Sécurité sociale : les médecins en campagne
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Excédés par les décès survenus dans des circonstances troubles dans les hôpitaux publics, les toubibs veulent imposer un agenda aux prochaines campagnes électorales au Cameroun.

Le Cameroun a-t-il un véritable problème avec son système de santé ? Très certainement. Et laisser la gangrène accompagner la même rengaine sur le manque de moyens, pour nous médecins, ce serait même la signature d’un acte de décès. Nous allons, à partir des conclusions de notre rapport que nous allons présenter aux autorités, faire à ce que la santé soit un enjeu électoral dans notre pays». A Yaoundé, le 31 mars 2016, au siège de l’Ordre national des médecins du Cameroun (ONMC), ces paroles du Dr Guy Sandjon ont eu le don d’imprimer brutalement les tympans. «On ne s’attendait pas du tout à écouter un discours à la teneur aussi libérale et, pour le coup, consensuel», observe un journaliste.

C’est que exaspérés par le lamento des populations, les praticiens camerounais ont décidé ouvertement de s’équiper de gants pour assener un coup de sabre dans la politique sanitaire nationale. Lors de la présentation du rapport sur les circonstances de la mort de dame Monique Koumateke, l’ambiance a attesté de l’importance de la question, avec un mouvement qui «s’organise »autour de celle-ci. Avec une remarquable discipline, les écueils à la bonne marche du secteur de la santé ont été cochés : absence de sécurité sociale, corruption dans les hôpitaux, exode des médecins, plateaux techniques indisponibles ou défectueux…

A l’ONMC, on a déjà rédigé des recommandations bien senties sur les sujets, question de peser sur les représentations nationales (assemblée nationale et sénat). Dans la démarche (dont on ignore les modalités et le calendrier), tous les outils sont bons. Mais la voie prioritaire qui a été choisie par les médecins est celle de la négociation et du lobbying. «Il ne s’agit pas de brutaliser les institutions. Aujourd’hui, face au débat traumatisant sur les décès de femmes enceintes et de nouveaunés, nous voulons rester très présents sur certains sujets et participer à l’élaboration d’un système de santé d’utilité publique», projette le Dr Guy Sandjon. En guise de « lancement »le 31 mars 2016, la corporation médicale du Cameroun a entamé son travail de lobbying auprès d’André Mama Fouda.

Conduit par son président, l’ONMC est allé présenter ses suggestions au ministre de la Santé publique (Minsanté). Inspirées d’une étrange réalité (espérance de vie en baisse, coût élevé des soins, contraste saisissant entre riches et pauvres, vols, népotisme et trafics de toutes sortes), celles-ci combinent sobrement une grande protection des patients et la  mise en place d’un système de sécuritésociale au Cameroun.

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C’est donc clair : les médecins camerounais sont tombés d’accord sur le désastre général à une échelle globale. Et même s’ils mesurent leur propos, les toubibs disent une chose : aucun des grands thèmes urgents liés à la santé n’a fait réellement débat, en tous cas suffisamment pour frapper les esprits et devenir un enjeu de campagne électorale dans le pays. «En dehors des caricaturales chansons habituelles, les candidats aux élections chez nous ont souvent assuré le service minimum ou se sont réfugiés dans un silence éloquent quand il s’agit de la santé», regrette le Dr Nelson Fomulu. Une manière pour le vice-président de la Société camerounaise de gynécologie de rappeler que dans la course aux postes électifs, les postulants intègrent rarement les angoisses des masses.

Plus simplement  : «Jusqu’ici, le discours des hommes politiques sur la santé publique est resté linéaire et sans réelle progression», selon le Dr Enow Orock, membre de la commission d’enquête sur le drame survenu à l’hôpital Laquintinie de Douala. Cette spirale négative ne concerne pas uniquement la forme de la campagne, mais aussi son contenu politique. «Impensable que la réforme du système sanitaire ne s’invite pas suffisamment, lui aussi, au débat sur les secteurs prioritaires», peste l’enseignant émérite. A l’approche du scrutin présidentiel au Cameroun, les décès du Dr Hélène Ngo Kana et Monique Koumate (survenus respectivement les 09 janvier et 12 mars 2016 à Douala), semblent avoir offert une occasion idoine à l’ONMC dont on connaît la tiédeur politique.

«A l’heure où l’on répète l’urgence d’investir dans les générations futures et de redonner tout son sens à la vie humaine, il y a là un chantier prioritaire à lancer si l’on ne veut pas achever de discréditer les hôpitaux publics et installer sans le dire un système à deux vitesses qui ne profitera qu’aux plus aisés», s’emporte le Dr Nelson Fomulu.

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