L’après Biya selon Joseph Owona
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Dans son livre, « Les systèmes politiques précoloniaux au Cameroun », l’universitaire et homme politique pense qu’on peut expérimenter « l’alternativité » régionale à la tête de l’Etat au Cameroun.

Ala queue gît le venin. Serait-on tenté de dire en lisant le dernier livre de Joseph Owona intitulé « Les systèmes politiques précoloniaux au Cameroun », paru fin 2015 chez l’Harmatan. C’est en effet dans la conclusion de cet ouvrage, qui a été présenté dans un amphi archi-comble de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric) vendredi dernier, que le professeur émérite assène une de ses convictions quant à l’alternance à la tête de l’Etat du Cameroun.

« Une des solutions d’avenir de nos institutions sera d’inventer l’alternativité, suggère-t-il, une alternativité équitable dans un Cameroun réputé comme étant une Afrique en miniature. L’alternativité régionale s’avérerait peut-être comme la règle la plus souhaitable, consistant en une rotation du pouvoir suprême entre toutes les régions du pays : Nord, Sud, Extrême-Nord, Ouest et Est, rompant avec le fameux ping-pong nord-sud. »

En clair, le constitutionnaliste et homme politique imagine que dans la perspective de l’après Biya et pour l’avenir, que le pouvoir soit confié à des personnalités originaires des régions autres que le Sud et le Nord qui ont déjà eu chacun « leur » président (Ahidjo et Biya). On doit à la vérité de dire que Joseph Owona n’est pas seul à intégrer le fait ethnique dans l’alternance au pouvoir au Cameroun.

Dans une interview en mars 2014, Hubert Mono Ndjana, le professeur de philosophie allait plus loin. Il prenait pour prétexte la sortie de prison de l’ancien secrétaire général de la présidence de la république, Titus Edzoa et sa volonté réelle ou supposée de succéder au président Biya, pour dire la place de la réalité ethnique dans la perspective de l’après Biya. « Ce que je n'approuve pas chez Titus Edzoa, disait-il, c'est qu'il continue de dire qu'il veut être le successeur de Biya. Je voudrais profiter de cette tribune pour mettre les Camerounais en garde. Si le Cameroun doit continuer à rester en paix, un frère de Biya, c'est-à-dire un Béti quel qu'il soit, ne doit pas songer à lui succéder, sinon le Cameroun risquera de basculer dans la guerre civile.

Je précise que si les frères de Biya ont de l'argent, qu'ils l'investissent dans des industries porteuses, dans des secteurs rentables. Mais qu'ils abandonnent l'idée suicidaire de remplacer Paul Biya à la tête de l'Etat du Cameroun. »

Zoomloo, Mbombok, Kamvé, etc.

Joseph Owona indique dans son ouvrage qu’en tenant compte du fait ethnique dans ce qu’il appelle « l’alternativité », le Cameroun ne serait pas le premier. Car, cette possibilité est en vigueur notamment en Suisse lorsqu’il est question de former le gouvernement. Au travers des 107 pages de son livre, l’auteur de « Les systèmes politiques précoloniaux au Cameroun » montre que les sociétés camerounaises avaient de véritables institutions avant l’arrivée du colon. Chaque grand groupe ethnique se caractérisant par sa manière à elle de gérer le pouvoir. L’auteur en fait une nomenclature assez détaillée.

Il distingue deux grands systèmes : les systèmes anarcho-démocratiques et les systèmes monarchoco-étatiques. Il ne faut pas comprendre les sociétés anarcho-démocratiques comme celles où règnerait le désordre. Il s’agit plutôt de sociétés où il n’existe pas d’autorité suprême unique, un « supérieur commun » pour reprendre la formule de John Locke. Dans ce système de gouvernement que l’on rencontre chez les Basa’a, les Beti, les Mofu du Diamaré et les Sawa du Littoral, il est question du « soft power ». « Le Zoomloo béti ou le Mbombok basa’a reste un thaumaturge nimbé de connaissances et de dignité », écrit l’auteur. Dans les sociétés monarchoétatiques (Chefs bamiléké, tikar, le sultan bamoun, les fon du Nord-Ouest et les lamido du grand nord), le chef a un pouvoir réel. Ce qui ne signifie pas forcément une gestion autocratique des affaires du clan. Les chefs bamiléké par exemple gouvernent avec les neuf notables, les « kamvé », qui sont les véritables détenteurs du pouvoir.

La thèse du professeur Owona n’a certes rien d’original puisque plusieurs chercheurs ont étudié et écrit de nombreux ouvrages et articles sur les idées et institutions politiques négro-africaines précoloniales - mais son livre a le mérite de paraître au moment où on observe une certaine résurgence du discours nationaliste au Cameroun. Discours qui se manifeste par le rejet de tout ce qui est considéré comme « modèles importés ». Ce livre paraît surtout au moment où la succession du président Paul Biya (83 ans, dont 34 passés au pouvoir) est plus que jamais à l’ordre du jour.

  • Auteur : Joseph Owona
  • Titre : Les systèmes politiques précoloniaux au Cameroun
  • Editeur : L’Harmattan
  • Année de parution : fin d’année 2015
  • Prix : 13 euros

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