Une femme maire de la Capitale politique malgache : l’arbre qui cache la forêt, ou précurseur d’une révolution à venir ?
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MADAGASCAR :: Une femme maire de la Capitale politique malgache : l’arbre qui cache la forêt, ou précurseur d’une révolution à venir ?

Il semble désormais acquis que Lalao Ravalomanana sera la première femme à être élue maire d’Antananarivo. Peut-on oublier pour autant que seules 6% des candidats à ces élections communales étaient des femmes ? Mais malgré tout, n’est-ce pas le signe que nous serons bientôt prêts à élire beaucoup plus de femmes aux postes les plus décisifs pour un vrai développement ?

Un monde politique aux pratiques figées dans le machisme

Dans un ‘Portrait’, j’écrivais :« La commune d’Anjinjaomby a été déclarée commune pilote, pour cause de bonne gestion. C’est aussi le cas de la grande majorité des communes dirigées par une femme. Elles ne sont qu’environ 3% de femmes maires aujourd’hui. A-t-on pensé au bénéfice pour le pays, si cette proportion de communes qui marchent était seulement portée à 20%… ? » [1]

Cette dernière réflexion était de la Présidente de l’Association des Femmes Maires de l’époque. Un véritable développement se construit effectivement à la base, au niveau des communes, et pas seulement à coups de déclarations de politiques nationales. Malheureusement, la proportion de 20% de femmes maires, ce n’est pas encore pour les quatre prochaines années : même si la moitié des 6% de femmes parmi les candidats aux dernières élections communales sont élues (ce qui serait déjà un exploit), on stagnera toujours aux 3% devenus traditionnels.

Pourquoi si peu de femmes candidates ? En fait, beaucoup de maires se contentaient d’inaugurer les chrysanthèmes, laissant leur adjointe faire le vrai travail. C’est le stéréotype qui régit généralement les relations hommes-femmes dans notre société : aux hommes la représentation, les honneurs, aux femmes l’obscur labeur. Il est alors aussi difficile pour les femmes de briser les obstacles à leur accès à la sphère publique, que pour les hommes d’abandonner leur privilège.

L’un des principes essentiels de la démocratie, c’est la représentation proportionnelle des différentes catégories d’électeurs aux instances de décision. Chez nous, 50% de la population (c’est la proportion des femmes dans la population générale) seront donc représentées au niveau des communes par 3% des maires. De ce point de vue, il n’y aura donc absolument rien de changé : à l’issue de ces dernières élections, nous serons toujours aussi loin de l’idéal démocratique. La représentation proportionnelle des femmes n’est certes pas le seul indicateur des progrès accomplis par une nation dans le sens de la démocratie, mais c’en est un indicateur essentiel.

Lalao Ravalomanana, maire de la capitale : l’essai sera-t-il transformé pour les femmes ?

Une femme élue maire d’Antananarivo (et pas seulement de l’un de ses six arrondissements : Dieu merci, pour une fois nos députés ont été à la hauteur de leurs responsabilités), c’est comme un grand morceau de ciel bleu qui se dégage de la grisaille de l’immobilisme dont notre monde politique est devenu coutumier, en dehors des gesticulations stériles.

Lalao Ravalomanana, à n’en pas douter, possède les qualités nécessaires pour faire une excellente maire pour la capitale politique et économique, démographiquement aussi la plus importante ville de Madagascar.

Mais au-delà de sa personne, le plus réjouissant, c’est que c’est un grand parti qui l’a proposée comme tête de liste et que, peut-être pour ne pas être en reste, d’autres grands partis lui ont emboîté le pas. Si changement il y a eu, c’est à ce niveau-là : des partis politiques qui étaient convaincus que les électeurs ne votent pas pour les femmes ont enfin osé mettre des femmes à la tête de leurs listes.

Ce changement est porteur d’autres à venir : les femmes hésitaient à se porter candidates indépendantes, sachant que leurs chances d’être élues étaient minimes, alors que le coût financier de l’aventure est de plus en plus élevé à chaque élection. Maintenant que les partis politiques se rendent compte que les candidates qu’ils soutiennent peuvent être élues, ou même qu’en proposant des femmes ils améliorent leurs chances de faire élire leurs candidats, on peut espérer qu’il y aura de plus en plus de femmes candidates aux élections – et de femmes élues, parce que proposées et soutenues, y compris financièrement, par les grands partis du moment.

Si en plus, comme on le souhaite, dans l’intérêt à la fois de la capitale et de la cause de l’égalité hommes-femmes, Lalao Ravalomanana démontre qu’elle est aussi efficace, ou plus efficace que ses prédécesseurs, non seulement les partis politiques soutiendront plus de femmes, mais les femmes elles-mêmes, surtout les jeunes, verront en elle un modèle à suivre, et oseront se lancer avec plus d’assurance dans ce monde politique qui leur était jusqu’ici hostile. Alors seulement, nous pourrons envisager sérieusement de vivre dans une vraie démocratie.

Notes
[1] In Madagascar-tribune.com du samedi 12 avril 2014, Beanarana Jeanne Ursula, maire de la commune rurale d’Anjinjaomby, district de Sambava (région SAVA)

© Madagascar Tribune : Mireille Rabenoro

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