CRISE PM-MINAC : Philémon Yang maîtrise-t-il encore son gouvernement ?
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Le Premier ministre a créé un comité ad-hoc pour un règlement général de la crise dans la gestion collective du droit d’auteur de l’art musical. La ministre des Arts et de la Culture a initié une rébellion des artistes musiciens. Elle a reçu une demande d’explication.

Les cinquante-cinq années de gestion collective du droit d’auteur au Cameroun ont-elles été des années de gâchis ? Tout le laisse croire aujourd’hui au regard des crises à répétition dans ce secteur, notamment dans le domaine de l’art musical. Et la lutte pour le contrôle des organismes de gestion collective du droit d’auteur a poussé à de graves dérives. Lesquelles impactent désormais sur la solidarité gouvernementale avec cette crise ouverte entre le Premier ministre, Philémon Yang, et la ministre des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna. Tout est notamment parti en septembre 2014. La ministre des Arts et de la Culture, faisant fi de son supérieur hiérarchique direct, le chef du gouvernement, adresse une correspondance au Président de la République. Ama Tutu Muna sollicite alors le soutien du chef de l’Etat à ses réformes dont l’objectif, laisse- t-elle croire, est l’assainissement et le développement de la gestion collective du droit d’auteur au Cameroun.

Parmi les points majeurs, une nouvelle loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur avec une importante innovation : la reprise par l’Etat du contrôle et de la possession des organismes de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur. Au grand dam de l’esprit et la force de la loi N°2000/011 du 19 décembre 2000 actuellement en vigueur. Le Président de la République, qui est régulièrement informé de la situation à travers les soins du secrétaire général de la présidence de la République, n’ignore plus les irrégularités managériales criardes de sa ministre des Arts et de la Culture. La demande de cette dernière se heure donc à une fin de non-recevoir de la part de Paul Biya. Et le prétexte est alors tout indiqué pour en savoir davantage sur la gestion collective du droit d’auteur au Cameroun.

C’est sur ces entrefaites que le 27 novembre 2014, Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la présidence de la République, adresse un courrier au secrétaire général des Services du Premier ministre en ces termes : « le chef de l’Etat demande au Premier ministre de bien vouloir lui soumettre des propositions en vue d’un règlement général de la question du droit d’auteur dans le domaine de l’art musical ».

Triste Spectacle

D’urgence, le chef du gouvernement, Philémon Yang, somme Ama Tutu Muna de s’expliquer sur un aspect de sa politique, la gestion collective du droit d’auteur notamment, qui met désormais en jeu la responsabilité de tout le gouvernement au regard de la crise qui perdure dans le domaine de l’art musical depuis huit ans. Cette démarche, certains esprits malins au ministère des Arts et de la Culture l’ont résumée curieusement, en un conflit de personnes entre Louis Paul Motaze et Ama Tutu Muna. Laquelle en a profité pour multiplier des manœuvres clientélistes. A preuve, sa présence à toutes les cérémonies organisées par le Syndicat camerounais de musique (SYCAMU) de Roméo Dika à Douala et tout récemment à Bengwi dans la Momo au Nord-Ouest.

Et pourtant, le ministère des Arts et de la Culture offre désormais le triste spectacle d’un ministère en conflit avec la majorité des artistes musiciens qui attendent vainement des actions concrètes destinées à susciter leur adhésion. Plus grave, sur le plan comptable, ledit ministère est en délicatesse avec les principes de bonne gouvernance. Le compte de dépôt spécial des organismes de gestion collective a été bloqué par la justice à la suite d’une plainte pour malversations financières contre Irène Gwenang, une proche collaboratrice de la ministre des Arts et de la Culture. Pour tout dire, le bilan est inquiétant. Dès lors, le Premier ministre ne cache plus sa déception. Sa patience atteint enfin ses limites. Le 16 mars 2015, il signe la décision N°014/SG/PM portant création, organisation et fonctionnement d’un Comité ad hoc chargé de faire des propositions en vue de l’assainissement de la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur du domaine musical.

Ledit Comité est notamment chargé de s’approprier tous les actes pris par la ministre des Arts et de la Culture depuis 2008 dans le cadre de la gestion du droit d’auteur de l’art musical, d’identifier et examiner tous les problèmes qui perturbent la gestion collective du droit d’auteur et de faire des propositions concrètes en vue de l’assainissement de la gestion du droit d’auteur du secteur de l’art musical, assorti d’un calendrier. Si cette décision a été signée le 16 mars 2015, ce n’est que le lundi 20 avril 2015 qu’elle a été rendue publique.  

Cabale

Et du coup, le prétexte est ainsi tout donné pour le lancement d’une campagne au vitriol par un groupuscule d’artistes musiciens, partisans de la ministre Ama Tutu Muna, contre Philémon Yang et Louis Paul Motaze. Au centre de cette cabale pour sauver l’image d’un ministère des Arts et de la Culture dont la cheftaine est désormais sur des charbons ardents, le Syndicat camerounais des artistes musiciens (SYCAMU). Lequel va remettre en question le recadrage fait par le Premier ministre, aidé en cela par les propos tenus par le président de la Commission permanente de médiation et de contrôle des organismes de gestion collective du droit d’auteur, Edmond Mballa Elanga : «l’administration la mieux outillée pour mieux cerner les questions relatives à la saine gestion collective et proposer les pistes les plus adaptées pour résoudre les problèmes relevés reste le MINAC. Il serait alors indiqué que toutes les parties prenantes tiennent le plus grand compte de cela ».

Dont acte !

La guerre est donc totale. Et dans cette campagne de désinformation entreprise par les partisans d’Ama Tutu Muna pour créer un environnement médiatiquement défavorable au Comité ad hoc de gestion collective du droit d’auteur du domaine musical mis sur pied par le Premier ministre, le SYCAMU, sous le parrainage de la ministre des Arts et de la Culture, annonce la distribution des guitares à Bamenda. Contre toute attente, la distribution des guitares, cérémonie présidée par Ama Tut Muna, va se muer curieusement en une assemblée générale extraordinaire de la Société civile de l’art musical (SOCAM). Avec deux résolutions au terme des travaux : la dissolution de la SOCAM et la création d’une nouvelle société de droit d’auteur, la Société camerounaise civile de musique (SOCACIM).

Alors que la ministre des Arts et de la Culture se fendait en démenti jeudi dernier, en réponse à une demande d’explication à lui adressée par le Premier ministre pour se désolidariser de la création de la SOCACIM, le président du SYCAMU, Roméo Dika, assoiffé sans doute de justice vengeresse, s’exprimait contre Philémon Yang à travers les colonnes du journal La Météo, dans son édition du jeudi 30 avril 2015, avec une hargne que la pudeur commande sans doute de ne pas qualifier ici au regard de ses dénonciations délirantes.   

Primauté DU Premier ministre

Face à la crise ainsi grandement ouverte entre le Premier ministre et la ministre des Arts et de la Culture, le décret n° 92/089 du 4 mai 1992 portant sur les attributions du chef du gouvernement renseigne à suffisance sur lesdites attributions et autres primautés du Premier ministre au sein du gouvernement. La Constitution n’indique pas les moyens dont dispose le Premier ministre pour diriger ses ministres. Et elle ne donne pas le droit au Premier ministre de s’immiscer dans tel ou tel ministère. Le Premier ministre ne dispose donc pas formellement d’une autorité hiérarchique sur ses ministres. Dans la réalité, bien entendu, cela ne se passe pas comme ça. La prééminence du Premier ministre est déjà là dans la formation du gouvernement.

C’est lui qui propose les noms pour la  formation du gouvernement. Ce pouvoir de proposition place le Premier ministre en position de supériorité par rapport aux ministres. Il peut, avec une certaine limite, empêcher la nomination d’un ministre. Les ministres dépendent du Premier ministre pour la délimitation de leurs compétences. Ils en dépendent aussi pour leur maintien au gouvernement. Le Premier ministre est donc fort car il dispose de moyens constitutionnels. Il est par ailleurs le chef de l’administration car sous réserve d’un certain nombre de textes, c’est le Premier ministre qui nomme à quasi tous les emplois des fonctionnaires. C’est également sous son autorité qu’est préparé le budget de l’État.

C’est lui qui va indiquer à chaque ministre de combien il dispose dans son ministère pour mener la politique publique. S’agissant des lois et règlements, c’est le Premier ministre, qui avec le Parlement, a le pouvoir seul du dépôt de loi. Contrairement aux autres ministres qui ne peuvent pas. C’est le Premier ministre qui décide si le projet de loi va être inscrit à l’ordre du jour du parlement. Tous les projets de loi sont donc déposés par le Premier ministre et aucun ministre n’a le droit à sa seule initiative de déposer une loi. Concernant par contre la responsabilité du gouvernement, C’est le Premier ministre qui peut engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale. C’est lui seul qui peut le faire. Ceci, dans l’intérêt d’éviter que la responsabilité soit évoquée à tout bout de champ. Pour tout dire, Même si le Président de la République, dans la réalité du fonctionnement de l’État, est celui qui produit les principales impulsions politiques, le patron réel au quotidien est le Premier ministre.

© L'Equation : Fortune Grace MEKATY

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