chose et nous souhaitons juste que notre pays et sa culture rayonne à travers le monde entier.

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