L’agenda caché de Bernard Cazeneuve au Cameroun
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L’agenda Caché De Bernard Cazeneuve Au Cameroun :: Cameroon

Le ministre français de l’Intérieur vient notamment redorer le blason de son pays, terni par des accusations de complicité avec Boko Haram.

Selon un officiel de l’ambassade de France au Cameroun, les questions de sécurité et d’immigration sont au cœur de la visite de travail qu’effectue ce jour à Yaoundé, le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. L’on peut donc imaginer sans peine, que le sujet de la menace terroriste incarnée par Boko Haram et à laquelle le Cameroun fait face militairement depuis le 17 mai 2014, sera au menu de l’audience que le chef de l’Etat va accorder ce jour, au palais de l’Unité, au premier flic de France. La contribution de Paris à l’effort de guerre contre cette nébuleuse jihadjiste pourrait meubler la discussion entre Paul Biya et son hôte.

L’on se souvient que durant son séjour à Yaoundé les 15 et 16 mars dernier, dans le cadre d’une mini tournée africaine qui l’avait conduit au Tchad et au Niger, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait affirmé le soutien de l’Hexagone au Cameroun. «(…) outre l’aide que la France apporte, avait annoncé le chef de la diplomatie française, nous allons augmenter notre aide sur le plan humanitaire, nous voulons qu’il y ait une conférence des donateurs qui permette d’alléger la charge pour les pays concernés, et singulièrement pour le Cameroun ». Depuis, le remboursement de la dette du Cameroun a bien été rééchelonnée et son financement supporté par la France dans le cadre du Contrat désendettement développement (C2D). Mais la fameuse conférence des donateurs évoquée par Laurent Fabius reste attendue.

Immigration

Autre sujet d’intérêt commun entre Paul Biya et Bernard Cazeneuve, l’épineux problème de l’immigration. L’on sait que le Conseil européen étudie en ce moment l’option d’une prise en charge par certains Etats de l’Union, des contingents de migrants. D’après le critère du taux de chômage le plus faible, la France devrait accueillir après l’Allemagne, le plus grand nombre de ces migrants. Une perspective pas forcément réjouissante pour Paris. Nul doute que Paul Biya et son hôte discuteront notamment des solutions politiques à ce problème qui ne cesse de faire des milliers de victimes africaines.

Mais au-delà de ces aspects officiels, la visite de Bernard Cazeneuve de part le contexte dans lequel elle intervient, recèle d’autres enjeux. Le plus évident d’entre tous est le sentiment anti-francais. L’on sait que l’ambassadrice de France au Cameroun, Christine Robichon, s’était fait huée par une horde de jeunes qui éructaient des slogans hostiles à la France, alors qu’elle participait à la grande marche patriotique organisée le 28 février dernier par le collectif « unis pour le Cameroun », en soutien aux forces de défense et de sécurité, ainsi qu’aux populations de la région de l’Extrême-Nord, victimes de la guerre contre Boko Haram. A en croire des sources dans le sérail, les arrivées de Bernard Cazeneuve, de Laurent Fabuis (en mars dernier) et du président de l’Assemblée nationale française, Claude Bartolone (en octobre 2014), procèdent en réalité d’une logique de lobbying et de promotion des intérêts économiques français. Faut-il rappeler que Yaoundé a résolument fait le choix depuis plusieurs années de diversifier ses partenaires, au grand dam de Paris et au grand bonheur des pays comme la Chine et la Russie ?

François Hollande

Dans un rapport intitulé « Francophonie et Francophilie, moteurs de croissance durable », et remis en 2014 au président François Hollande, l’intellectuel français Jacques Attali, affirme que la France a perdu en 10 ans, près de la moitié de ses parts de marché en Afrique. Pas certain que le Cameroun échappe à cette réalité. Les batailles autour de l’attribution ou non, du terminal à containeurs du port en eau profonde de Kribi au consortium formé par l’industriel français Vincent Bolloré – qui présente pourtant l’offre financière et technique la plus avantageuse –  ne sont-ils pas une nouvelle illustration de ce phénomène ?

Il est difficile en tout cas, dans ces circonstances, d’analyser cette visite de Bernard Cazeneuve en faisant abstraction de la « politique d’attractivité » de François Hollande. La venue du chef de l’Etat français, toujours espérée par Yaoundé, serait-elle la prochaine étape de ce qui apparait désormais comme un stratégique déploiement diplomatique de Paris pour redorer son blason auprès d’un pays longtemps laissé sur la touche, notamment en raison de la longévité au pouvoir de son président (cela fait 14 ans qu’un chef d’Etat français n’est pas venu au Cameroun, Ndlr)? Pour paraphraser un auteur, disons que rien n’est impossible en politique. La preuve, Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas reçu – avec les honneurs de la République – « le paria », Mouammar Kadhafi ?

© Mutations : Yanick Yemga

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