Au Cameroun, les livres cherchent lecteurs
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L’éloignement des bibliothèques, la pauvreté des fonds documentaires, le faible pouvoir d’achat des populations, le désintérêt de certains parents et l’absence d’une politique du livre ne facilitent pas toujours le développement d’une culture du livre au sein des populations.

Quel est le dernier livre que vous avez lu ? La question paraît simple et pourtant beaucoup de personnes à qui nous avons interrogé sur ce point ont eu du mal à répondre. Sur un échantillon de 10 personnes certains ne s’en souvenaient plus. La plupart ont cité des œuvres littéraires inscrits il y a des années au programmes de l’enseignement secondaire comme : Les Bimanes, Balafon, Une saison blanche et sèche ou encore, La Croix du Sud, etc. Des réponses qui donnent du crédit à la pensée populaire selon laquelle les camerounais ne lisent. En réalité, la relation des camerounais avec le livre et beaucoup plus complexe et repose sur plusieurs facteurs.

Tamara Medja fait partie de ces camerounais pour qui le livre est une véritable passion. Depuis l’annonce de l’ouverture du Salon internationale du livre de Yaoundé ce jour au musée national, la jeune femme ne tient plus en place. L’idée de rencontrer de grosses plumes comme Calixte Beyala, Hemley Boum, Max Lobé, Eugène Ebodé Gaston Paul Effa, Pabe Mongo, l’enchante.

« Petite j’étais un vrai rat de bibliothèque. Je passais des heures à dévorer toutes sortes de livres. Enfant, ce sont les Bd comme Kouakou, Mickey qui m’intéressaient. Adolescente, j’ai découvert les romans à l’eau de rose comme Harlequin. Aujourd’hui, je lis des romans comme les classiques français et la littérature négro africaine, des essais sur la politique, l’histoire et les questions de psychologie », explique la jeune dame. Ce goût des livres lui a été transmis par une maman professeur de français et elle-même grosse lectrice.

« Il y a toujours un livre qui traîne quelque part dans la maison et l’habitude est venue spontanément. Chez nous, tout le monde lit surtout que la maman avait pris soin de nous inscrire à la bibliothèque où nous passions des heures pendant les vacances. Une fois adulte, je me suis inscrite à l’Institut français de Yaoundé. C’est plus proche de mon lieu de service et j’y vais deux fois par mois pour emprunter des livres. Je lis en moyenne trois livres par mois mais tout dépend du volume des pages. En vacances, il m’arrive de lire un livre en trois jours », dit-elle.

Si Tamara Medja a grandi dans un univers où tout la prédisposait à aimer la lecture, ce fut pour John Kampoer une découverte spontanée. Cette relation étroite avec le livre est d’ailleurs à l’origine de sa carrière de bibliothécaire. « C’est un outil à la fois pédagogique et ludique. Il y a rien de mieux pour initier la lecture aux enfants. Je lis un peu de tout mais mes préférences vont aux ouvrages de connaissances générales et sur la culture africaine. Je profite des foires, des salons, où alors je vais sur des bibliothèques en ligne pour en acheter. Au fil des années, je me suis constitué une petite bibliothèque privée que je conserve jalousement parce que le livre est un bien précieux », affirme le doctorant en histoire.

Pauvreté documentaire

Un avis que partage Emmanuel étudiant Il n’est pourtant pas un lecteur assidu. « Le livre est moi pour un outil scolaire. Je ne lui accorde aucune autre fonction. S’il n’y avait pas l’école et toutes ces recherches que je dois faire dans le cadre de la rédaction de mon mémoire, je n’ouvrirais pas un seul livre. Je trouve que c’est un plaisir solitaire qui ne correspond pas à mon tempérament » dit-il.   

Vendeur en boutique, Claudel Ndi reprend à son compte la thèse selon laquelle les noirs ont la culture de l’oralité et non de l’écrit. « Ce que vous vous découvrez dans le livre moi je l’apprends en ecoutant les gens parler », dit-il sentencieux.

Au-delà du discours sur la culture orale des camerounais plusieurs autres facteurs sont à l’origine du désintérêt du public pour les livres. L’éloignement des bibliothèques existantes, la pauvreté des fonds documentaires découragent souvent les lecteurs. « Il y a quelques années, je suis allée dans une bibliothèque publique pour prendre un abonnement. Mais le décor vieillot m’a vraiment découragé. On trouvait surtout les livres d’auteurs étrangers et très peu d’ouvrages récents ou sur le Cameroun. Parfois nous avons comme l’impression qu’il n’existe pas de véritable bibliothèque au Cameroun à côtés des centres culturels étrangers qui sont là pour vendre leur culture et de quelques initiatives privées.», déplore Clotilde Etoga, secrétaire.

Bibliothèque mobile

Pour Rose Alima, étudiante en édition à l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic), l’environnement dans lequel elle a grandi ne la prédisposait pas à s’intéresser aux livres. C’est une fois adulte qu’elle va découvrir les bienfaits de la lecture. Mais son plus gros problème, c’est de trouver les livres qui lui plaisent. « Ceux d’auteurs camerounais célèbres n’arrivent pas facilement au pays. Il faut parfois passer la commande en France par exemple et cela revient encore plus cher. Alors je profite des salons comme le Silya ou des promotions pour acheter les dernières nouveautés auprès des écrivains invités», dit-elle.

Face à ces difficultés, des bibliothèques privées ont lancé des initiatives pour faciliter l’accès des populations aux livres. Depuis mars 2016, le Centre de lecture et d’animations culturelles   (Clac) de Minboman s’est doté d’une bibliothèque mobile. Elle sillonne les quartiers de Yaoundé pour promouvoir le livre auprès des plus défavorisés. « Le livre c’est comme le vélo, une fois qu’on a pris goût, on ne peut plus le perdre », pense Tamara Medja.

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