DEMISSION DU 2e VICE-PRESIDENT BURUNDAIS : La pression commence à payer
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BURUNDI :: DEMISSION DU 2e VICE-PRESIDENT BURUNDAIS : La pression commence à payer

Le vide continue de se creuser lentement mais sûrement autour du président burundais. Cette fois-ci, c’est le 2e vice-président du pays qui rejoint le camp des frondeurs. En effet, depuis la Belgique où il se trouve, prétextant vouloir suivre des soins, Gervais Rufyikiri a indiqué avoir été victime de menaces de mort, du fait de son refus de soutenir le projet de Pierre Nkurunziza de briguer un 3e mandat. Il appelle également le président à revenir à la raison. Cette défection, qui fait suite à celles du vice-président du Conseil constitutionnel, de deux membres de la Commission électorale nationale indépendante, des porte-parole de la présidence burundaise et du parti au pouvoir au Burundi, achève de convaincre même les plus sceptiques, que Nkurunziza et ses milices obligent les uns et les autres à marcher au pas. Tous ceux qui ne soutiennent pas son projet « démocraticide » de 3e mandat, sont menacés de mort, s’ils ne sont pas  tués tout simplement.

Le toit du palais coule en cette saison des orages politiques

En effet, faut-il le rappeler, le pays pleure environ 70 morts et de nombreux blessés, du fait de la répression que le chef de l’Etat, ses forces armées et ses milices, exercent sur les manifestants et autres opposants à son 3e mandat présidentiel. Cette énième défection fissure davantage le « bunker » de Nkurunziza. Le toit du palais coule en cette saison des orages politiques. Certes, comme dans toute entreprise dictatoriale du genre, le président burundais a des soutiens aveugles et aveuglants, des zélateurs qui, bien que conscients de l’ampleur de la forfaiture qu’il veut commettre, lui diront à quel point il est bien inspiré. Ils le conforteront dans sa position, lui diront rien que ce qu’il veut entendre. Tout cela, au nom de leurs intérêts égoïstes qu’ils veulent préserver, des avantages qu’ils entendent engranger à ses côtés, peu importe le coût de leur entreprise en termes d’exactions, de violation des droits élémentaires de leurs concitoyens.

Mais, il y a aussi au Burundi, et les défections annoncées depuis l’extérieur du pays le prouvent à souhait, des gens qui soutiennent Nkurunziza malgré eux. Ces gens-là craignent pour leur vie et la sécurité de leurs proches. Ce qui est fort compréhensible, tant les milices et les forces armées pro-gouvernementales sont des vecteurs de la mort. Elles qui n’hésitent pas à envoyer six pieds sous terre ceux qui osent se dresser contre la volonté du maître de Bujumbura de trahir l’esprit et la lettre de la Constitution du pays et des Accords d’Arusha. Comme tout dictateur, l’actuel président burundais a pris le soin de se doter d’une garde prétorienne lourdement armée et bien entraînée, ainsi que de milices dont la barbarie est sans commune mesure. Avec une telle armada, il a réussi à semer la terreur partout dans le pays. C’est aussi pour cette raison que le courage de ceux qui osent s’insurger contre son projet, mérite d’être salué à sa juste valeur. Ils doivent être placés sous haute sécurité. Les pays d’accueil de ces réfugiés politiques et la communauté internationale seraient bien inspirés de prendre des mesures pour les protéger, car les hommes de main du chef de l’Etat burundais ne se feraient pas prier pour les tuer si l’occasion leur en était donnée.

Nkurunziza s’est donc entouré de griots et exige obéissance servile. Mais, les défections sont le signe que même le règne de la terreur a des limites. Et l’évolution des choses prouve que le président burundais a du souci à se faire. Car, de défection en défection, la situation pourrait se dégrader davantage pour lui. Les défections de ce genre ont, du reste, le propre de créer une ambiance délétère dans les cercles du pouvoir burundais, et un climat de suspicion généralisée. Il est certain que la présidence burundaise vit dans la hantise d’une future défection de taille. Le président se demande si un voyage de tel ou tel cadre de son camp à l’extérieur, ne va pas encore déboucher sur l’annonce de son départ du camp présidentiel. Il pourrait voir en chacun de ses soutiens, un frondeur potentiel qui n’attend que   l’occasion de prendre la clé des champs, de rejoindre avec armes et bagages le camp des opposants à son 3e mandat. Dans un tel contexte de paranoïa, le chef de l’Etat burundais pourrait être tenté de donner un tour de vis supplémentaire à la liberté de ceux qui l’entourent.

Si la pression extérieure se poursuit, la machine présidentielle va bientôt manquer de carburant

Pourtant, il n’est pas évident que cela suffise à le tirer d’affaire. Dans sa paranoïa, il peut prendre des mesures suicidaires pour lui-même. La terreur qui est son alliée finira par retourner ses soutiens contre lui, quand ceux-ci verront qu’ils ont beaucoup à perdre dans cette compromission. Surtout que de son côté, la résistance a certes plié, mais n’a pas rompu. Même de l’extérieur, les opposants à la violation de la loi fondamentale au bénéfice du président burundais, à qui cette défection du 2e vice-président du pays redonne de l’allant, ne baissent pas les bras. Au Rwanda voisin, par exemple, des journalistes qui ont fui le Burundi, organisent des émissions à Kigali pour donner aux Rwandais, mais aussi aux Burundais des localités frontalières, privés de radios indépendantes, des informations sur la situation du pays. Cette sorte de résistance qui s’organise depuis Kigali, n’est pas à négliger, quand on connaît la capacité du président Paul Kagamé à créer des soucis à son voisin, lui qui ne fait pas mystère de son opposition à la volonté de Pierre Nkurunziza de prolonger son bail à la tête de l’Etat, même si lui-même n’est pas exempt de critiques.

Du côté des partenaires du Burundi, il y a de quoi se réjouir un tant soit peu. La pression commence à payer. Les prises de positions de certains pays dont la Belgique, contre l’idée de 3e mandat et les menaces de sanctions ciblées de l’Union européenne (UE), sont de nature à susciter des questionnements au sein du camp Nkurunziza. Des ténors vont de plus en plus se poser des questions sur l’opportunité de ce 3e mandat constesté. Ils vont faire, de plus en plus, attention à leurs faits, paroles et gestes pour ne pas être dans le collimateur de la communauté internationale. Autant dire que chacun va, d’une manière ou d’une autre, faire profil bas, se chercher.

Quant aux griots, milices et autres bras armés de Nkurunziza, ils finiront également par ressentir les durs effets de la raréfaction des ressources. En effet, si les sanctions se poursuivent et s’intensifient, le satrape de Bujumbura pourrait se retrouver incapable de continuer à assurer le gîte et le couvert à ses sbires. Et comme ces soutiens ne sont mus que par leurs intérêts personnels, ils finiront par se désolidariser du président qui se retrouvera seul face à son destin. C’est dire que si la pression extérieure se poursuit, la machine présidentielle va bientôt manquer de carburant pour faire tourner son moteur.   A Nkurunziza de prendre les devants en sauvant ce qui peut encore l’être, s’il y en a vraiment.

© Source : « Le Pays »

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