EXPULSION D’UNE DIPLOMATE DE L’UNION EUROPEENNE DE LA GAMBIE : Qui mettra fin aux lubies de Yaya Jammeh ?
GAMBIE :: POLITIQUE

Expulsion D’une Diplomate De L’union Europeenne De La Gambie : Qui Mettra Fin Aux Lubies De Yaya Jammeh ? :: Gambia

Dans l’histoire récente des relations diplomatiques, le fait est inédit : l’expulsion sans motivation officielle ou officieuse d’un diplomate, rarissime quand on observe le sens de cette expulsion, d’un pays du Sud vers un pays du Nord ! Expulsée de Banjul, la chargée d’affaires de l’Union européenne en Gambie, Agnès Guillaud, n’a eu que 72 heures, à son corps défendant, pour quitter l’enclave gambienne et rejoindre les rives du fleuve Sénégal. Selon une source diplomatique européenne, « à ce stade, cette expulsion n’est pas justifiée ». Ce modus operandi à la Yaya Jammeh faisant fi de tous les usages en la matière, suscite des interrogations. Pourquoi le polisson de la rivière Gambie a-t-il décidé du renvoi  de la diplomate européenne ? Et pourquoi se refuse-t-il à motiver cette décision qui brûle la politesse au b.a.-ba du code diplomatique ?
Cette affaire est à inscrire dans le climat délétère des relations entre l’Union européenne et la Gambie

En  l’absence de toute explication, à la première interrogation, on ne peut émettre que des hypothèses :

La diplomate européenne est certainement allée dans le sens contraire des lubies du roi ubuesque. Yaya Jammeh  est un caractériel allergique à toute critique. Or les casus belli avec lui ne manquent pas : violations massives et continues des droits de l’Homme, apologie de la peine de mort, prédation de la liberté de presse et haine viscérale de l’homosexualité. Depuis 2010, les désaccords avec l’UE sur ces questions se sont multipliés avec, pour effet, l’annulation de l'octroi d'une aide budgétaire en faveur de la Gambie de 22 millions d'euros, provoquant la colère du président. Cet antagonisme « confligène »  des principes  s’alimente aux sources d’un conflit de cultures entre l’Occident prompt à la critique et à la réplique et l’Afrique des Palais, hostile à toute critique et avec une forte propension aux éloges.

L’autre hypothèse serait que l’expulsion de la diplomate soit un des épisodes du feuilleton de la  tentative de coup d’Etat manqué de décembre 2014 et qui d’ailleurs s’est soldée par de véritables purges. Les chancelleries européennes ont-elles eu vent de quelque chose et se seraient-elles rendues coupables aux yeux du régime de Banjul d’une rétention d’information assimilée à une complicité ? Quand on connaît la frilosité des locataires des palais africains parvenus au pouvoir par les armes, la question n’est pas saugrenue! On peut vite s’en rendre compte en établissant le parallèle avec le cas du général Kwamé Lougué qui, au Burkina Faso, sous l’ère Compaoré, avait été débarqué du fauteuil ministériel pour n’avoir pas rendu compte après avoir eu vent du fameux coup d’Etat du capitaine Ouali. Yaya Jammeh a d’ailleurs été on ne peut plus clair sur la question, en s’adressant aux Européens qu’il accuse de complicité : « ils pensaient que j’allais m’adoucir et me ramollir après avoir renvoyé leurs collaborateurs morts comme des chiens le 30 décembre. Je ne changerai pas. »

L’un dans l’autre, cette affaire est à inscrire dans le climat délétère des relations entre l’Union européenne et la Gambie et marque une nouvelle étape dans l’escalade de la surenchère politique entre les deux partenaires. Depuis  quelques semaines,  Yaya Jammeh a multiplié les sorties au vitriol contre les positions européennes, se parant même du manteau de la lutte anti-impérialiste : fustigeant la couardise de ses pairs africains, il a accusé l’UA de vouloir vendre l’Afrique aux Occidentaux pour revenir à l’ère coloniale et à l’esclavage, avant de se lancer dans une longue diatribe contre les Européens qu’il menace en ces termes : « nous allons riposter contre le massacre annoncé de Gambiens en Méditerranée » ou encore « si vous bombardez la cote gambienne, c’est une déclaration de guerre. Si vous coulez des bateaux africains, c’est une déclaration de guerre. Essayez et vous verrez. A partir de maintenant, ce sera du tac au tac entre mon gouvernement et les Européens. »

Mais au-delà de ces raisons, le schéma mental du garnement des rives de la rivière Gambie n’est pas exempt de bourdes diplomatiques.

Yaya Jammeh est sans doute aussi victime de la psychose de l’enfermement

L’expulsion de la chargée d’affaires de l’Union européenne dénote de la paranoïa du roitelet gambien très en évidence dans ces propos et comportements insolites qui auraient pu prêter à amusement si le peuple gambien n’en faisait pas les frais. Se hissant au rang des dieux avec le mythe de son invulnérabilité, l’homme s’est forgé une stature de héros dans la lutte contre la déchéance morale occidentale sur l’autel de laquelle il a sacrifié tous les droits de son peuple. Le peuple gambien, par dépit ou par peur face à la terreur d’Etat qu’il a instaurée, semble s’être résigné et le traitement infligé à la diplomate occidentale est symptomatique du traitement fait à ce peuple car, paraphrasant la parole de l’Evangile, on peut bien se poser cette question : «si on traite ainsi le bois vert, qu’en sera-t-il du bois mort ? ». S’il traite ainsi les Occidentaux, que réserve-t-il à ses propres concitoyens ?

L’homme est sans doute aussi victime de la psychose de l’enfermement. La Gambie est un petit Etat filiforme qui serpente de 25 à 50 km de part et d’autres sur les rives de la Gambie et encerclé par le Sénégal. Cette psychose  étouffante crée les illusions d’ennemis partout. Tenant en haute suspicion le Sénégal  dont la Gambie est un appendice, entretenant  des relations exécrables avec la Guinée voisine, les Européens sont aussi devenus à ses yeux de potentiels ennemis ayant juré sa perte et  l’homme en est devenu irascible.

Toutefois, quelles que soient les motivations de cette expulsion, on peut toujours se poser la question de savoir, pourquoi ne s’en explique-t-il pas ? A-t-il mauvaise conscience ? A-t-il peur de renforcer son image de dictateur ? Sans nul doute, oui !

Au demeurant, le cas Yaya Jammeh pose problème à la bonne conscience dans le contexte d’aujourd’hui. Voici un petit pays qui concentre tous les maux de la mal gouvernance sans que cela ne suscite, comme ailleurs, une véritable levée de boucliers ni de la part des Africains ni de celle des Occidentaux. Ce silence est bien coupable voire méprisable. Si cette attitude répréhensible des Africains est liée au fait qu’ils sont eux-mêmes souvent en proie, à l’interne, aux turpitudes de leurs gouvernants et au fait que les institutions sous-régionales ou africaines en faillite morale sont atrophiées du fait qu’elles constituent des syndicats de chefs d’Etats pour veiller sur leurs intérêts, celle des Occidentaux est dictée par des mobiles tout aussi peu nobles  que sont les intérêts économiques. La Gambie a une façade maritime avec de faibles droits d'importation et des procédures administratives minimales. L’Union européenne est d’ailleurs l’un des principaux partenaires économiques de la Gambie,  malgré toutes les récriminations dont elle fait l’objet. La Gambie est aussi la plateforme de tous les trafics et tant que cette petite enclave peut servir à couvrir tous les commerces illicites et les blanchiments de capitaux sales de l’Occident, on peut encore fermer les yeux sur les bouffonneries de Yaya Jammeh qui peut d’ailleurs encore bénéficier d’une culture britannique peu encline aux interventions dans les affaires internes de leurs anciennes colonies.
 

© Source : Le Pays

Lire aussi dans la rubrique POLITIQUE

Les + récents

partenaire

canal de vie

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo