Mirette Madage : L’amputation, mon malheur, mon travail, ma joie…
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Son nom ne dit peut-être pas grand-chose. Elle est la fille de la célèbre comédienne «Mamy Ton». Victime d’un accident de la route il y a quelques années, Mirette s’en est tirée avec une amputation. A travers son association, elle mène aujourd’hui une lutte implacable contre les préjugés dont sont sujet les personnes handicapées.

Mini-cheveux, teint clair. Sur son visage dénoué d’artifices de maquillage, Mirette Madage arbore un large sourire. Quand elle déborde de joie, ce sont les éclats de rire. On croirait presqu’elle a une vie parfaite. Que non. Celle que Le Messager reçoit ce jeudi 25 juin 2015 ne jouit plus de sa jambe gauche. Elle lui a été amputée en 2012. Pour se déplacer, il lui faut des béquilles. Sa simplicité vestimentaire donne des indices sur sa personne. Sous la pluie battante de ce 25 juin courant, elle a quitté son domicile à Bonabéri à Douala pour Le Messager à Akwa. Dans ses bras, cette mère de 25 ans tient sa petite fille de quelques mois. Elles ne se séparent presque jamais. Pareil avec son frère, qui l’accompagne dans ses déplacements. Ne pouvant grimper la soixantaine de marches qui conduisent à la rédaction, nous la recevons au rez-de-chaussée.

Dimanche 11 mars 2012. Ce jour marque un tournant dans la vie de Mirette Madage. La fille de la célèbre actrice camerounaise «Mamy Ton» est victime d’un accident. «Je revenais de Ndokoti à bord d’une mototaxi. Un taxi ayant perdu les freins a foncé tout droit sur nous et m’a projetée. J’ai atterri sur un poteau en bêton. J’ai eu une fracture du fémur, une fracture au genou, au tibia et à la cheville. J’étais étalée au sol. Inconsciente, j’écoutais des voix. Les gens disaient que je suis morte. C’est ainsi qu’ils m’ont laissée sur place. Ayant repris un peu de force, j’ai appelé un ami qui passait par là», se souvient-elle.

A l’hôpital, Elle recevra dix poches de sang avant d’entendre du docteur «votre jambe doit être amputée, sinon la gangrène va monter jusqu’à la tête». L’amputation a lieu. A sa sortie de l’hôpital après six mois, le regard inquisiteur de la société l’accueille. «Les gens me regardaient différemment, comme si j’étais un être entièrement à part. Je me suis rendue compte des difficultés que connaissent les personnes handicapées pour trouver un emploi, bien qu’elles aient déjà accepté leur handicap. Prendre le taxi est un chemin de croix, parce que le chauffeur se dit qu’avec mes béquilles, il lui sera difficile de ‘‘ bâcher’’. Je me suis posée beaucoup de questions sur nos conditions.»

Le membre fantôme

Mirette a pu surmonter son handicap. «Je n’ai pas eu besoin de thérapeute. Dieu m’a donné un moral très solide. Mais tout le monde n’est pas comme moi.» Ses réflexions ont conduit à la création, le 20 octobre 2012, de l’Association des personnes préférées, Adpp. «J’ai choisi ce nom car je me dis que ce n’est pas tout le monde qui accepte son handicap. Quand quelqu’un arrive à le faire, il est comme une personne préférée de Dieu, il est unique», explique la présidente de l’Adpp. Les réticences de ses proches étaient plutôt pour elle un défi de plus à relever. Comme le dit le slogan de l’association, «l’amputation n’est pas la fin d’une vie». Pour le faire savoir aux victimes, l’Adpp a lancé depuis 2013 des campagnes d’identification des personnes amputées. Entre fin 2013 et début 2014, «nous avons enregistré 52 personnes. La campagne 2015 est encore en cours.»

L’objectif principal de l’Adpp est d’identifier toute personne ayant été amputée. Afin de la sensibiliser sur tout ce qui concerne son handicap, notamment, «le syndrome du membre fantôme. La personne ayant subi une amputation ressent souvent sur la jambe qu’elle n’a -pourtant- plus des picotements, des sensations de brûlures, et surtout des crampes. Des fois elle a l’impression que le membre amputé est bel et bien en place. On croit alors que c’est la sorcellerie, pourtant c’est un phénomène que la science explique, et qu’il faille savoir. L’identification va, à court terme permettre aux handicapées de se réunir pour créer la psychothérapie de groupe. On pourra ainsi se consoler, s’assister mutuellement. Il n’y a pas mieux qu’une personne ayant subi  une amputation pour réconforter l’autre.» Sensibiliser ces infirmes sur leurs droits est tout aussi dans le canevas.
 
50.000 Fcfa pour le transport

A long terme, l’association prévoit de donner des formations gratuites en informatique aux victimes ; offrir des béquilles et des chaises roulantes ; offrir des prothèses de qualité et à moindre coût ; favoriser le droit de citoyenneté et d’intégration sociale… Le gros du boulot est d’attirer les âmes bienfaitrices annonceurs. «Ils sont réticents, peut-être parce qu’ils ne voient pas ce qu’ils peuvent gagner en aidant les nécessiteux. Je profite de cette tribune pour remercier l’Amical Haut Nkam diaspora en Belgique, le directeur de Seme Beach… qui ont accepté de cheminer avec nous». Mirette pense d’ailleurs que l’Etat devrait subventionner l’association. «Elle est légale et nous aidons l’Etat à travers nos actions.» Nonobstant son infirmité, Mirette a choisi de se concentrer à 100% à son association. A peine notre entretien achevé qu’elle pense déjà à sa prochaine destination, la Garnison, à Bonanjo.

Dame pluie ne la dissuade pas de retourner chez elle. «J’ai rendez-vous avec un nouveau handicapé que je dois identifier. C’est très coûteux de sortir tous les jours. Prendre le taxi n’est pas facile quand on est handicapé. Nous sommes en train d’aller à Bonanjo. Au lieu de 500 Fcfa, on paie 1000 Fcfa.  Par semaine je dépense 50.000 Fcfa pour le transport. Mais c’est pour une cause noble. Je suis contente parce que les choses avancent. Nous offrons déjà des béquilles aux nécessiteux.» Elle donne ainsi raison à Sénèque qui affirme : «Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles.»

© Camer.be : Valgadine TONGA

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