Traitre ou patriote : Njoya Arouna ou la porte par laquelle la France s’appropria le Cameroun post-colonial
CAMEROUN :: POLITIQUE

Traitre Ou Patriote : Njoya Arouna Ou La Porte Par Laquelle La France S’appropria Le Cameroun Post-Colonial :: Cameroon

S’il est des personnalités dont l’histoire contemporaine du Cameroun ne peut oublier, N’joya Arouna est certainement l’une d’entre elles. Présenté à tort ou à raison comme l’un des pères fondateurs de la réunification pour avoir organisé à Foumban une rencontre entre le Président Ahmadou Ahidjo et les ténors de la politique de l’ancien Cameroun Occidental, l’on ignore encore aujourd’hui pourquoi il avait accepté de jouer ce rôle. Cette personnalité avaitelle l’art de défendre plusieurs causes à la fois ? Difficile d’y répondre, l’intéressé n’étant plus de ce monde.

De sa biographie extraite des archives de l’Assemblée Nationale Française, l’on ne mentionne pas les noms de ses parents. Tout ce qu’on sait de lui, c’est qu’il serait né vers 1908 à Foumban au Cameroun et décédé en Novembre 1971. Il fut conseiller puis sénateur de la 4ème République de 1947 à 1958. Mais avant d’accéder au conseil et au sénat français, il avait travaillé comme fonctionnaire dans l’administration locale au Cameroun. « Ecrivain-interprète et secrétaire du chef de la circonscription de Dschang de 1925 à 1929, il est placé hors-cadres et nommé en 1929 chef supérieur (Njinka) de la région Bamoun où se trouve Foumban, sa ville natale. Il restera chef supérieur jusqu'en 1947, et est parallèlement représentant des chefs traditionnels Bamoun auprès du gouvernement français.

De 1938 à 1944, il appartient au Conseil consultatif du Cameroun, et à l'Office régional du travail de Foumban. Il est encore, de 1936 à 1945, assesseur titulaire du tribunal du second degré de Foumban, secrétaire de la ligue sportive Bamoun de 1936 à 1944 et président de la Jeunesse camerounaise française (section de Foumban) de 1938 à 1944. ». Ses biographes précisent encore qu’il fut « Parallèlement à ces activités, il se consacre à une activité de planteur, et fonde la coopérative des planteurs Bamoun de caféiers d'Arabie. Après la guerre, décoré de la médaille de la Résistance, il est élu délégué pour la région Bamoun à la première Assemblée représentative du Cameroun, et devient membre de la commission permanente de cette assemblée.

Le 10 février 1947, il est élu au Conseil de la République, où, réélu le 14 novembre 1948 et le 19 juin 1955, il siégera jusqu'à la fin de la IVe République. Au Conseil, membre du groupe SFIO, il siège principalement à la commission de la France d'outre-mer (de 1949 à 1958) et à la commission de la famille, de la population et de la santé publique (de 1950 à 1957). Il a aussi appartenu, de manière plus passagère, aux commissions de la production industrielle, du travail et de la sécurité sociale, du ravitaillement, des moyens de communication et des transports, et des pensions. Il occupe de 1955 à 1957 la fonction de secrétaire du Conseil de la République. Lors de sa première intervention à la tribune du Conseil le 11 août 1947, il rend hommage à la France et à son idéal démocratique. Au cours de ses mandats à la Haute Assemblée, Arouna N'Joya consacre toutes ses interventions au Cameroun et aux territoires d'outre-mer, se préoccupant de l'ensemble des problèmes politiques, sociaux et économiques qui concernent ces territoires.Tout d'abord, il s'attache à la situation de la production agricole de son pays, pour laquelle il demande à plusieurs reprises l'augmentation des crédits prévus.

Souhaitant que le Cameroun possède des moyens de communication et un équipement en rapport avec la richesse de son sol, il recommande la création de coopératives agricoles et une meilleure organisation du marché des produits agricoles pour favoriser leur exportation (1948, 1949). Il se préoccupe tout autant de l'évolution des institutions de l'outre-mer, et intervient très souvent à ce sujet : en 1946-1947, il participe au débat sur la proposition de loi relative aux grands conseils en Afrique occidentale française et en Afrique équatoriale française. Il intervient en 1951 à propos des assemblées locales dans les territoires d'outre-mer, déposant un amendement pour voir modifiée la répartition des sièges au Cameroun. Il participe encore au débat sur la loi portant réorganisation municipale en outre-mer en 1955, et en 1956-1957, il dépose un rapport sur la proposition de loi relative à la composition des assemblées territoriales d'AOF, d'AEF, du Cameroun et des Comores. ».

Un rôle trouble

Alors qu’il était perçu comme un défenseur de l’indépendance du Cameroun, il en deviendra plus tard, le fossoyeur. « Il a toujours souhaité une coopération confiante et fructueuse entre la métropole et les territoires d'outre-mer, invitant même le gouvernement, dans un rapport déposé en 1956-1957 au nom de la commission de la France d'outremer, à favoriser la pratique des « parrainages » entre les collectivités de métropole et d'outre- mer, et d'une manière générale à favoriser les contacts suivis d'entraide entre ces collectivités. La même année, le décret portant statut du Cameroun propose de mettre l'ensemble des pouvoirs entre les mains du Cameroun, à l'exception de ceux que le régime de tutelle réserve à la France.

Se félicitant de cette étape vers l'indépendance, Arouna N'Joya s'inscrit à l'opposé de tout extrémisme indépendantiste en remerciant la France « d'offrir ce décret au Cameroun ». Alors que l’Union des Populations du Cameroun (UPC) et le Parti des Démocrates du Cameroun (PDC) exigeaint de la France une indépendance « immédiate et totale », N’joya Arouna ramera à contre-courant, préférant être inféodé à la France. C’est ainsi qu’il oeuvrera à la chute d’André Marie Mbida en faisant passer un vote de défiance contre ce dernier à l’Assemblée Territoriale du Cameroun (ATCAM), après qu’il eût, sur ordre du gouverneur de l’époque, versé 200 000 FCFA à certains parlementaires ; le poussant à la démission de son poste de Premier Ministre, le 16 Février 1958. Il sera remplacé par Ahmadou Ahidjo, plus favorable à une « certaine indépendance ». En fin de compte, le Cameroun qui aspirait a une totale indépendance, ne l’a jamais acquise. A qui la faute ? N’y a-t-il pas de qui tenir ?

© HORIZON MAGAZINE PLUS : Mouna Mboa

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