L'associé de Bolloré poursuivi pour évasion fiscale en Belgique
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L'associé De Bolloré Poursuivi Pour Évasion Fiscale En Belgique :: Belgium

Responsable de la partie plantation du groupe, Hubert Fabri est poursuivi par la justice belge pour évasion fiscale, blanchiment et faux. Le procès doit s’ouvrir en novembre. Une deuxième enquête est ouverte pour faits de corruption.

En dépit de ses engagements de transparence et de respect de la légalité, le groupe Socfin semble au-dessus des lois, d’un bout à l’autre de la chaîne de ses activités. En Afrique, Socfin est régulièrement dénoncé pour ses agissements. Les agriculteurs du Cameroun ou de la Sierra Leone (voir nos enquêtes ici et là), soutenus par différentes ONG, sont en conflit ouvert contre le groupe, accusé d’accaparer les terres, d’exploiter sans réserve les forêts tropicales, de pousser des villages entiers à la misère. À l’autre bout, son dirigeant Hubert Fabri, principal associé de Vincent Bolloré, est désormais poursuivi par la justice belge, comme vient de révéler le journaliste Jean-Pierre De Staercke dans le magazine belge M, pour fraude fiscale, blanchiment, faux en écritures. Hubert Fabri devrait être jugé par le tribunal correctionnel de Bruxelles en novembre.

Survivance de l’empire colonial Rivaud, bâti au début du XXe siècle, Socfin est la branche agricole du groupe Bolloré. Elle exploite, au travers d'une cascade de sociétés, des plantations de caoutchouc, d'huile de palme, de bois ou de roses en Afrique et en Asie. C’est une des activités les plus rentables, mais aussi les plus obscures du groupe (voir notre enquête sur la face cachée de l’empire Bolloré).

Graphique : organigramme du groupe Bolloré – plantations

Officiellement, Vincent Bolloré, bien qu’il en soit le premier actionnaire avec 38,7 % du capital, n’est en rien mêlé à la conduite de Socfin. Il est, cependant, administrateur des principales entités de l'édifice et, surtout, il siège au conseil très restreint (cinq personnes) de la Socfin, à laquelle il a apporté sa filiale africaine de logistique Safa en 2014. Les liens avec Hubert Fabri, qui siège dans différentes instances du groupe Bolloré depuis 1987, sont manifestement étroits. Le groupe Bolloré a d'ailleurs proposé de renouveler le mandat d’administrateur d’Hubert Fabri lors de la prochaine assemblée générale, prévue le 4 juin.

L’affaire qui intéresse la justice belge remonte à l’été 2008 (lire L’associé de Bolloré rattrapé par la justice). Alors que la crise financière a éclaté, les autorités allemandes lancent une vaste opération de lutte contre la fraude fiscale, en ciblant particulièrement le Liechtenstein. Dans le cadre de son enquête, le fisc allemand met la main sur des documents liés à la fondation Socficom (société anonyme de finance et de commerce), basée à Vaduz. Celle-ci est une émanation de Socfinco, filiale belge de la Socfin, basée au Luxembourg. Les autorités allemandes s’empressent de transmettre leurs découvertes à la justice belge.

Cela fait des années que les autorités belges ont été averties des curieuses pratiques de Socfin et de sa filiale Socfinco, sans que jamais rien ne se passe. Mais cette fois, la justice belge décide de ne plus fermer les yeux. Le juge belge Jean-Claude Van Espen, spécialisé dans les affaires financières, a pris le dossier en main et commencé à démêler l’écheveau des participations qui l’ont entraîné à lancer des commissions rogatoires en Suisse, au Luxembourg, à Guernesey.

Après enquête, la justice poursuit les quatre principaux dirigeants de Socfinco : Hubert Fabri, Philippe de Traux de Wardin, Daniel Haas et Daniel Deleau. Ces trois derniers responsables sont présents dans le groupe depuis au moins la fin des années 1970. On retrouve leur présence dans nombre de documents liés à des fondations ou des sociétés discrètes au Luxembourg et ailleurs.

Les schémas mis à jour par l’enquête judiciaire relèvent de la désormais grande banalité de l’évasion fiscale. On y retrouve tout : les sociétés boîtes aux lettres dans des paradis fiscaux, les commissions fictives, les fausses factures. À partir de septembre 1989, relève la justice belge, la société Socfinco a passé une convention avec la société Socficom de droit du Liechtenstein, un pays avec lequel le groupe entretient de solides relations depuis des décennies (voir l'article sur les brouillards de Vaduz). « Le siège social de cette société est soi-disant à Vaduz alors qu’en réalité, la direction effective de la société Socficom ne se trouve pas à Vaduz mais à Bruxelles, place du Champ-de-Mars », écrit l’ordre de citer (l’équivalent de l’ordonnance de renvoi en France).

Par le biais de cette structure au Liechtenstein, les dirigeants de Socfinco vont organiser une évasion fiscale en règle.

Nombre de responsables du groupe vont ainsi se retrouver officiellement employés de cette entité, afin d’échapper à l’impôt et aux cotisations sociales en Belgique, ce qui a représenté une fraude de l’ordre de 20 millions d’euros, selon la justice. De même, le groupe belge aurait versé des fausses commissions à cette société écran ou à Guernesey. Dans le même temps, une partie de l’argent du Liechtenstein était reversée sous forme de dividendes, sur le compte bancaire d’Hubert Fabri, désormais résident suisse. Ces montages ayant pour but de diminuer l’impôt sur les sociétés en Belgique et la fiscalité des principaux responsables.

Mais ce n’est qu’un des volets de l’affaire. Quelques mois après l’ouverture de la première enquête, le juge belge en a ouvert une seconde pour faits de corruption. L’enquête a pris du retard, compte tenu des réticences de la Suisse à répondre aux différentes commissions rogatoires. Mais selon le magazine M, la justice belge a trouvé de nombreuses réponses à ces questions auprès des autorités de Guernesey, y compris sur les questions de corruption. « Une haute fonctionnaire guinéenne, disposant d’un passeport diplomatique, aurait en effet perçu un pot-de-vin pour éconduire des concurrents du groupe Fabri. Tous les protagonistes s’en défendent, même le gouvernement de Conakry qui couvre son grand commis de l’État pour des opérations non déguisées », écrit le magazine. L’enquête n’est pas encore achevée. Elle risque de dévoiler certaines pratiques du groupe en Afrique et pourrait expliquer les étranges silences des autorités dans certains pays d’Afrique face à l’accaparement des terres et à la révolte de leurs agriculteurs.

© mediapart.fr : MARTINE ORANGE

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