BOKO HARAM : La mentalité du colonisé, l’autre acteur du conflit
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Demandez à un citoyen ordinaire du monde la relation qui existe entre d’une part les multinationales, la politique étrangère des pays dits riches, la science politique telle qu’enseignée dans les universités occidentales, les institutions et organisations internationales, les medias occidentaux, les ONG, et d’autre part, la pauvreté, la misère, les guerres, les coups d’état, les leaders impopulaires, certaines endémies en Afrique ainsi que, l’émigration de masse et la mentalité arriérée, et écoutez sa réponse.

Que ce citoyen réponde par un: « je n’en voie pas un » ne devrait pas être étonnant, car bien qu’il y ait un rapport direct dans ce sens ci que les premiers produisent les deuxièmes, ce rapport est tellement bien dissimulé par des outils sophistiqués qu’il n’est pas évident pour le commun des mortels de l’identifier correctement.

Toute cette structure de dissimulation mise en place par les puissants s’écroulerait, si la fondation ou le fondement qui lui permet de rester en place était détruit, et cette fondation est la mentalité de colonisé que beaucoup d’africains continuent de porter en eux. Le maintien de cette mentalité par les uns et sa destruction par les autres est donc l’enjeu du conflit d’abord culturel puis politique et économique sans merci que se livrent les prédateurs et les partisans de l’Afrique libre.

C’est dans le cadre de ce conflit qu’il faut évaluer la situation de l’Afrique aujourd’hui et saisir la dynamique qui soutend les activités des prédateurs. Ces derniers ont de l’expérience, les moyens et essayent de s’adapter aux situations en fonctions des réalités du terrain, ils utilisent ce que l’on appellerait en informatique des algorithmes adaptatifs, mais leurs objectifs restent les mêmes. Il est donc question pour les africains d’observer ces prédateurs dans leurs manigances afin de les contrer, mais aussi et surtout d’anticiper leurs mouvements. C’est ce décryptage des actions des adversaires de l’Afrique que nous allons essayer de faire en utilisant l’exemple du conflit contre Boko Haram.

Les 3 véritables entités du Conflit de Boko-Haram

Pour une bonne compréhension des enjeux de ce conflit il est judicieux de commencer par considérer séparément et sans un ordre précis les acteurs présents qui sont: les pays riverains, les prédateurs et les trouble-fêtes, mais surtout le choc de 2 mentalités: l’une positive qui représente l’africain décomplexé, l’autre négative et dont Boko-Haram n’est qu’une triste manifestation.

Les 2 Afriques

Des évènements récents sur l’étendue du sol africain ont mis en lumière deux Afriques qui coexistent sur le continent: une nouvelle Afrique décomplexée et qui prend ses responsabilités en trouvant des solutions africaines aux problèmes africains. Cette Afrique émergente qui effraye tous les prédateurs vient d’être révélée au monde par la coalition du bassin du lac Tchad où quatre pays avec l’appui de leurs voisins et frères ont pris sur eux la lutte contre un groupe terroriste.

La deuxième Afrique quant à elle est la vieille Afrique, celle que les media occidentaux adorent, cette Afrique timorée, misérable, peu confiante en elle et dont l’étalage dans les medias a amené l’opinion publique occidentale conditionnée à se demander si le monde en général ne vivrait pas mieux sans ce boulet aux pieds du monde. C’est cette 2eme Afrique qui pose problème car elle est le point d’encrage, c’est-dire le socle sur lequel s’appuient les oppresseurs pour mener à bien leurs opérations de contrôle de l’Afrique. A quoi ressemble cet africain que nous qualifions de captif de la colonisation?

C’est celui qui dans le cas du Cameroun par exemple a de la sympathie pour des gens qui ont massacré environ 400 000 de ses concitoyens (10% de la population de l’époque) et qui appellent incitateurs à la haine ceux qui dénoncent ce génocide.

C’est lui qui a accueilli avec enthousiasme la mort de Kadhafi donnant ainsi un sacré coup de frein au rêve du Fond Monétaire et à la Banque Africaine que ce dernier voulait mettre en place. C’est le même qui aujourd’hui continue de célébrer Sarkozy, alors que ce dernier, noyé dans les problèmes de justice est loin d’être une référence morale.

C’est celui qui fait des victimes les coupables et des coupables les victimes; Areva non seulement confisque l’uranium nigérien mais en plus l’exploite à ciel ouvert empoisonnant ainsi tout l’environnement.Dans cette histoire, le colonisé donne tort au Niger et raison à Areva.

C’est celui qui, même dans sa relation avec le Tout-Puissant, adopte la représentation de Dieu servie par une autre culture et méprise celle de ses ancêtres et appelle leurs cultes du sacré, activité satanique.

C’est celui qui comme dernièrement en Afrique du Sud, est prêt à découper à la machette son frère venu chercher une vie meilleure, mais qui n’ose même pas questionner les positions de privilège qu’occupe l’oppresseur qui est venu le déposséder de ses terres.

C’est celui qui comme le ministre camerounais de l’agriculture, Lazare Essimi Menye saute dans le premier avion en direction de Florence (Italie) afin de soumettre le problème de la transformation et de l’exploitation de la farine de manioc aux chercheurs de l’Université de cette ville qui eux ne connaissent pas grande chose du manioc, mais qui en même temps évite de parler aux chercheurs camerounais qui eux maitrisent le manioc et ont écrit des tonnes d’articles et de thèses sur le sujet de sa transformation et de son exploitation.

L’on peut multiplier à l’infini des exemples d’activités du colonise captif. Même le football n’est pas à l’abri.

Voilà en quelques mots l’outil qui permet aux prédateurs de maintenir une domination sans partage sur le continent africain. L’on ne peut vraiment dire combien le visionnaire Steve Biko avait raison lorsqu’il déclarait : « L’arme la plus redoutable entre les mains le l’oppresseur est la mentalité de l’opprimé ». C’est cette mentalité qui donne un avantage incroyable au bourreau dans la dynamique proie-prédateur, et le bourreau ne se fait pas prier pour l’utiliser à fond, en multipliant les actes qu’un esprit aussi confus que celui de son captif ne peut comprendre.

Le cas de Boko-Haram

Voilà un groupe d’illuminés qui se réclament d’un islam authentique (soit dit en passant que l’islam n’est pas une religion africaine) et dont le nom se traduit par l’éducation occidentale est un péché, et qui dans leur confusion mentale ne voient pas la contradiction entre ce qu’ils prétendre être et qui ils servent, ils ne se posent même pas la question de savoir quelle éducation produit les armes qu’ils retournent allègrement contre leurs vrais semblables.
Passons maintenant aux pays riverains du bassin du lac Tchad.

Les pays riverains du Bassin du Lac Tchad

Que se passe-t-il dans cette zone qui soit de nature à attirer l’attention des maitres du monde ?

-Le Cameroun a un président en fin de règne qui montre des velléités d’indépendance et embrouille le processus de transition de pouvoir; il y a donc un risque énorme de voir le pouvoir tomber entre les mains des nationalistes. En plus l’on aurait découvert dans la partie Nord de ce pays d’immenses gisements de pétrole et d’uranium qui sont des matières premières stratégiques.

  • Le Niger est l’hôte des plus grands gisements d’uranium au monde, et il a commis « l’erreur » de vouloir en tirer un meilleur profit de ses richesses en essayant de renégocier les contrats d’exploitation de ce minerai par la société française Areva. Il a en plus commis le « péché » de vouloir faire jouer la carte de la concurrence chinoise.
  • Le Nigeria est le pays le plus peuplé d’Afrique et il est immensément riche, son économie étant devenue depuis peu la 1ere d’Afrique. Sa grande population et son pouvoir financier pourraient le rendre incontrôlable par les prédateurs, il est donc nécessaire de le fragmenter en petites entités étatiques comme on l’a fait au Soudan.

-    Le Tchad qui au départ n’était pas directement visé est riche en pétrole et a à sa tète un président aussi en proie à de grosses velléités d’Independence qui en plus  ne mâche pas ses mots lorsqu’il est question de fustiger le comportement de ses alliés français.

Passons aux prédateurs et trouble-fêtes

Les Maitres du monde

  • Les Etats-Unis cherchent à établir des bases militaires en Afrique depuis qu’ils ont compris que ce continent pourrait devenir l’arbitre de la compétition que leur livre la Chine ; il est donc question pour eux, à défaut de chasser la Chine d’Afrique, au moins de limiter son avancée. C’est dans le même esprit qu’Obama a initié les accords de commerce trans-pacifiques.
  • La France : si ce pays perd l’Afrique, il ne s’en remettra peut-être jamais, c’est aussi simple que cela. Le bassin du lac Tchad est essentiel à son maintien en Afrique, c’est la raison d’être de la base militaire Barkhane, et du balai diplomatique des officiels français dans les capitales africaines et surtout à Yaoundé (Cameroun).

Qu’en est-il de la Chine ?

Ce pays comme tous les autres a compris que l’accès aux matières premières africaines était essentiel à son rayonnement, mais contrairement à ses concurrents, elle a adopté une approche intelligente et habile qui consiste à établir des relations gagnant-gagnant.

Au rang des « trouble-fête », l’on peut citer la Russie et la Turquie, la 1ere ayant une dent à régler avec ses adversaires de toujours, qui n’ont fait qu’exacerber la tension avec Moscou à travers leur rôle dans le problème Ukrainien. Le 2eme pays quant à lui a vécu comme une humiliation sa non-intégration à l’union européenne, et avec la situation actuelle au Moyen-Orient il veut s’affirmer comme un acteur majeur dans la conduite des affaires du monde.
Il est maintenant question d’expliquer le rôle de Boko-Haram dans la guerre de prédation.

Boko-Haram comme instrument de déstabilisation et de conquête.

Sur le sujet des stratégies de conquête utilisées par le prédateur, beaucoup de livres ont été publiés mais à notre avis l’auteur qui traite le mieux la question est John Perkins, car contrairement à des universitaires qui font des constructions théoriques sur le sujet en s’appuyant sur des hypothèses plus ou moins plausibles, John Perkins est un homme de terrain qui décrit la réalité concrète en s’appuyant sur son expérience personnelle d’ancien agent en première ligne dans cette campagne de banditisme. Ses 2 livres sur le sujet: Confessions of an Economic Hit man et Hoodwinked sont fortement recommandés. Dans ces livres, il décrit différents scenarii et outils qui ont pour finalité de mettre en captivité les pays riches en ressources stratégiques.

Nous pouvons citer dans le désordre: la dette, les changements de régime, le contrôle des successions au pouvoir, la création et le financement des rebellions armées et des groupes terroristes, des assassinats. L’ordre dans lequel ils procèdent dépend de la situation ; dans certains cas l’on peut commencer par des actes de bienveillance et finir par la violence, dans d’autres cas l’on peut commencer directement par la violence, au cas où elle ne mord pas, enchainer avec des actes de bienveillance pour éventuellement revenir à la violence.

Dans le cas qui nous concerne, le 1ere phase de violence n’a pas réussi à obtenir les résultats voulus par les envahisseurs qui font maintenant semblant d’être gentils.

Prenons par exemple le Cameroun et regardons ce qui s’y passe depuis peu.

Quelques actes de bienveillance

Mars 2015: le Japon débloque une aide de 9 milliards de francs CFA pour les refugiés au Nord-Cameroun, ces fonds sont gérés par le HCR, le PAM, Le PNUD, l’UNICEF.

Avril 2015: L’agence spatiale Airbus Defense & Space veut s’installer au Cameroun

Avril 2015: Automobile : Volkswagen s’installe au Cameroun

Mai 2015: Les Etats-Unis offrent 20 milliards de francs CFA au Cameroun, Niger, Nigeria, Tchad pour la lutte contre Boko-Haram.

Mai 2015 : La chambre de commerce du Canada promet un don de 1 milliards 250 millions à Synergie Africaine.

Nous ne reviendrons pas sur les actions de la France, nous vous referons plutôt à l’article de Gabriel Makang: France-Cameroun: Les Attitudes Coupables de la France, mais nous ne pouvons pas ignorer les hallucinations d’un illuminé nommé Jean-Louis Borloo qui du jour au lendemain s’est découvert des vertus messianiques au point de prendre sur lui la responsabilité d’électrifier l’Afrique toute entière alors qu’on ne lui connait aucune action d’éclat lors de son passage au gouvernent, ni même à la tète de la mairie de Valenciennes.

Beaucoup de lecteurs se posent probablement la question de savoir quels intérêts certains pays précités en particulier le Japon et l’Allemagne ont dans cette affaire. Ces deux pays n’ont peut-être pas un intérêt direct, mais sont membres de la trilatérale (www.trilateral.org) et comme tels sont appelés à rendre par (loyauté au groupe) des services aux autres membres.

La commission Trilatérale fut officiellement créée  le 1er Juillet 1973 à Tokyo sur proposition de David Rockefeller. Elle regroupe en son sein entre 300 et 400 personnalités influentes recrutées en Europe de l’Ouest en Amérique du Nord et l’Asie Pacifique; le tout bien encadré par le groupe Bilderberg et le Council of Foreign Relations. Son but officiel est de Promouvoir et construire une coopération politique et économique  entre ces trois zones clés du monde. Mais pour beaucoup d’observateurs avertis comme l’universitaire Gérard Soulier, le vrai but de cette commission est de préparer la constitution du gouvernement du Nouvel Ordre Mondial. D’après l’universitaire Olivier Boiral, cette commission s’active en réalité à protéger les intérêts des multinationales et à « éclairer » avec ses conseils les décisions des dirigeants politiques de ce monde.

C’est donc dans le cadre de cette stratégie d’endormissement que l’on nous envoie des gens de prime abord insoupçonnables, exactement comme les terroristes l’ont fait par le passé pour déjouer la vigilance des services de police (voir le livre de Charles Villeneuve: Histoire Secrète du Terrorisme: Les Juges de l’Impossible), afin de nous faire tomber par manque de vigilance dans le piège tendu.

Quelles leçons pouvons-nous tirer de cette situation?

I.    Pour les Africains

Il est clair que les matières premières africaines bon marché (ou gratuites) sont indispensables aux industries occidentales et leur puissance qui en dépend d’ailleurs ; vu sous cet angle nous ne pouvons pas compter sur leur aide pour nous tirer d’affaire. Ou avez-vous déjà vu un prédateur (dominant) donner à sa proie (dominée) les armes de sa libération, surtout si ceci signifie la perte de ses privilèges?

Les africains ne peuvent donc compter que sur eux-mêmes sur leurs partenaires naturels les Afro-descendants (avec lesquels il faudrait établir sans délais des relations solides), et sur un jeu habile d’alliances de circonstance pour se tirer d’affaire. Les aides et les programmes d’assistance ne sont que des enfumages.

ApLe transfert de technologies tant promis par l’occident n’est qu’une illusion. L’Afrique doit ouvrir et financer ses propres centres de recherche, afin de contrôler ses ressources et son destin.
Réduire les facteurs de vulnérabilité, en décentralisant la gestion, car l’hypercentralisation du pouvoir est un puissant outil entre les mains des prédateurs.

I.    Pour les Français
res plus de 50 ans d’exploitation sans partage de l’Afrique francophone, il est temps de tourner la page, les modèles de gestion anciens ont vécu et sont aujourd’hui dépassés. La France doit se rendre à l’évidence qu’elle n’aura jamais plus accès gratuitement aux matières premières des africains et ne confisquera plus jamais leur argent dans son trésor publique car même la domination à hauteur de plus de 80% de ces économies par les entreprises françaises prendra fin dans le court terme. Il vaut mieux prendre les devants, en s’asseyant avec les africains afin de discuter sérieusement du futur du franc CFA et des accords de défense. Si la France ne le fait pas, tôt ou tard les africains le ferons et probablement en leurs termes en écartant la définitivement la France.

II.    Pour les américains

Il est temps que les américains mettent en place leur propre politique africaine et qu’ils cessent de dépendre de la France dans la conduite de leurs affaires  sur ce continent. L’Amérique a sous sa main une carte-clé à savoir la population Africaine-Américaine. Plutôt que de garder diviser les membres d’une même famille de part et d’autre de l’Atlantique, il est temps qu’elle (Amérique) commence à favoriser leur rapprochement. Si elle le fait et adopte la philosophie chinoise dans ses relations avec l’Afrique, elle en sortira grande gagnante, car même les problèmes qu’elle rencontre avec sa population noire trouveront une solution. De toutes les façons, avec les nouvelles cartes géopolitiques qui se dessinent, elle aura à décider qui, de la France à bout de souffle ou de l’Afrique unifiée lui sera le plus utile. Une erreur de décision va sceller le sort de la compétition avec la Chine.

Conclusion

Au moment où de nouvelles cartes géopolitiques sont entrain d’être dessinées, les ressources naturelles africaines sont une fois de plus au centre de toutes les manœuvres, car selon les belligérants, celui qui va les contrôler dominera le monde. Mais cette fois-ci la situation s’annonce différente, car une nouvelle mentalité africaine est entrain de s’épanouir. Cette mentalité qui caractérise l’africain décomplexé doit être cultivée, car ce n’est qu’à travers elle que les africains pourrons de nouveau jouir d’une grande liberté et mettre leurs ressources au service du bien être de leurs populations et éventuellement apporter au monde une seconde humanité. Au rythme où vont les choses, la planète en a terriblement besoin.

© Correspondance de : Paul Daniel Bekima

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