Blatter et sa martingale africaine
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Dans la tourmente zurichoise, Joseph Blatter peut miser, une fois encore, sur l’indéfectible loyauté des apparatchiks du foot africain. Soutien crucial : fort de ses 54 fédérations, le continent noir fournit un bon quart des grands électeurs de la FIFA. Inamovible patron de la Confédération africaine de football (CAF) depuis 1988, le Camerounais Issa Hayatou s’est d’ailleurs opposé à tout report du scrutin qui, selon toute vraisemblance, offrira ce vendredi au roué Helvète un cinquième mandat. Déjà, en avril dernier au Caire, théâtre du congrès annuel de la CAF, cet héritier d’une dynastie influente du Nord-Cameroun et frère d’un éphémère Premier ministre de Paul Biya avait réitéré en ces termes le serment d’allégeance : « Son action en faveur de l’Afrique parle pour lui. »

Et ce six mois après que le comité exécutif de la même CAF eut « exhorté » ses membres à lui « garantir » leurs suffrages. Pour un peu, on oublierait qu’Hayatou avait osé en 2002 -dans un moment d’égarement ?- défier le sortant. Lequel l’avait étrillé dès le premier tour. Depuis, le fils de Garoua, promu vice-président de l’instance planétaire, est rentré dans le rang. Au point d’avoir hérité, en septembre dernier, des commandes de sa commission des finances…

« Nous avons construit le football africain », claironne Blatter. Pas totalement faux. Aides financières, infrastructures, du stade au centre de formation : la FIFA aurait investi 760 millions de dollars -soit près de 700 millions d’euros- entre Tunis et le Cap de Bonne-Espérance ; notamment via un programme de développement baptisé Goal. Soit. Reste qu’une fraction substantielle de ce pactole s’est évaporée, quitte à garnir les coffres de dirigeants corrompus. « Aucune traçabilité », accuse ainsi l’Ecossais Andrew Jennings, auteur d’un retentissant réquisitoire intitulé « The Secret World of FIFA ».

A propos de secret, le vrai gri-gri de « Mister Sepp » résulte de son aptitude à servir à ses obligés d’Afrique un cocktail fait de clientélisme et de paternalisme, pimenté de flatteries, d’enjouement et de prébendes octroyées. Au fond, sa stratégie de pouvoir -conquête et confiscation- s’apparente à celle de maints potentats subsahariens élus ou pas et qui, s’agissant des premiers, recourent si nécessaire à la fraude comme à l’achat des consciences. Adepte lui aussi du mandat « no limit », Blatter brigue un cinquième bail consécutif.

Après avoir promis, en 2011, que celui qui s’achève serait bel et bien le dernier, empruntant ainsi à l’arène politique africaine une figure de style classique. S’il railla jadis l’âge de son prédécesseur -le Suédois Lennart Johansson- le coûteux Suisse invoque aujourd’hui, lui aussi, la sagesse inhérente à son statut de doyen. Une autre similitude ? Pour le despote contesté, il n’est de meilleure assurance-vie que la fidélité de féaux qui craignent de sombrer avec lui et de perdre à jamais les privilèges acquis. Si les enquêteurs helvètes tiennent à entendre Issa Hayatou, c’est qu’ils jugent opportun d’examiner le rôle qui fut le sien lors des attributions ô combien douteuses du Mondial 2010 à l’Afrique du Sud, puis des éditions 2018 et 2022, respectivement à la Russie et au Qatar.

Sa Majesté Blatter apparaît ainsi, au sein des « fédés » et sous les ors des palais, comme une figure un rien archaïque, certes, mais familière. En Afrique comme ailleurs, en Afrique plus qu’ailleurs, le ballon rond constitue un enjeu de pouvoir phénoménal. Panem et circenses. Du pain et des jeux ; et à défaut de pain, les exploits du Onze national et de ses idoles vénérées. Il n’est pas rare que le régime en place redoute davantage l’issue d’un match crucial de la Coupe d’Afrique des Nations que le verdict des urnes, quand urnes il y a. « Yes, we CAN ». Et il arrive que le choix du sélectionneur, sinon le sort du brassard de capitaine ou la « compo » de l’équipe, se joue à la présidence.

On l’aura compris : entre le scénario du carton rouge et celui du temps additionnel, l’Afrique d’en-haut a choisi.

© lexpress.fr : Vincent Hugeux

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