Regards croisés : Le procès contre DSK et la sortie du film 50 Nuances de Grey
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FRANCE :: Regards croisés : Le procès contre DSK et la sortie du film 50 Nuances de Grey

M. Dominique Strauss Kahn a fait face à la justice française pour des accusations de proxénétisme aggravé... La justice a rendu son verdict et le Carlton de Lille livré toutes ses entrailles. En fait, que reprochait-t-on à M. Strauss Kahn ? D'être un libertin adepte de parties fines ou encore d'exploiter les prostituées qui ont choisi ce métier puisqu'elles sont rémunérées pour leurs services...

Le procès a débuté avec la sortie de l'adaptation au cinéma du roman érotique de E. L. James 50 Nuances de Grey et le verdict est rendu après que le film soit passé aux oubliettes. Mais pouvons-nous nous refuser de faire un parallèle entre les choix de vie de M. Strauss Khan, ancien Ministre de l'Économie et ancien directeur général du FMI, un homme bien établi dans la société, mais dont la vie privée est plutôt sulfureuse, et celle de Christian Grey qui derrière la façade lustrée et bien rangée d'un homme d'affaires très avisé et très prospère est dans sa vie privée un homme attiré par les relations amoureuses SM, le dominateur et ses esclaves... consentantes, amoureuses, conquises...accro à souhait !

Deux hommes qui, dans la société d'aujourd'hui à la fois plus tolérante et compréhensive envers les choix des uns et des autres et très regardante, je dirai même puritaine lorsqu'il s'agit de personnalités publiques qui vivent leur sexualité débridée et peu conventionnelle, deux hommes sexuellement dépendants aux parties fines, des libertins qui s'assument quoi !

Une différence cependant, entre les deux : DSK sollicite les services d'un intermédiaire pour trouver des partenaires qui sont censées être discrètes et consentantes pour passer du bon temps, partenaires qui sont ensuite rémunérées pour leurs services. Christian Grey, quant à lui agit tel un chasseur qui repère ses futures proies esclaves , les étudie et les choisit selon des critères bien précis pour s'assurer de les amener au fil du temps à devenir tellement folles de lui qu'elles se soumettront volontiers à ses fantasmes à lui qui, au fil du temps deviendront les leurs et dont elles ne pourront plus se passer... il les couvre de cadeaux... Leur rémunération ? Pourrait-on l'accuser de proxénétisme aujourd'hui ?

Et DSK et Christian Grey sont des hommes aux goûts sexuels particuliers, qui vivent une sexualité sans complexes, sans tabous, qui aux yeux du monde peuvent paraître inadéquats, voire pervers... Alors, une question me vient à l’esprit : est-ce que les choix de vie privée d'hommes ou de femmes devraient faire partie de la grille d'évaluation pour déterminer que ce sont des personnes fréquentables ou non ? La vie privée ne devrait-elle pas demeurer comme son nom l'indique quelque chose de privé tant il est vrai que dans les faits, elle n'influence pas les compétences des uns et des autres ?

C’est à cette question à une seule de ces questions que les juges ont répondu et ont dit que DSK n’a rien fait d’inhumain, de répréhensible. Circulez, il n’y a rien à voir.

Le regard que la société pose sur ces deux hommes m’interpelle… DSK est jugé, condamné d’avance parce que selon beaucoup, il a déçu, il déçoit, il ne cadre pas avec l’image dont on a envie qu’elle soit la sienne, l’image d’un homme avec femme et enfants, une vie bien rangée, du sexe vanille…, une petite vie calme, lisse, conventionnelle, « normale », ordinaire, ennuyeuse ? Peut-être mais un père de famille et un époux attentionné. Le regard porté sur lui est désapprobateur à tel point que certains en font un homme pas recommandable, un homme dont on juge qu’il n’est pas à la hauteur des responsabilités qui pourraient lui être confiées… Il a dû démissionner de son poste de directeur général du FMI et a dû renoncer à ses ambitions politiques. On ne tolère pas ceux qui sortent des rangs et qui ne rentrent pas dans la boîte que les bien-pensants estiment devoir être celle dans laquelle doivent se fondre ceux qui sont en vue, les hommes et les femmes publics, ceux qui devraient servir d’exemple et de mentors… Il a également perdu sa conjointe au passage… trop de pression, la peur du regard ou le désir de se reconstruire une autre vie, plus convenue, plus ordinaire loin des caméras ?

Les lecteurs du roman de E.L James et les spectateurs de son adaptation au cinéma admirent, adulent Christian Grey, rêvent de lui ressembler peut-être, ou de rencontrer un homme comme lui… Lui, Christian Grey, un homme qui assume sa sexualité, la vit sans complexes, tout en menant une carrière prospère dans les affaires dont personne ne se demande s’il en a la capacité… J’en veux pour preuve l’engouement autour du film qui raconte ses histoires, son histoire d’amour peu commune, mais qui finit bien… « Le film “Cinquante nuances de Grey” nous excite déjà » titrait le Parisien version Web au moment de la sortie du dit film…, un sentiment partagé par tous ceux qui ont attendu avec impatience la sortie, qui se sont précités dans les salles de cinéma pour le regarder dans toute la France mais aussi ici aux USA pays des puritains par excellence et où le procès du Carlton de Lille a été suivi avec attention. Certes le film n’a pas remporté un oscar au dernier festival de Cannes mais il est entré dans nos salons par la porte et non par la fenêtre quand les parents dorment déjà.

Deux interprétations, deux regards, deux jugements, deux approches qui traduisent bien les contradictions de la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Une société qui veut que la vie privée demeure privée (un univers clos, loin du regard des autres), mais, qui dans le même temps scrute, analyse, fouille, a soif de savoir ce qui se passe dans la vie des autres, chez le voisin dans la vie des « vedettes » pour combler un quotidien parfois morose, pour y trouver du rêve, parfois de l’espoir aussi… pour pouvoir dire aussi : « Ils sont comme nous » ! Définitivement donc les lampions ce sont éteints, avant la fête de la musique en France, Jack Lang s’est exprimé et juge qu’il est temps que Dominique Strauss Kahn revienne au monde politique qu’il aime avec passion qui a été ingrat envers lui. La politique et l’ingratitude, n’est-ce pas là aussi ce que Dominique Strauss Kahn a finalement rencontré chez toutes ces femmes hier à ses pieds et aujourd’hui le vomissent ?

i Auteur de Ma bague de fiançailles est en poils d’éléphant aux éditions Fleurs de Lys – Québec Canada, 2009

© Correspondance : Vincent-Sosthène FOUDAi College of Liberal Arts and Social Sciences University of Houston – Texas

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