Grève des militaires : Après le front le ras-le-bol
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Méprisés, clochardisés par les pouvoirs publics qui sont restés longtemps sourds et indifférents à leurs cris de détresse, des militaires commettent un acte de rébellion qui pourrait leur valoir le tribunal militaire.  

«Inédit» ! « Incroyable, pourtant vrai». Dans un pays où les populations acceptent toutes les humiliations, toutes les frustrations et les supplices, mêmes les plus immondes ; dans un Etat dit de droit où l’anti-droit a été érigé en modèle de gouvernance, dans une Nation où règne la gouvernance par embuscades ; la journée du mercredi 9 septembre 2015 gardera une empreinte indélébile dans les mémoires. Des Camerounais ont brisé les chaînes de l’indocilité, les frontières de l’insupportable, pour se jeter dans la rue. Fait grave, les grévistes, auteurs de la résistance et de l’affront aux forces de l’ordre et de la gendarmerie, ne sont pas des hommes ordinaires. Mais des militaires, des forces de défense, des personnes appartenant à la grande muette, un corps où l’on parle très peu, où l’on n’a que le droit d’obéir.

L’on peut comprendre pourquoi ils ont marché du quartier Ekounou, traversé toute la ville, tenté d’investir les services du Premier ministère à quelques encablures du Secrétariat d’Etat à la Défense, pour échouer à l’Assemblée nationale où ils ont installé leur quartier général et paralysé le fonctionnement de l’hémicycle. Toutes les stratégies de dissuasion et les tentatives de dispersion ont été expérimentées sans succès. Les grévistes, précédés par leur réputation, n’ont pas été dispersés avec violence et brutalité, comme c’est souvent le cas. On ne tente pas le diable nous dira un adjudant de gendarmerie.

«Nous avons voulu réagir ; mais la hiérarchie a demandé de ne point les toucher, d’encadrer leur mouvement d’humeur. En optant de se vêtir en uniforme frappé des insignes de l’Onu, ils le faisaient à dessein. Les toucher nous aurait mis en difficulté avec les forces de sécurité de l’Onu», explique un haut gradé de l’armée. Postés à l’entrée principale de l’hémicycle où ils ont fait l’état de siège, malgré toutes les tranches de négociations, les grévistes n’ont rien voulu entendre de leur hiérarchie. Ni le général commandant du Quartier général, ni le général de corps d’armée Mbia Meka. Les militaires grévistes ont exigé et obtenu la descente sur les lieux, du ministre de la Défense. Entre négligence et «agenda caché »

Le reporter du Messager, après avoir bravé plusieurs cordons de sécurité, a pu atteindre quelques grévistes qui ont expliqué leur misère et l’indignation qui les ont poussés dans la rue pour crier leur ras-le-bol. Les difficultés à sortir de la dèche pour joindre les deux bouts depuis leur retour au pays. L’incapacité ou les difficultés à inscrire leurs enfants à l’école, la clochardisation, l’instrumentalisation de la misère et de la faim, l’absence d’une issue, sont autant de sources de colère ayant provoqué leur mécontentement.

Selon eux, ils sont au départ, environ 1 250 soldats déployés depuis des années pour quatre missions de paix en République centrafricaine à savoir Micopax 1 et 2 ; Fomac, Misca et Minusca. On a dénombré environ, 967 gendarmes et 300 militaires venant du Btap, Bsa de Limbe et du quartier général. Pour beaucoup, l’absence au pays devait être récompensée par un traitement salarial exceptionnel. Mais selon les manifestants, leur argent aurait été détourné, happé par la spirale des réseaux mafieux. Reversés au Cameroun, ils sont depuis traités comme des «zombies ». Posture relativisée par le Mincom, Issa Tchiroma (Voir texte ci-contre) au cours d’un point de presse qu’il a donné pour la circonstance.

Selon certaines sources, la décision des militaires à passer à l’action n’est pas le fait d’une génération spontanée. Ce mouvement d’humeur est en chantier depuis au moins deux semaines. Les forces militaires, particulièrement de la Semil, étaient au courant pour avoir infiltré les contestataires. « Nous avons régulièrement informé les autorités militaires et administratives. Ce n’est pas la faute au renseignement », confie un officier en service à la Semil. Autre son de cloche : la menace des grévistes n’a pas été prise au sérieux en haut lieu. Pourtant, ils ont osé ; brisant ainsi les tabous militaires qu’ils connaissent bien.

Pour avoir été au front, ils savent tous ce que la violation des consignes veut dire. Ils savent que la grève est interdite au sein de l’armée. Ils savent qu’ils sont coupables d’acte de rébellion et susceptibles d’être traduits au tribunal militaire ; au risque de se retrouver radiés du corps de l’armée. Toutefois, conscients de tout cela, ils ont extériorisé leurs revendications dans la rue. Jusqu’où les grévistes qui savent que les dés sont jetés, iront dans leur mouvement d’humeur. Première du genre, la grève dans l’armée, ne va-t-elle pas susciter d’autres vocations et des tentatives diverses ? Les braises de l’indiscipline, de la révolte, de l’insubordination, de la contestation et du refus de l’intolérable sont allumées. La traversée du fil rouge a commencé.

© Le Messager : Souley ONOHIOLO

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