Dans sa communication lors de l´édition Camswisspro 2015 à Zürich, Jerôme Nana Monteu, Consultant chez SAP et Coordonnateur général du DAVOC (Draw a vision of Cameroun), un forum des compétences de la diaspora camerounaise, a entretenu l´audience sur la typologie de la diaspora camerounaise en se basant sur le modèle conceptuel fermé à plusieurs critères de William Safran.

Diaspora, terme sans unicité de définition

"En dehors de l’historien Américain Simon Dubnov qui, dans son ouvrage intitulé « Encyclopedia of the Social Sciences », utilise le terme "Diaspora", ce terme en tant que concept, est absent du lexique des sciences sociales avant les années 1960. Après les années 1960 le terme "Diaspora" apparaît progressivement dans les milieux intellectuels et devient une catégorie avec laquelle plusieurs chercheurs mèneront des études", indique Jerôme Nana Monteu, d´entrée de jeu.

Il va ensuite  relever qu´en tant que catégorie d’analyse, le terme "Diaspora" a laissé le champ libre à une multitude de définitions et de modèles conceptuels, parmi lesquelles celle de William Safran, car "elle convient le mieux pour caractériser les dispersés d'origine camerounaise" , selon lui.

La définition "safriène" propose de réserver le terme "Diaspora" aux communautés expatriées minoritaires dont les membres partagent plusieurs des six caractéristiques suivantes :
•    Leur dispersion, ou celle de leurs ancêtres, à partir d’un «centre», vers au moins deux régions périphériques étrangères ;
•    Le maintien d’une mémoire collective concernant le lieu d’origine – Homeland ;
•    La certitude de leur impossible acceptation par la société d’accueil ;
•    Le maintien du lieu d’origine, souvent idéalisé, comme objectif de retour ;
•    La croyance dans l’obligation collective de s’engager pour la perpétuation, la restauration ou La sécurité de leurs
•    pays d’origine ;
•    Le maintien des relations, à titre individuel ou collectif, avec le pays d'origine.

C´est partant donc de cette exigence que Jérôme Nana Monteu a pu concevoir une typologie de la diaspora camerounaise.

Il y a la diaspora scientifique et technique, faite  d´intellectuels ou d´universitaires que sont les chercheurs, médecins, ingénieurs, informaticiens, économistes et les autres ;
La diaspora sportive et culturelle – sportifs de haut niveau, artistes ;
La diaspora laborieuse – travailleurs,  marchands ;
La diaspora victime – réfugiés  politiques
La diaspora financière et économique – entrepreneurs, potentiels investisseurs
La diaspora douloureuse – celle issue du commerce transatlantique et de l’esclavage.

Le rôle de chacune dans le développement du Cameroun

Le rôle de la diaspora scientifique et technique au développement du Cameroun est difficilement palpable et ne sert ce pays qu´en terme d´image en ce sens qu´elle essaie d´établir un pont entre le Cameroun et les pays d´accueil; sauf qu´elle peut booster davantage le secteur touristique par exemple, par un effet d´entraînement. Cette diaspora a plutôt tendance á s´accaparer la place de la diaspora sportive et culturelle. Contrairement aux "intellos", la plus-value apportée par les sportifs de haut niveau et les artistes de renom dont regorge le Cameroun contribue au développement du Cameroun, soutient Nana Monteu.

Pour l´expert en SAP, le salut du Cameroun dans la diaspora passe par ses filles et fils qui constituent la diaspora laborieuse, celle-là qui est faite de travailleurs, marchands. Ce sont ceux-là qui "sont venus se chercher" qui contribuent beaucoup au développement du Cameroun à travers leurs investissements, les envois d´argent et autres modes d´intervention. Malheureusement, c´est cette diaspora là qui est laisser pour compter.

Quant à la diaspora victime, Jêrôme Nana Monteu indique sa difficulté á la cerner de nos jours, mais qu´elle a existé á l´époque des upécistes. Elle est constituée de ceux qui sont pourchassés pour leurs idées politiques, pour leurs opinions pas toujours en phase avec les différents régimes coloniaux et du Cameroun indépendant. C´est cette diaspora que le régime de Yaoundé qualifie à tort ou à raison, d´opposants pour peu qu´elle critique ou manifeste bruyamment ou pas  sur les places de Paris, Londres ou New-York.

Il y a aussi la diaspora douloureuse, issue du commerce transatlantique et de l´esclavage.

Enfin, le coordonnateur général du DAVOC a parlé de la diaspora financière et économique  constituée d´entrepreneurs et de potentiels investisseurs au Cameroun

Par ailleurs, les autorités en place à Yaoundé devraient encourager sa diaspora, par exemple en émettant des bons pour la diaspora suivant les exemples bien réussis en Isarael, Inde, Kenya. Certes, l´actuel ministre des finances essaie de s´y arrimer, mais sans pouvoir cibler la diaspora au regard de sa typologie confuse. Elles devraient aussi vite se pencher sur le problème de la double nationalité, qui mettra fin á l´exclusion dont sont victimes de nombreux camerounais susceptibles d´apporter encore plus à leur pays d´origine, le berceau de leurs ancêtres.

Au total, « la diaspora camerounaise représente un potentiel réel », selon André Fotso, président du Gicam et dans son ensemble, elle a l´obligation morale de contribuer au développement du Cameroun, un pays qui nous a permis non seulement d´y naître, mais d´y étudier, d´y vivre.