Antoine de Padoue Ndemannu : “Paul Biya doit me choisir comme le candidat du Rdpc”
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Candidat déjà déclaré pour la prochaine élection présidentielle, ce prince de la chefferie Foreke-Dschang a commencé sa pré-campagne. Ce sera la deuxième tentative, après celle de 1997 où il se targue d’avoir obtenu plus de 15.000 voix. Ceint d’un grand drapeau aux couleurs nationales, l’homme que certains assimilent à un bouffon politique après avoir participé à la célébration le 24 avril dernier de l’anniversaire du Rdpc, a été aperçu dans les rues de Douala, Foumban et Dschang ces derniers jours. Dans cette interview, il revient sur les motivations de sa candidature et ses relations idéologiques ambiguës avec le parti au pouvoir.

Vingt ans après l’expérience infructueuse de 1997, vous revenez au devant de la scène. Avez-vous tiré les leçons de votre première participation au processus électoral ?
C’est le bon sens qui anime ma démarche. De 1997 à 2017, cela fait vingt ans, pendant lesquels je n’ai pas été à l’échéance de 2004 et de 2011. Les questions peuvent se poser : n’est-il plus intéressé ? A-t-il abandonné ? Qu’a-t-il fait entretemps ? Pourquoi revient-il maintenant ? En 2004 et 2011, j’ai soutenu la candidature du président Biya parce que j’estimais qu’il a en 1997, lors de l’échéance à laquelle j’ai participé contre lui, exprimé un certain nombre de projets qui lui tenaient à coeur et qu’il tenait à faire ce qu’il a dit à travers les grandes réalisations. Je lui ai donné du temps. J’ai attendu pour voir si effectivement ces ambitions devenues réalisations se concrétisent. J’ai attendu vingt ans pour ne pas être un opportuniste, bien que la politique nous invite à l’être, un opportuniste non avisé. Vingt ans m’ont permis de faire l’histoire politique du Cameroun depuis l’avénement de la démocratie et de voir les points forts et faibles de ce système, afin de proposer un projet d’alternance qui va répondre aux attentes des populations. Vingt ans de recherche me permettent de parler en homme avisé. Pendant ce temps, je me suis tu. J’ai pris le temps de mieux comprendre la géopolitique camerounaise, de comprendre les aspirations du peuple et d’imaginer un projet adapté à la situation macroéconomique du pays.

Avant d’y arriver, croyez-vous en une transition démocratique, par les urnes ?
Cela est déjà arrivé par le passé. La démocratie camerounaise a commencé en 1949, on avait deux blocs au pouvoir et à l’opposition. Puis est venu l’Uc, l’Unc puis le Rdpc. L’alternance politique par le vote reste une possibilité, même si aujourd’hui, la loi qui octroie une rémunération aux chefs traditionnels vient plomber le jeu. C’est vrai que le pouvoir des chefs traditionnels n’est pas le même sur l’ensemble du territoire. Au nord, avec les lamidos, le peuple s’émancipe à peine. Au centre et dans le littoral, les chefs n’ont pas un pouvoir idéologique réel sur les populations. A l’Ouest, la pression sur les esprits reste perceptible mais les choses sont en train de se démocratiser, bien que beaucoup de chefs sont l’objet de corruption et fragilisent le tissu de notre vie traditionnelle.

Vous confirmez l’hypothèse que l’élection dans notre contexte n’est pas exempte de pratiques antidémocratiques ?
L’alternance serait facile si l’opposition se présentait avec un seul candidat. Les élections de 1992 ont montré que les Camerounais, malgré le mal qu’on en dit, savent ce qu’ils veulent. C’est effectivement difficile de distraire leurs votes. Une transition par les urnes est possible. Mais pour cela, il faut que le Chef de l’Etat participe. Il doit trouver un candidat, un dauphin qui porte un projet qui ressemble à la continuité de son pouvoir, comme il l’a été pour celui d’Ahmadou Ahidjo. Sur ce point précis, le président de la République récuse le dauphinat ? C’est curieux ! Le président Biya a dit beaucoup de choses en 34 ans de présidence. Dans son programme politique, Pour le libéralisme communautaire, il fait trente propositions pour faire émerger le Cameroun. Or le Cameroun est encore immergé. En 2010, il nous a proposé l’émergence pour 2035. Est-ce une actualisation des slogans ? Est-ce un projet qui vient corriger les lacunes du programme originel ? Permettez-moi d’en douter. J’en conclus que beaucoup de ce qu’il dit n’est pas la vérité car le pouvoir est comme le sable mouvant. Quand tu fais une déclaration, elle t’engage seul. Une fois que tes collaborateurs ne suivent pas, c’est un échec.

Vous ne semblez pas trouver à dire sur la structure actuelle de l’Etat, la manière dont il fonctionne. A quoi ressemblera la république que votre parti, le Kumzse (Rassemblement Démocratique du peuple sans frontière), veut gérer?
Ce qui est bien est bien. Lorsque le président Biya a pris le pouvoir, il a pris des dispositions pour sécuriser son pouvoir. Il était premier ministre. Aujourd’hui, par la loi, le président du Sénat peut lui succéder s’il ne meurt pas avant. Il a un gouvernement qu’on juge pléthorique mais il existe des institutions, comme le Fonds national de l’emploi, qui marchent. Si j’accède au pouvoir, ce ne sera pas pour refaire la république. C’est la continuité. Je ferais le nouveau du renouveau. Paul Biya reconnaît que les institutions sont mal gérées, que lorsqu’il donne des consignes on ne les applique pas, que certains traînent les pieds pour faire le peu qu’on voit. J’ai une idée de comment faire quand ça traîne. La différence entre les projets actuels de formation des jeunes et mes propositions, c’est que j’invite les prospecteurs placiers. Pour l’avoir été en France, leur rôle est d’être le pont, l’interface entre les investisseurs et les demandeurs d’emploi. Il faut créer une dynamique entre les chercheurs d’emploi et les opérateurs économiques si l’on veut entrer en croissance. Le problème actuel c’est que l’université ne dispose pas d’une structure de prospection et de placement des étudiants en fin de formation. Ceux qui ont la maîtrise de la science doivent la mettre à la disposition de ceux qui détennent les investissements. Mon projet vise à tamiser ce que le gouvernement fait aujourd’hui pour l’améliorer.

Pourquoi ne prenez-vous pas simplement une carte du parti au pouvoir ?
Je suis du Rdpc pour être simplement  camerounais. Au sens littéral, tout le monde se trouve dans le « rassemblement démocratique du peuple camerounais ». Seulement, pour une démocratie avancée, apaisée, on a laissé créer des partis politiques pour exprimer des opinions contradictoires. C’est parce qu’il y a l’opposition qui critique le parti au pouvoir qu’il s’améliore. En biologie, l’homme et la femme sont sexuellement opposés mais complémentaires. Cela est aussi valable dans la vie politique. Si en 1992, l’Undp se retrouve avec un grand nombre de députés alors que le Rdpc avait inscrit lors de la pré-campagne plus de trois millions d’électeurs, c’est parce que le peuple ruminait sa soif de changement. Qui a donc voté pour l’opposition ? Nous sommes des hommes et des femmes qui aimons notre pays. Lorsque le président Ahidjo choisit Paul Biya pour le remplacer, il a su qu’on peut avoir l’union entre deux personnes mais que le rassemblement nous interpelle tous. De l’union nationale du Cameroun comme de l’Union populaire du Cameroun, il crée le rassemblement démocratique du peuple camerounais. Ce n’est pas un hasard si les deux dernières lettres qui se trouvent dans le sigle « Rdpc » se retrouvent également dans « Upc».

Pour deux visions du Cameroun très opposées ?
Quand on dit populations camerounaises et peuple camerounais, c’est un problème de syntaxe. Paul Biya est un ancien militant de l’Upc. En France, on a vu François Mitterand être ministre dans un gouvernement de droite. Lorsqu’il a compris qu’il n’avait pas de chance d’accéder au pouvoir, il est allé à un congrès du parti socialiste brûler la politesse à Gaston Deferre qui l’a invité. Avocat de formation, il était un excellent orateur. Il devient secrétaire du Ps. Si aujourd’hui, Antoine de Padoue Ndemannu demande au Rdpc de le voter, c’est parce que Papa Paul Biya, à 85 ans, veut s’assurer que la continuité va s’inscrire dans le sillage de ses grandes réalisations. Mais comparaison n’est pas raison.

Vous évoquez un slogan qu’on associe à l’échec. Votre parti manque qui peut lui confectionner un programme politique ?
J’insiste pour dire que je ferai le nouveau du renouveau. Si le Rdpc avait compris cet homme qui a créé le rassemblement en face de l’union, si le libéralisme communautaire avait été géré de manière qu’on ait des multiplicateurs dans les universités, on serait en train d’implémenter une idéologie qui comme le capitalisme, le communisme, le socialisme... développe une stratégie pour le bien-être de l’homme. Il veut développer l’humanisme en l’homme et la femme camerounais. Moi, j’ouvre la porte à l’homme et à la femme universels. Peut-être que je ne suis pas avec lui tous les jours mais s’il y a un homme que j’ai compris et que je crois avoir bien compris, c’est mon président. Ce n’est pas pour le flatter.

Pourquoi avoir donc créé votre parti, le Rdpsf-Kumzse?
Il faut exploiter les failles que nous offre la loi. Dans le Rdpc, je n’aurai jamais eu une tribune pour m’exprimer. Il fallait utiliser les moyens de la loi pour faire valoir mes idéaux et ma vision pour le Cameroun. Depuis 1995, date de la création du parti, j’ai fait mon chemin de pélérin en m’assurant que tous les 13 février de chaque année, j’envoie un courrier au président de la république pour lui souhaiter un joyeux anniversaire, mais aussi pour lui indiquer les différents projets sur lesquels il peut agir pour rendre les Camerounais plus heureux. C’est moi qui lui ai proposé, par ce canal, la réhabilitation de l’« immeuble de la mort », un immeuble bizarre qui portait son nom, en plein coeur de la capitale.

Si vous devenez président de la république, qu’est-ce qui va changer ? Et dans combien de temps ?
Il faut réduire la taille du gouvernement. Celui de maintenant est pléthorique. C’est clair que vingt ministères suffiront. Par contre, nous allons augmenter le nombre des régions, pour faciliter l’administration du pays. Imaginez qu’il faut parfois faire plusieurs heures sur des routes redoutables et en dépensant parfois 7.000F pour joindre le chef-lieu. Les délégués du gouvernement deviendront des ministres d’Etat résidents. Ils vont commencer à construire à partir de la base. A Yaoundé, il ne restera au plus que cinq minsitères de souveraineté. Cette fois, on construira en respectant les normes.

Projet ambitieux et futuriste mais on ne voit pas vite le lien avec les attentes du petit peuple qui a faim, soif, besoin d’être soigné dans la dignité ...
En lançant la construction de ces grands chantiers, ça crée automatiquement les emplois. Ma première préoccupation concerne la rémunération des Camerounais. Quand on donne à un fonctionnaire de catégorie D'un salaire de 48.000F, hier c’était même moins, c’est pour lui permettre de vivre comment quand on sait que le prix du loyer varie par région de 12 à 50.000, que les produits de première nécessité sont chers ? On n’attend pas qu’il survive. Il faut revoir fondamentalement le budget national pour favoriser la consommation. Il faut améliorer les retraites car le 2ème et le 3ème âges se meurent. Les enfants ne sont que l’investissement de ces derniers. Ils ont investi pour que ces enfants soient des sujets économiques. Je propose d’accorder à toutes les femmes à partir de 50 ans une allocation de 50.000F, aux hommes à partir de 55 ans, 75.000F. Les spécialistes de macroéconomie vont me reprocher de vouloir financer ceux qui ne sont pas actifs par ceux qui ne font rien.

Mais employé et cadre en Allemagne, je me voyais prélever dans mon salaire un impôt de solidarité de 7% pour la promotion de l’Allemange de l’Est. Cet effort a permis plus tard d’améliorer les conditions de vie de ces autres Allemands car à l’époque, les retraités de l’Est recevaient 600 DM pendant que leurs homologues de l’Ouest avaient entre 900 et 1200 DM. Cela s’est équilibré sur deux à trois ans. Le Cameroun consomme, en termes de boissons alcooliques importées et locales, près de 1,25 milliard par mois. Nous avons le témoignage récent de l’effort de solidarité dans la lutte contre la nébuleuse Boko Haram, qui a permis que les Camerounais acceptent qu’on augmente 100F sur le prix de la bière. Beaucoup sont capables de refaire ce geste pour la survie de nos parents. Quand on réalise que qu’une femme est opbligée de se prostituer à 50 ans, doit attendre lorsqu’elle est malade que l’enfant vienne de la ville pour payer les factures des médecins et les ordonnances, c’est dommage.

En attendant la campagne électorale, quel discours tenez-vous à vos interlocuteurs et qu’en pensent-ils ?
J’ai pris sur moi la tunique, ma tenue d’apparat qui est le drapeau national frappé de six étoiles sur les côtés. D’autres pensent que je sors pour les lions indomptables. Dans la rue, j’ai compris que les Camerounais attendaient un messie. Les politiciens ont laissé une très mauvaise image de la confiance qui leur a été faite par le passé. En 1992, ils voulaient changer de cap, on voulait un autre président, fût-il n’importe qui. Quand ils ont eu la preuve que celui qui conduisait la locomotive a abandonné, c’était la désolation, ils ont crié à la trahison.

Le peuple nous en tient grief. Pendant les campagnes électorales, on nous reprend : « on vous connaît », « vus venez prendre nos voix pour aller donner à Paul Biya », etc. Je sollicite Paul Biya que je sais être un patriote, pour que cette fois-ci, fort de ce que je propose, lui-même reconnaisse que l’enfant qu’il cherche depuis pour la continuité de ce qu’il a bien commencé avec son aîné Ahidjo, est prêt. C’est un enfant qui a choisi de faire le porte-à-porte pour expliquer la vision qu’il a du Cameroun avant que le président ne tire sa révérence. Je vais en campagne confiant qu’après vingt ans, j’ai des choses à partager avec le peuple. J’ai été assez patient.

Que pensent vos amis européens de vos prestations en tunique multicolore dans les rues ?
Certains au début disaient : « c’est un marabout ». Comment a-til compris qu’il faut faire les choses de la sorte pour faire bouger les populations ? Le Chef de l’Etat avait parlé des « apprentis sorciers ». Monsieur le Président, vous avez en face de vous un sorcier bien accompli. Quand je vois tous ceux qui comme moi veulent être président de la république, ce sont de hautes personnalités à la réputation et au patriotisme établis. Je me dis que j’ai des idées novatrices. Je suis la troisième voie entre le pouvoir et l’opposition dans sa forme aactuelle.

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