Cacophonie : Un gouvernement en quête de cohésion
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Des ministres se détestent cordialement, la solidarité proclamée reste à parfaire.

Le gouvernement Yang vient de battre au moins deux records. D’abord celui de la longévité. Depuis que Paul Biya est au pouvoir, c’est la première fois qu’il ne réaménage pas le gouvernement pendant plus de trois ans. Il n’est contraint par aucune disposition réglementaire ou législative, certes, mais il avait habitué les Camerounais à changer régulièrement ses ministres. Et ce gouvernement vient de battre le record du manque de cohésion. Les saillies sont dans la presse et sont assumées. Ces jours-ci, le ministre des Travaux publics, Patrice Amba Salla livre une « bagarre féroce » à son « camarade » Abba Sadou, ministre délégué à la présidence chargé des Marchés publics. Amba Salla veut qu’en tant qu’« ingénieur de l’Etat », ses attributions cessent d’être rognées.

En novembre 2014, le Premier ministre a signé un décret portant organisation de la maitrise d’oeuvre technique dans la réalisation des projets d’infrastructures. Pour lui, ce décret démontre que le gouvernement vient de trancher : « Mon département ministériel est l’unique entité de coordination technique », clame-t-il aujourd’hui. Amba Salla a des problèmes  avec son Premier ministre aussi. Lorsque l’entreprise iranienne qu’il qualifie de « canard boiteux » s’enlise dans la construction de la route Sangmelima-Ouesso, il engage une procédure pour résilier le contrat.

« On nous instruit d’aller doucement. Nous patientons depuis trois ans », dit-il en ricanant. Les actes de défiance à l’autorité du chef du gouvernement se multiplient. Le dernier cas remonte au mois dernier. Le 17 avril 2015, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Essimi Menyé signe deux décisions portant respectivement nomination de trois inspecteurs généraux et de deux directeurs par intérim. Il les fait lire en prime time sur les antennes de la radio nationale, la Crtv. Or, selon les textes, la nomination des directeurs incombe au Premier ministre et celle des inspecteurs généraux au président de la République.

Comme si cela ne suffisait pas, il organise une grande cérémonie pour installer ses collaborateurs nommés. Deux semaines plus tard, le 30 avril, le chef du gouvernement rapporte les deux décisions. L’arrêté du Pm relève des «vices de forme, de procédure et de compétence». En termes simples, Philémon Yang dit à Essimi Menyé qu’il a posé des actes dont il n’a pas qualité. Comment en est-on arrivé là ? Comment un ministre peut-il nommer des responsables alors qu’il n’a pas qualité ? « Un jour, quelqu’un va même nommer un ministre. Car nommer un inspecteur général, c’est comme nommer un ministre. C’est inquiétant quand on en arrive là », s’étonne un haut fonctionnaire.

Conflit villageois

Dans ce gouvernement, il y a même des conflits villageois qui polluent l’ambiance de travail d’une équipe qu’on croyait solidaire. Dans ce cas de figure, il y a le clash Henri Eyebé Ayissi (ministre délégué à la présidence chargé du Contrôle supérieur de l’Etat) et Benoit Ndong Souhmet (secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education de base), d’une part, et Eyebe Ayissi contre Essimi Menyé d’autre part. Ils ont la particularité d’être tous originaires de la Lekié. Ces conflits ont connu une escalade récemment lorsque Benoit Ndong Soumhet dans un brulot à dénoncé les attitudes « autocratiques » d’Eyébé Ayissi.

Dans ce document relayé par la presse, dont ampliation a été faite, entre autres au président national du Rdpc, au Sg du parti et au préfet de la Lékié, Benoît Ndong Soumhet exige du ministre Eyébé une plus grande concertation avec les autres militants et élites du parti. « (…) Vous persistez dans votre option autocratique, ce qui ne va pas, il faut le dire, sans maladresse : revendication de responsabilités politiques non fondée ; dérives extrémistes dans la formulation de ce qui est censé être la position politique de la Lékié sur certains sujets ».

Il enfonce le clou en pensant qu’il s’agit de l’ « agitation », doublée de « narcissisme ». Il accuse ce ministre des comportements sur le plan moral et civique inadmissibles. Pour lui, Eyebe Ayissi a l’habitude de grossir artificiellement les rangs de ceux qui participent à ces appels grâce à des charters d’étudiants que l’on convoie en masse à partir de Yaoundé pour donner l’impression d’une grande mobilisation populaire. Alors qu’en réalité, l’élite ne se sent plus concernée », tranche-t-il. Ils sont tous membres d’un même gouvernement. Un gouvernement critiqué y compris par celui qui l’a «créé ». Paul Biya s’interrogeait en 2013 lorsqu’il disait : «Pourquoi, dans bien des cas, les délais de prise de décision constituent-ils encore des goulots d'étranglement dans la mise en oeuvre des projets ?

Comment expliquer qu'aucune région de notre territoire ne puisse afficher un taux d'exécution du budget d'investissement public supérieur à 50 % ? Enfin, il est permis de s'interroger sur l'utilité de certaines commissions de suivi de projets, qui ne débouchent sur aucune décision. Mais d'où vientil donc que l'action de l'Etat, dans certains secteurs de notre économie, paraisse parfois manquer de cohérence et de lisibilité?» Cette interrogation formulée par le chef renvoie à quelque chose de paradoxal, l’impuissance d’un homme qui pourtant incarne le pouvoir.

© Le Jour : Younoussa Ben Moussa

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