Urbain Olanguena Awono : « Le mensonge ne peut fonder la justice »
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Hier, l’ancien ministre de la Santé était face aux juges de la Cour suprême qui doivent rendre leur verdict le 5 août prochain.

Le magistrat Théodore Mbenoun, nouvellement désigné (après l’éviction de Jean- Jacques Bikoué de la Cour suprême) pour étudier le dossier Olanguena Awono au sein de la haute juridiction avait proposé que l’ancien ministre de la Santé soit maintenu dans les liens de la condamnation infligée par le Tribunal criminel spécial. Hier, il fallait alors prouver le contraire aux juges de la section spécialisée de la Cour suprême avant qu’ils n’aillent statuer en dernier ressort et rendre leur verdict le 5 août prochain. Telle une dernière bataille pour Olanguena Awono et ses avocats.

C’est que, « le cauchemar » dure depuis sept ans. Le 31 mars 2008 au petit matin, la vie d’Olanguena Awono bascule. Il est interpellé à son domicile par le groupement spécial d’opération (Gso), une unité spéciale de la police chargée de lutter contre le banditisme. Il est conduit à la Police judiciaire et placé en garde à vue. Les enquêteurs s’appuient sur un rapport du contrôle supérieur de l’Etat qui quelques semaines plus tôt, l’a épinglé pour le détournement de 14 milliards FCfa mis à la disposition du Cameroun par le Fonds mondial de lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose. Une semaine plus tard, Olanguena Awono est mis sous mandat de détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé.

Alors que l’information judiciaire se poursuit devant le juge d’instruction, en avril 2009, le directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose réagit aux accusations contre l’ex- Minsanté : « l’axe des enquêtes menées par les autorités camerounaises n’engage pas le Fonds mondial. En tout point de vue, tous les rapports financiers et la revue des programmes financés par notre institution montrent à suffisance qu’ils ont été gérés de façon satisfaisante à cette date », souligne le Pr Michel Kazatchkine qui conclut que le « Fond mondial n’a aucune preuve montrant une mauvaise utilisation des crédits alloués au Cameroun ». En juin 2009, un collège d’experts judicaires commis par le juge d’instruction conclut à une absence de malversations financières. Olanguena est renvoyé en jugement.

Annulation des charges

En octobre 2010, son procès s’ouvre devant le Tribunal de grande instance (Tgi) du Mfoundi. Cinq chefs d’accusation lui sont imputés : le financement à hauteur de 11 millions FCfa d’un livre sur le Sida, le paiement d’un marché fictif de livraison de moustiquaires de 80 millions FCfa, le détournement de 200 millions FCfa et la tentative de détournement de 60 millions FCfa dans le cadre d’une subvention accordée à l’association camerounaise de marketing social (Acms) ainsi que le détournement de 122 millions FCfa pour la livraison de dépliants et autres gadgets par des Ong de lutte contre cette pandémie. Ces trois dernières accusations qui étaient au départ qualifiées comme étant des « dépenses fictives » vont se transformer en « violation des règles de passation des marchés ». Sans que l’accusé ne soit notifié de cette requalification des faits tels que l’exige la loi. Les avocats d’Olanguena demandent que ces trois chefs d’accusation soient annulées.

Le Tgi rejette leur demande. Devant la Cour d’appel du Centre, ils ont gain de cause. Cette juridiction décide de l’annulation de ces trois chefs d’accusation. Le parquet se pourvoit en cassation devant la Cour suprême. Celle-ci confirme la décision d’annulation de la Cour d’appel et Olanguena Awono n’est renvoyé en jugement que pour les deux autres chefs d’accusations de départ notamment : le financement à hauteur de 11 millions FCfa d’un livre sur le Sida et le paiement d’un marché fictif de livraison de moustiquaires de 80 millions FCfa. La Cour suprême décide que ces deux accusations soient jugées devant des juges autres que ceux qui ont préalablement connu du dossier. Après les débats, les nouveaux juges mettent l’affaire en délibéré. Le verdict est annoncé pour le 7 octobre 2012. Ce jour-là, la collégialité se présente à l’audience pour rendre sa décision. Mais le parquet est absent.

Et la loi interdit de rendre une décision de justice en matière pénale en l’absence d’une des parties au procès. Le verdict est renvoyé au 16 octobre 2012. Une fois encore le représentant du parquet que dirigeait à l’époque le procureur de la République Fils Ntamack (il a été promu procureur général de la Cour d’appel du Centre, Ndlr) est absent. L’affaire est transférée au Tribunal criminel spécial dont la mise en place était prévue le lendemain. Mais avant de connaitre de ce dernier dossier, le Tcs choisit de réactiver les trois premières inculpations qui avaient pourtant été annulées par la Cour suprême. Au terme de ce premier procès, Olanguena Awono est condamné à 15 ans de prison pour « détournement par assimilation » pour avoir violé les règles de passation des marchés publics.

Dieu

Tout ce scénario a amené l’avocat français d’Olanguena Awono, Me Richard Sédillot, à s’interroger hier devant la haute juridiction : « Si réellement M. Olanguena est coupable, devraiton inventer des infractions qui n’existent plus, devrait-on trafiquer la loi, s’il était coupable n’était-il pas besoin de laisser la justice suivre son cours normal ? Pourquoi a-t-on aussi eu besoin de faire obstacle à la justice ». Et de conclure : « si on a mis en oeuvre tous ces artifices ne seraitce pas finalement parce que Olanguena Awono est innocent ? ».

Le crime d’Olanguena Awono est d’avoir transféré des fonds au profit des Ong et associations sans passer par la procédure d’appel d’offre. Me Mong et Me Assamba ont tenté de démontrer que les Ong et associations ne sont pas éligibles aux marchés publics car ces organismes ne font pas le commerce. Et Olanguena d’affirmer : « Je demande, en toute humilité, qu’il me soit fait justice selon la vérité, rien que la vérité. Le mensonge est le ferment de l’injustice, il ne peut pas fonder la justice. En l’occurrence, la vérité est simple à constater : Je n’ai rien détourné, je n’ai rien pris au Cameroun que j’ai servi dans l’honnêteté, le respect de la loi et de la morale. Je n’ai commis aucun crime contre la  fortune publique…

Demain, chacun, devant l’Histoire et assurément devant Dieu, devra rendre des comptes. Mais demain qui appartient à Dieu, le seul Maître du temps, n’est pas encore écrit, il procédera de ce que nous faisons maintenant. Agissons donc dans la vérité, car la vérité triomphe toujours ».

© Le Jour : Eitel Elessa Mbassi

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