Europe-Afrique: 10000 minutes de silence et 10000 morts plus tard !
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Non, ce n’est pas vrai ! Les Européens ne peuvent pas devenir lunatiques du jour au lendemain. Ils ont toujours été éclairés par de grandes idées. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi ils programment ajouter des frégates de guerre en Méditerranée. Je ne comprends pas pourquoi ils veulent encore renforcer leurs frontières et faire plus de contrôles. Il me semble que c’est déjà le cas ; depuis plus de 25 ans au moins les tourniquets de leurs frontières sont coincés. Ils ne laissent plus passer n’importe qui et surtout pas des noirs et des arabes venus d’Afrique. En Europe, il n’y a plus de travail et les autochtones se sont même mis à balayer les rues. En France, nous pouvons le constater : les Sarakoulés maliens qui avaient le monopole du nettoyage des rues françaises prennent leur retraite et sont remplacés par les hommes blancs, cela est non seulement nouveau, mais aussi un peu étrange dans ce paysage de la vie quotidienne française. La concurrence est rude aujourd’hui, même pour nettoyer les rues en Europe, il vous faut une formation et passer le stage.

Honorables Mesdames et Messieurs les politiciens de la grande Europe d’où sortent les grandes idées, tout d’abord, excusez-moi de vous déranger avec ces quelques phrases et permettez-moi de m’adresser humblement à vous. Vous savez, depuis au moins les 40 dernières années, vous construisez un « apartheid transnational » entre votre continent et l’Afrique. Ne me dites pas que j’exagère, c’est vrai et nous le savons tous. Pour un petit rappel, l’apartheid est une forme d’idéologie basée sur la ségrégation systémique des Hommes en groupes opposés : ceux qui sont riches et ceux qui sont pauvres, ceux qui sont Blancs et ceux qui sont Noirs... D’autre part, le transnationalisme est une de vos dernières inventions conceptuelles qui veut exactement dire l’extension de la globalisation. D’une part, vous nous dites que le monde du 21è siècle est un espace de globalisation, les nations sont libres de compétitionner dans des marchés d’autres nations ; les nations sont mêmes devenues, jusqu’à un certain point, interdépendantes les unes des autres, car elles se complémentent. C’est cela le transnationalisme.

Mais la pauvreté ne semble pas faire partie de ce marché transnational et global. Vous ne voulez pas partager la pauvreté et surtout vous fermez vos portes, vous les verrouillez à triple tour. En vérité, vous ne voulez rien savoir des pauvres noirs et arabes qui meurent devant vos portes. Néanmoins, laissez-moi vous rappeler qui sont-ils et vous expliquer comment sont-ils devenus si désespérés et suicidaires au point où certains finissent par vous rattraper, justement en se jouant d’une autre forme de globalisation, le terrorisme, que vous n’avez surement pas vu venir. À la fin je vous demanderai, humblement, d’y voir un peu de votre responsabilité dans ce drame humain lequel, je l’espère, requiert plus que quelques minutes de silence dans votre tour vitrée. Je ne ferai pas que vous critiquer, négativement, Honorables Mesdames et Messieurs les eurodéputés. Dans la seconde partie de mon message, je vous proposerai aussi, quelques solutions. Soyez donc patients et lisez jusqu’au bout.

Apartheid transnational

Tout Africain, comme moi né autour des indépendances et plus tard après vous dira ce qui suit : il fallait « à tout prix » (à tout prix : ce groupe de mots n’est pas assez fort pour exprimer la profondeur de ce sentiment) rejoindre l’Occident pour s’instruire, pour réussir sa vie et pour devenir riche. Nous pouvions tout tenter, aux « ports marchandises », dans les aéroports, etc. Le but était de se trouver une cachette, n’importe laquelle, même dans les cales et les soutes froides à moins 15 degrés, entre les cartons d’ananas et de bananes, des sacs de cacao et de café… ces richesses de nos pays qui pouvaient voyager sans visa d’entrée, mais pas nous. On pouvait se cacher entre les billes de bois d’ébène, de niové, de bubinga ou encore d’afromosia. Il fallait surtout que les dockers serrent bien les chaînes entre ces billes, afin qu’aucune vague des mers mouvementées de l'atlantique ne les fasse basculer pour nous écraser. Je ne pourrais vous dire, aujourd’hui, combien de corps écrasés on finit leur voyage dans les fonds marins, balancés ni vus ni connus à bâbord par des équipages qui ne voulaient pas d’explications à donner ni de responsabilités à prendre. Mais rassurez-vous, l’absence d’un nombre ne veut surtout pas dire zéro.

On pouvait aussi envisager les trains d’atterrissage de vos Airbus A330, ce denier venu de vos inventions qui s’ajoutait à notre éblouissement et notre fascination de l’Europe. À TOUT PRIX

- je vous le dis. Comprenez-moi bien, il fallait à tout prix quitter notre terre que vous nous représentez, encore aujourd’hui, comme maudite : « Le continent noir » n'est-ce pas? Il fallait partir de chez nous, partir chez vous, chez le Blanc, car chez lui c’est « Le continent des Lumières », chez lui la richesse coule comme le miel et le savoir; le droit et la justice, aussi, veillent aux coins de chaque rue. C’était notre idéal, c’est l’idéal de l’Homme noir encore aujourd’hui. C’est cet idéal que vos sbires et envoyés de tout sorte (enseignants, missionnaires, coopérants), nous ont inculqué.

Excusez-moi de vous déranger, Honorables Mesdames et Messieurs les députés de la grande Europe, terre de toutes les civilisations civilisées, voici un rappel de notre récente petite histoire dramatique commune. Le 29 juillet 1999, deux jeunes africains, Koita Yanguiné 14 ans et Tounkara Fodé 15 ans, avant de se cacher dans les trains d’atterrissage de vos Airbus 330-300 en direction de Bruxelles, la capitale de l’Europe

« Excellences, Messieurs les membres et responsables d’Europe, nous avons l’honorable plaisir et la grande confiance de vous écrire cette lettre pour vous parler de l’objectif de notre voyage et de la souffrance de nous, les enfants et jeunes d’Afrique.

Mais tout d’abord, nous vous présentons les salutations les plus délicieuses, adorables et respectées dans la vie. A cet effet, soyez notre appui et notre aide, soyez envers nous, en Afrique, vous à qui faut-il demander au secours ? Nous vous en supplions, pour l’amour de votre continent, pour le sentiment de vous envers votre peuple, votre famille et surtout l’affinité et l’amour de vos enfants que vous aimez comme la vie. En plus, pour l’amour et l’amitié de notre créateur Dieu le Tout-Puissant qui vous a donné toutes les bonnes expériences, richesses et pouvoirs de bien construire et bien organiser votre continent à devenir le plus beau et admirable ami des autres.

Messieurs les membres et responsables d’Europe, c’est à votre solidarité et votre gentillesse que nous vous appelons au secours en Afrique. Aidez-nous, nous souffrons énormément en Afrique, nous avons des problèmes et quelques manques de droits de l’enfant.

Au niveau des problèmes, nous avons la guerre, la maladie, la nourriture, etc. Quant aux droits de l’enfant, c’est en Afrique, et surtout en Guinée nous avons des écoles mais un grand manque d’éducation et d’enseignement. Sauf dans les écoles privées qu’on peut avoir une bonne éducation et un bon enseignement, mais il faut une forte somme d’argent et nous, nos parents sont pauvres. La [illisible ?] c’est de nous nourrir, ensuite nous avons des écoles de sport telles que football, basket, [illisible ?] etc.

Donc dans ce cas, nous les Africains, et surtout les enfants et jeunes Africains, nous vous demandons de faire une grande organisation efficace pour l’Afrique pour qu’il soit progressé.

Donc, si vous voyez que nous nous sacrifions et exposons notre vie, c’est parce qu’on souffrent trop en Afrique et qu’on a besoin de vous pour lutter contre la pauvreté et mettre fin à la guerre en Afrique. Néanmoins, nous voulons étudier, et nous vous demandons de nous aider à étudier pour être comme vous en Afrique.

Enfin, nous vous supplions de nous excuser très très fort d’oser vous écrire cette lettre en tant que vous, les grandes personnages que nous devons beaucoup du respect. Et n’oubliez pas que c’est à vous que nous devons plainer (sic) la faiblesse de notre force en Afrique. » (Voir une version complète de cette lettre sur http://www.rougemidi.org/spip.php?article4747)

Écoutez bien ce qu’ils vous disent : Pour l’amour de votre continent, de votre famille et de vos enfants que vous aimez comme la vie, nous vous demandons d’aider les enfants d’Afrique, car ils souffrent trop !

Honorables Mesdames et Messieurs les députés de la grande Europe, nous sommes non seulement restés des dépendants éternels, mais nos richesses sont transformées chez vous, rien chez nous. D’ailleurs, vous n’avez jamais voulu cela puisque vous aviez déjà toutes les industries nécessaires et n’aviez besoin, jusqu’autour début des années 1980, que d’une main-d’œuvre bon marché (maçons, balayeurs de rues, peintres, manœuvres...) C’était bien avant que les Asiatiques débarquent véritablement dans votre globalisation et qu’ils commencent à vous inonder de leurs productions bon marché.

La mondialisation que vous avez réglementée unilatéralement c’est la liberté de compétition, pas la concurrence déloyale. Toutefois, vous déteniez toutes les patentes industrielles et en créant ces mêmes industries chez nous, cela aurait fait une concurrence déloyale et nous aurait exposé à des sanctions internationales. D’ailleurs vous n’hésitiez pas à punir ex nihilo les états « récalcitrants » n’est-ce pas ? Hier encore, vous interveniez en Afrique pour régler le compte à Kadhafi, ce récalcitrant dictateur qui a osé défier les principes de la globalisation et dont le pays est aujourd’hui un no man’s land d’où, justement, traversent 9 migrants sur 10 pour se rendre chez vous. Vous n’avez absolument pas besoin de jouer aux disciples philosophiques de type Bernard Henri Lévy. Vous savez, même dans le temps, certains philosophes étaient à la fois brillants et fous, certains supposément très brillant, ont même légitimé l’horreur de la Shoa ; certains ont déclarer même que l’Homme noir était voué à servir l’Homme blanc son « Maître » ; l’esclavage vous vous en souvenez ? Non, ce n’est ni éthique moral de faire attention, en 21ème siècle, de philosophes illuminés médiatisant du genre Bernard Henry Lévy. La preuve, plus d’Africains morts sont devant vos portes et ce, plus que jamais aujourd’hui comparé à ce qu’il y en a eu sous tout le règne de Kadhafi. Les cadavres de ces Africains viennent vous juger ; vous n’y pouvez plus rien, ni vos minutes de silence non plus. C’est cela, aussi le transnationalisme, l’interdépendance des nations. La porosité des frontières physiques. L’éthique, la morale, une conscience universelle, vous ne pouvez plus fermer vos yeux et faire semblant. Nous sommes tous des humains.

Dans la seconde partie de mon texte, je vous parlerai du transtionalisme de la pauvreté et de quelques moyens simples pour y remédier. Mais s’il vous plaît, si vous ne me lisez plus, je vous demande de ne jamais oublier l’histoire de Koita-Toukanra et du Airbus 330-300 de la Sabena.

© Correspondance : Boulou Ebanda de B'béri, Ph.D,Professeur des universités et Directeur de recherche,Université d’Ottawa (Canada)

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