François Hollande au Kamerun le 03 juillet 2015 Pourquoi faire ?  Déclaration du CD de l’UPC
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CAMEROUN :: François Hollande au Kamerun le 03 juillet 2015 Pourquoi faire ? Déclaration du CD de l’UPC :: CAMEROON

François Hollande, président de la République française, vient d’effectuer une tournée en Afrique, plus précisément dans le Golfe de Guinée ; une tournée qui l’a conduit successivement au Bénin, en Angola et enfin au Kamerun.

Le passage au Kamerun annoncé par différentes sources comme incertain, a finalement eu lieu à Yaoundé le vendredi 03 juillet 2015. Il a duré à peine plus de six heures d’horloge, dont deux passées à l’Ambassade de France, avec la communauté française du Kamerun et quelques amis politiques. Visite d’Etat, pratiquement de nuit, avec honneurs civils et militaires, coups de canon, le protocole était de règle. La légendaire hospitalité bantu, qui affectionne de traiter des choses sérieuses dans la nuit, a tout de même pris un bon coup cette fois. Peu importe, puisque les deux présidents, à l’aise, ont semblé satisfaits, au-delà des convenances

protocolaires…

Une préparation appliquée

Pour planter le décor, l’Ambassadeur de France, le Ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement et la chaîne publique d’Information la CRTV se sont déployés.

D’abord Mme Robichon est enfin reçue en audience par le président Biya, cinq jours plus tôt, après quelques loupés auparavant, signalés par la presse. Il convient de rappeler que la plénipotentiaire s’est illustrée ces derniers temps dans la manipulation de l’environnement médiatique, cristallisant un sentiment anti-français bien perceptible dans l’opinion publique.

Ensuite la veille, c’est-à-dire le 02 juillet, M. Tchiroma Issa, le volubile porte-parole du gouvernement a dévoilé le cadre de la visite. Il a sonné la mobilisation des medias et appelé la population à réserver un accueil chaleureux à F. Hollande, même à ces heures tardives de la journée.

Ainsi au menu des sujets qui seront abordés, figurent en bonne place :

1. l’enjeu sécuritaire, pour «…marquer, consolider et clarifier l’amitié, la solidité de la coopération militaire  exemplaire  entre nos deux pays, a insi que la convergence totale dans la lutte contre le terrorisme, en l’occurrence Boko Haram et l’insécurité maritime» ;

2. la signature de quatre conventions pour une enveloppe globale de 76 milliards CFA ;

3. des entretiens entre parlementaires des deux pays.

Le tout à placer dans une ambiance empreinte de « respect réciproque sans complexe entre partenaires loyaux, engagés, dans d es domaines variés : démocratie, respect des droits de l’homme, etc…

Et le porte-parole de conclure : (a) la France est un partenaire historique majeur; 12 000 français résident dans le pays, dont une centaine comme dirigeants d’entreprises; principal investisseur, avec elle c’est un partenariat efficace ; (b) Le Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) sera amélioré et porté à 710 Milliards de FCFA sur 12 ans ; il s’agit d’un instrument de développement au service du pays, présent dans les projets dits structurants, l’amélioration de l’éducation de base, de la recherche scientifique, etc… Enfin, pour polir le décor, les tam-tams de la CRTV gouvernementale résonnent en présentant tour à tour : (a) un partenariat véritablement exemplaire, avec entre autres, Bolloré Africa Logistics, qui a offert trois bus (révolutionnaires) à l’Université de Yaoundé 1 ; (b) Serge Michel Giguet, exemple d’intégration, intronisé grand notable de la région du Sud depuis fin novembre 1991 ; (c) Me NOMO avocat de l’Etat dans l’affaire contre Mme Lydienne Eyoum, qui souligne pour le minimiser, le récent verdict accablant la citoyenne française.

En définitive donc, une relation excellente, au beau fixe, avec des perspectives prometteuses du bienfaiteur attendu . D’où l’appel à la mobilisation par le Mincom.

Une véritable apologie de la mère-France, comme au bon vieux temps de la Coloniale ! Union des Populations du Cameroun,Union of the Populations of Cameroon
François Hollande au Kamerun le 03 juillet 2015 Pourquoi faire ?

Ce qui a été dit

En deux temps, c’est-à-dire au cours de la conférence de presse des deux chefs d’Etat et des toasts pendant le dîner, en présence de l’essentiel du « gotha officiel de la politique du pays », dans le somptueux palais d’Etoudi, tout ce qui a été annoncé a été dit.

Les annonces économiques et diplomatiques sont confirmées ; les quatre conventions signées, pour un montant de 76 milliards. Soit dit en passant, personne dans le pays n’ignore que quelques kamerunais seulement parmi les personnalités réunis là, sont capables de mobiliser pareille somme. Et pour quelle fin ? Aménager les villes qui sont dans un état déplorable : Douala, Bertoua, Bafoussam, Garoua, Limbé, et même Yaoundé ; accompagner la Diaspora dans l’investissement au pays ; accompagner les Pme et les Tpme…Tout ça, avec seulement 76 Milliards de francs CFA !

Biya a accepté l’invitation au forum mondial sur les enjeux climatiques à Paris, avant fin 2015. Avait-il vraiment besoin de faire venir Hollande pour cela, quand on sait qu’il est le plus souvent là-bas ou pas bien loin là ? Mais il a pensé le faire de manière solennelle, assisté de ses amis et de ses « opposants », profitant de l’aubaine pour montrer à son illustre invité, que la « démocratie apaisée » est bien en marche au Kamerun. D’ailleurs à 85 ans en 2018, il sera amené à « gagner » encore son élection présidentielle ; il le peut, bien sûr ! F. Hollande confirme que la France est le 1er investisseur au Kamerun et que la diaspora kamerunaise en France compte environ 50 000 âmes dont 8 000 étudiants.

C’est à peu près tout, un peu comme prévu.

Mais il y a eu un intrus ; un scoop astucieusement préparé ? Très probablement. Il s’agit du contentieux historique. Non signalé dans la préparation, ce sujet semble être finalement la seule vraie nouveauté. Evoqué d’abord par le président français puis finalement par Biya lors du dîner, il débouche sur une reconnaissance et une belle promesse : la France reconnaît officiellement avoir perpétré des massacres contre les « indépendantistes » kamerunais, dans deux régions du pays, après la proclamation de l’Indépendance en 1960. Et comme promesse, Hollande se dit favorable à l’ouverture d’archives de cette époque qui ne l’étaient pas encore. ll faut tourner la page dit-il et être sûr de l’avoir bien lue .

Ce qui n’a pas été dit

Sur le contentieux historique, bonne lecture oblige, les massacres ont bien eu lieu dans toutes les régions du pays et de grande ampleur dès le mois de mai 1955, donc bien avant 1960. Hollande a feint de l’ignorer, pourtant les sources disponibles déjà nombreuses ne peuvent avoir échappé à ses services.

Des kamerunais ont été choyés et protégés pendant que les « indépendantistes » étaient traqués. M. Biya et beaucoup de personnalités de son entourage en font partie. Encore une occasion manquée par le chef d’Etat kamerunais de rattraper sa récente insulte, qui a assimilé la lutte des nationalistes aux tueries de Boko Haram.

La fameuse « déstabilisation du pays » entendue çà et là, a été absente des débats publics. Pourtant, il est de notoriété publique que le « principal investisseur » est actif dans le processus de succession à la tête de l’Etat du Kamerun. Le contraire serait surprenant, quand on connaît la capacité d’anticipation des milieux occidentaux. Même le nom du «prétendu dauphin» Marafat a été ignoré…curieux tout de même !

Les accords monétaires et le débat sur la pertinence du FCFA pour les économies africaines aujourd’hui en quête d’émergence ? Rien de cela ; étonnant de la part du tout nouveau soi-disant « panafricaniste » Paul Biya.

La question demeure donc entière : pourquoi cette visite, maintenant ?

A défaut de réponses précises, les quelques « raisons » qui suivent retiennent l’attention.La visite d’Etat d’un président français au Kamerun n’est pas un évènement banal.

L’on se souvient, puisque l’heure est désormais pour tous, aux souvenirs et non plus seulement les upécistes « toujours tournés vers le passé», oui l’on se souvient que, M. Pompidou Georges, a foulé le sol de Yaoundé, en plein jour, un mois de février 1971 en criant « vive Ahidjo ! », alors que le pays était encore sous le choc de l’assassinat sur la place publique du leader upéciste Ernest Ouandié. La consécration de M. Ahidjo semble alors totale. Quelques mois plus tard, le dictateur annexait le « West-Cameroon, désormais pétrolifère », dans un scénario digne du célèbre bandit Al Capone, pour imposer l’Etat unitaire sous la pression de ses amis français.

Les maigres résultats affichés, et évoqués ci-dessus, ne suffisent pas pour justifier la nécessité impérieuse du présent voyage nocturne, du reste controversé dans l’opinion publique, même parmi des proches du président français. Alors quelques conjectures sont permises.

La part belle a été réservée aux milieux d’affaires, une quarantaine de « bao » étaient de la délégation.

Cela peut toujours servir pour les prochaines campagnes électorales en France, maintenant que la marge de manœuvre des réseaux pétroliers maffieux est réduite, suite aux scandales à répétition dénoncés.

La France fait partie avec les USA et la Grande-Bretagne, du groupe qui a décidé d’implanter l’hégémonie du système libéral dans le monde entier. Ce groupe considère en effet le Golfe de Guinée, comme un nœud important dans leur stratégie de domination. La visite de F. Hollande doit être examinée essentiellement sous ce prisme-là. Il ne faut pas s’y tromper, les objectifs restent les mêmes : contrôler les ressources de la région pour l’intérêt de leurs entreprises, et tenter de maîtriser la concurrence qui se précise.

De récents rapports et débat au sein de l’Assemblée Nationale française, ont suffisamment attiré l’attention sur la nécessité de recentrer la politique africaine de la France, notamment en Afrique dite francophone, au risque de perdre gros. Un petit ballon d’essai sur le contentieux historique serait donc en bonne place. Ce n’est pas rien. Et cela en appelle probablement à une disponibilité de toutes les parties prenantes pour arriver un jour prochain, à solder le contentieux historique.

A propos du contentieux historique justement.

Le conflit majeur,aujourd’hui encore non soldé, est né, de la revendication légitime, adressée par l’UPC au nom du Peuple kamerunais mobilisé, à la Communauté Internationale de l’époque, à travers la France en tant que puissance tutrice. Cette revendication était claire : souveraineté de notre pays par l’unification et l’indépendance, afin de construire un développement propre au Kamerun, en union politique avec les autres peuples du continent d’une part ; et d’autre part, la réponse du pouvoir colonial à cette revendication, une réponse négative dans le fond,et brutale dans la forme

Les manifestations de ce conflit sont dramatiques et tournent autour de la violence. Il est effectivement bon de le reconnaître enfin, même dans toute leur laideur ; ce sont : des territoires détruits, des populations déportées, villages et cultures abandonnés, utilisation du napalm sur des populations civils sans armes, des centaines de milliers de morts, exil, emprisonnements, tortures, assassinats ; l’UPC décapitée, interdite d’activité et pourchassée, ses principaux leaders assassinés.

Les conséquences politiques du conflit se ressentent encore aujourd’hui : l’unification et l’indépendance bâclées, taillées à la mesure des intérêts du vainqueur militaire, la France et ses autres amis. Il ne reste aux vaincus qu’une « victoire morale », celle d’avoir imposé l’idée de la souveraineté du peuple kamerunais. Mais les blessures sont si profondes que même la répression n’a pas suffi à oublier. Le rejet de la domination impérialiste, qualifiée de « sentiment anti-français » reste latent. Ce sentiment resurgit de temps à autre, plus fort et attisé au gré des contradictions du moment, à l’exemple de l’implication supposée, à tort ou à raison de la France dans la guerre actuelle contre Boko Haram, au côté des assaillants. Et l’enjeu essentiel du conflit reste l’appropriation du patrimoine productif du pays.

Quand on sait que la plus grande partie des réserves financières du Kamerun est encore gérée par le Trésor français, que la principale langue de communication officielle reste le français, que les secteurs stratégiques du pays ont été privatisés et soumis à la mainmise totale de groupes étrangers, dans les conditions historiques rappelées plus haut, on eut raisonnablement dire que ce conflit est soldé.

Et pourtant, il faudra bien s’y atteler, sérieusement, le sens de l’Histoire l’exige.

Un autre aspect de ce conflit persiste ; il prend même le pas sur le premier.

C’est l’émergence depuis 1956, d’un pouvoir local imposé, bras séculier du pouvoir colonial pour l’exploitation des ressources et du travail des kamerunais.

Les manifestations là aussi sont palpables. C’est la mise en place de gardiens du système, les uns plus zélés que les autres. La répression et le régime du parti unique imposé ont fait le reste pour la mise au pas des kamerunais. M. Ahidjo en est le prototype et M. Biya en digne héritier, n’est pas en reste pour l’essentiel, parce que les acquis arrachés notamment dans les années 90, sont bafoués et en permanence remis en cause par une Administration en général au service du pouvoir. La façade affichée cyniquement par M. Biya échappe difficilement à un observateur attentif.

A l’opposé, la revendication démocratique reste toujours pertinente aujourd’hui. Les choix du peuple sont bafoués notamment par des élections truquées à répétition. La tentative de domestication de l’UPC, à défaut de supprimer le parti nationaliste, reste au programme, plus active que jamais ; son interdiction de fait est toujours la règle.

La revendication de la souveraineté du peuple, le droit de notre peuple à définir lui-même ses choix politiques, économiques et sociaux, est partie intégrante de la discorde qui a conduit à la réponse agressive et barbare du pouvoir colonial sur les « indépendantistes ».

Dans ces conditions, peut-on solder le contentieux historique sans questionner M. Biya et son groupe au pouvoir ?

L’Union des Populations du Cameroun (UPC), à travers son Comité Directeur réuni en session ordinaire les 25 et 26 juillet 2015 à Douala, soucieuse et jalouse de la souveraineté du peuple Kamerunais,

Prend acte des bonnes relations que Paris et Yaoundé entretiennent sur « tous les plans» et demande aux autorités kamerunaises d’obtenir au moins de leurs homologues français, la restructuration de leur coopération afin que par exemple, les kamerunais soient traités comme des êtres humains dans les services consulaires français.

Demande à l’Etat du Kamerun, de cesser de s’ingérer grossièrement dans les affaires de l’UPC, comme il le fait depuis 60 ans, au profit d’une UPC d’utilité publique. Cela est indigne du sacrifice consenti par des centaines de milliers de nos camarades massacrés.

Enregistre la déclaration du chef d’Etat français qui reconnaît enfin publiquement que la France a massacré des populations kamerunaises en quête légitime de leur souveraineté. La déclassification conséquente d’archives jusque là inaccessibles, constituera une avancée dans la reconstitution plus complète de la vérité historique, dans l’espoir que rien n’a été soutiré. C’est une exigence scientifique qui contribuera à corriger les impostures retenues actuellement dans l’histoire officielle ; c’est également un souci politique susceptible d’infléchir la trajectoire que notre pays et pratiquement toute l’Afrique ont malheureusement prise au grand détriment des intérêts des populations.

Prends au mot le président français et demande que cette « reconnaissance », certes déjà publique puisse revêtir un cachet légitime supplémentaire, notamment celui du Parlement français. Que la reconnaissance s’accompagne de mesures de réparation multiformes. A cet effet, la mise en place dans des délais raisonnables, d’une commission opératoire mixte et suffisamment représentative, trouverait de la part de l’UPC, disponibilité et engagement.

Demande au chef d’Etat Biya de mettre à la disposition du public, les archives du Kamerun, notamment celles datant de 1955 à 1970, et de faire la même démarche auprès de la France.

Attire l’attention du peuple kamerunais sur l’intérêt de se mobiliser afin que les intentions formulées par le président français ne restent pas des vœux pieux. L’on se souvient que les appels pathétiques répétés de l’Association des vétérans de l’Armée de Libération Nationale du Kamerun (l’ASVECAM) sont restés jusqu’ici lettres mortes. La solution dépend de notre capacité d’organiser des kamerunais par milliers et par millions, notamment parmi les jeunes, avides d’espoir.

Le combat pour la souveraineté nationale, en union avec les autres peuples africains, et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, reste actuel et fait partie de la résolution saine du contentieux historique dont il est question.

L’UPC demande au Peuple de France, qui connaît si bien la valeur de l’Histoire vraie, de se joindre aux efforts des Peuples Africains en lutte pour cette exigence morale et politique. C’est la seule base d’une entente durable et mutuellement profitable entre les peuples du monde, pour la survie même de l’espèce humaine menacée par la course au profit à tout prix.

Cette lutte aujourd’hui dans notre pays, s’exprime par la nécessité impérieuse d’engager une transition consensuelle dont les bases pourraient être les suivantes :

- Audit général du pays depuis 1955 jusqu’à nos jours

- Recensement général de la population

- Mise en œuvre du processus qui conduit à l’élaboration et l’adoption large d’une nouvelle Constitution - Mise en place de nouvelles Institutions avec des élections libres et transparentes.

L’UPC en appelle à la fierté et à la vigilance de tous les patriotes kamerunais, afin qu’une ère nouvelle décisive se dresse pour notre pays, par l’amorce de la réconciliation effective de ses enfants, de tous ses enfants avec leur Histoire. C’est le plus grand hommage qui puisse être rendu à ses dignes fils et filles, hier injustement massacrés.

« Un autre Kamerun est possible, d’autres choix sont nécessaires » .

Douala, le 26 juillet 2015

Pour le Comité Directeur de l’UPC

SIGNE 

WOLONG Claude, Président de séance, 

ADJI BAKARY / NTOGUE Simon Pierre, Secrétaires de séance

NDEMA Alexis SAME, Président de l’UPC, 

TCHUANYO Martin,  MANG III Louis- Marie,Vice Présidents de l’UPC

© Correspondance : UPC

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