Cameroun,AFFAIRE DIEUDONNE AMBASSA ZANG : COMMENT LA PERSECUTION POLITIQUE EST EN PASSE D’ÊTRE BOUCLEE
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Cameroun,AFFAIRE DIEUDONNE AMBASSA ZANG : COMMENT LA PERSECUTION POLITIQUE EST EN PASSE D’ÊTRE BOUCLEE :: CAMEROON

Le 28 avril dernier, le parquet du Tribunal criminel spécial de Yaoundé a requis la condamnation de l’ancien ministre camerounais des Travaux publics et ancien député de la Mefou Afamba. Réfugié politique en France depuis 2010, Dieudonné Télesphore Ambassa Zang, accusé d’avoir distrait près de 6 milliards de F Cfa, voit poindre à l’horizon le spectre d’une condamnation à vie par contumace et menace de saisir les instances judiciaires internationales. Retour sur le chemin de croix politico-judiciaire d’un « insoumis » du système Biya.

Contrairement à nombre de ses anciens collègues du gouvernement aujourd’hui incarcérés pour malversations financières, Dieudonné Ambassa Zang a choisi la voie de l’asile politique en France. Histoire de se mettre à l’abri de la fameuse « Opération Epervier » qui, de plus en plus, s’affirme comme une véritable machine à casser de l’insoumis et de l’ambitieux politique. Les titulaires du brevet d’invention de cette broyeuse ne savent pas faire profil bas autant qu’ils ne baissent jamais les bras. Ce, malgré l’absence de l’accusé (qui, de surcroît, dispose d’un passeport pour réfugié), malgré le contenu on ne peut plus grotesque du dossier d’accusation. Une telle opiniâtreté à « rendre justice » au peuple camerounais est plutôt à rechercher dans l’itinéraire politique parsemé d’embûches du «criminel » jeté à la vindicte populaire : Dieudonné Ambassa Zang.

C’est en juin prochain que le Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé rendra son verdict dans le procès de l’ancien ministre des Travaux publics (24 août 2002-8 décembre 2004) et député de la Mefou Afamba (22 juillet 2007-7 août 2009). Le 28 avril dernier, le parquet a requis la condamnation de Dieudonné Ambassa Zang pour détournement de près de 6 milliards de F Cfa. L’on s’achemine sans doute vers une condamnation à vie de Dieudonné Ambassa Zang, ce dernier étant absent à la barre. Au cas où on en arrive là, c’en sera terminé d’une « chasse à l’homme » politique qui dure depuis plus de 10 ans.

Ministre sans logement de fonction

24 août 2002. A la faveur d’un décret présidentiel, l’alors secrétaire général du ministère du Développement industriel et commercial est nommé ministre des Travaux publics. Après le champagne sablé, arrive la galère. Le nouveau ministre n’a pas de logement de fonction. Toutes les démarches entreprises pour en avoir un vont être vouées à l’échec. Puis suivront des lettres anonymes de menaces de mort des personnes qui lui reprochent « d’avoir pris leur place sans souffrir » et promettent de le faire mettre en prison.

En effet, la lutte contre certaines pratiques maffieuses engagée par ses soins au ministère des Travaux publics n’était pas du goût de tout le monde. Comme le limogeage de 60 ingénieurs accusés de tripatouillage des dossiers de passation de marchés. Curieusement, les mêmes ingénieurs sont réaffectés à leurs postes de travail. Un mois après son départ du gouvernement le 8 décembre 2004, son bureau est cambriolé par un officier de police. A la recherche de quoi ? Nul ne le saura, aucune enquête n’ayant été ouverte à propos. Début 2006, alors qu’il dort chez lui, il reçoit un coup de fil anonyme. Au bout du fil, il s’entend dire : « ça y est, ils ont terminé la réunion et ont décidé de vous tuer », l’inconnu raccroche.

Nous sommes en 2007. Année en laquelle sont prévues les élections législatives au Cameroun. L’ancien ministre Ambassa Zang veut porter sa candidature dans la Mefou Afamba (centre), son département d’origine. Mais il doit faire face à un concurrent et pas des moindres : Louis Hertz, qui n’est autre que le père des premiers enfants jumeaux de la Première Dame, Chantal Biya. Ce dernier (aujourd’hui décédé) va inviter Ambassa Zang à retirer sa candidature moyennant de grosses sommes d’argent. Refus catégorique de celui qui jouit d’une popularité incontestable du fait de ses nombreuses réalisations et initiatives dans ce département. Des tracts qui lui sont hostiles seront également répandus dans tout le département pour monter les populations contre lui. Mais n’empêche, Ambassa Zang sera élu.

Le Dsce passé au crible de la critique

Une fois avoir bénéficié des attributs de député du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, Dieudonné Ambassa Zang décide de passer à l’action. Contrairement à ses collègues députés du parti au pouvoir, l’ancien ministre des Travaux publics choisi de donner des coups de pieds dans la fourmilière du Renouveau. Comme lors de la session budgétaire de novembre 2008 où il a remis en cause l’affectation de sommes toujours plus importantes aux postes tels que aménagement des services centraux, achats de véhicules et de matériel informatique, séminaires et ateliers, dans le projet de budget de 2009. Ses prises de positions lui vaudront de passer en séance d’explication et d’explicitation.

La « signature de son arrêt de mort », au goût de certains, intervient en mars 2009. Plus précisément le 12 mars 2009. Après avoir pris part à un atelier de présentation du Document de stratégie sur la croissance et l’emploi (DSCE) à Yaoundé, le député Ambassa Zang, dans une note adressée au président de l’Assemblée nationale, conclut que : « Au stade actuel et si mon avis présentait un quelconque intérêt, le plus important serait pour le Cameroun de s’atteler à la réalisation des OMD à l’horizon 2015 et, à défaut, d’engager des actions pour se rapprocher des cibles et indicateurs à échéance indiquée. Ce Document (Cameroun-Vision 2035) risquerait, sauf peut-être bonne surprise, être un de plus ou de trop ».

Et la machine judiciaire se met en marche

Suprême crime de lèse-majesté ! Un député du parti de Paul Biya qui remet en cause un programme de développement cher au chef de l’Etat ! Dans les allées du pouvoir, cela paraissait sans doute énorme et méritait le châtiment suprême. Pour ce faire, la machine judiciaire est mise en marche. En juillet 2009, sans attendre que le Conseil de discipline budgétaire et financière (seule habilitée à saisir le juge pénal) siège, comme l’exige les textes, le ministre en charge du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) de l’époque, Sigfried Etame Massoma, écrit au ministre de la Justice d’alors, Amadou Ali afin que le député Ambassa Zang soit interpellé pour malversations financières. Ceci, sur la base du rapport de mission du Consupe bouclé en janvier 2009 et qui fait état de multiples fautes de gestion imputées à l’ancien ministre des Travaux publics.

L’Assemblée nationale est saisie du dossier aux fins de levée de l’immunité parlementaire du député de la Mefou Afamba. Refus de ses collègues (y compris ceux du parti au pouvoir) qui y voit une certaine précipitation sur fond de règlement de compte politique. Après des pressions venues de la présidence de la République, cette immunité sera finalement levée le 7 août 2009. Pendant ce temps, Ambassa Zang se trouve en France où il obtient le statut de réfugié politique en 2010.

En octobre 2012, après de multiples démarches à la présidence camerounaise, l’ancien ministre obtient sa traduction devant le Conseil de discipline budgétaire et financière du Consupe. Alors que les conclusions de cette instance sont toujours attendues, M.Ambassa Zang est renvoyé devant le Tribunal criminel spécial de Yaoundé en août 2014. La commission des droits de l’homme de l’Union interparlementaire, qui suit son affaire depuis le début, envoie Me Simon Foreman, avocat au barreau de Paris, assister à l’audience du 17 septembre 2014 au Tcs. A la lecture des faits reprochés à Ambassa Zang, la conclusion de Me Foreman est sans appel : « L’ordonnance de renvoi devant le Tribunal (criminel spécial, ndlr) émise par le juge d’instruction, qui présente les chefs d’inculpation retenus contre M. Ambassa Zang, ne fait nullement état d’une quelconque forme d’enrichissement personnel de ce dernier. En l’absence d’intention criminelle, on ne peut guère parler d’autre chose que d’irrégularités de gestion, lesquelles pourraient appeler une sanction disciplinaire ». Mais le Tcs, lui, entend aller jusqu’au bout.

© Camer.be : Michel Biem Tong

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