France- Cameroun:HENRI DJOKO "L’opacité qui entoure la gestion des ressources pétrolières et minières doit être condamnée"
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France- Cameroun:HENRI DJOKO "L’opacité qui entoure la gestion des ressources pétrolières et minières doit être condamnée"

Henri Djoko est essentiellement connu dans le milieu associatif, où il oeuvre depuis ses années d'étudiant en France. Agé de 52 ans, il est un ancien militant du Social Democratic Front (Sdf), où il a été exclu avec certains de ses camarades en 2000. Ce chef dʼentreprise à Strasbourg en France a répondu favorablement à lʼappel du président Maurice Kamto lors la création du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc). Il est depuis la convention de ce parti le 30 septembre 2012, membre du directoire en tant que Conseiller du Président en charge de la diaspora camerounaise en Europe. Dans cette interview riche, il parle du déploiement de son parti en Europe ; critique le mode de gouvernance du Rdpc, au pourvoir, propose les solutions de son parti pour améliorer le quotidien des Camerounais, sur tous les plans.

Vous êtes le président de la section Europe du Mrc. Comment se déroule le déploie-ment de votre parti sur le vieux continent?

En effet, je suis le Conseiller du président en charge de la Diaspora Europe. J’ai été porté à ce poste par le Congrès de lancement du parti le 30 septembre 2012 à Yaoundé. Ma mission a été dès cet instant d’implanter le parti dans la zone sous ma responsabilité. Après le congrès de lancement, nous avons un peu été pris de cours par les élections couplées et anticipées du 30 sep-tembre 2013 qui ont un peu bousculé notre calendrier. La diaspora Europe que j’ai l’honneur de diriger a par-ticipé à la campagne électorale pour soutenir notre parti à ces élections couplée des Législatives et des pré-sidentielles du 30 septembre 2013. Depuis ces élections, le travail d’implantation du parti se poursuit en Europe et on peut aujourd’hui estimer que le Mrc est présent dans au moins huit pays en Europe (France, Italie, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Royaume-Uni, Pays-Bas et Suisse).

De manière plus générale, comment se porte le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc), deux ans et demi après sa création (ce parti politique est fondé le 13 août 2012 Ndlr) ?

De manière globale, on peut dire que le Mrc se porte bien si j’en juge par le travail d’implantation fournit par le Directoire et les délégations régionales du parti au Cameroun. D’après les décomptes officiels fournis par le Minatd, le Mrc à l’issue des élections couplées du 30 septembre 2013 est le 4e parti politique Camerounais en terme de suffrages exprimés après seulement un an d’existence. Pour ce qui concerne l’Europe qui est ma zone de res-ponsabilité, et dans la foulée de ce qui se fait au Cameroun, le même travail d’implantation se poursuit dans les 8 pays Européens que j’ai indiqués ci-dessus. La première étape d’évaluation de ce travail d’implan-tation sera faite lors de la grande tournée que le Mrc va faire en Europe cet été. Nous aurons ainsi l’occasion de rencontrer nos compatriotes ainsi que les amis du Cameroun pour parler de notre parti, de notre pays et de notre projet pour le Cameroun.

Sur le plan de la coopération internationale, est-ce que votre parti a déjà des acquis ? Si oui lesquels?

Sur le plan de la coopération, nous pouvons estimer que le simple fait d’être implanté dans 8 pays euro-péens après moins de trois ans de son lancement constitue un acquis au niveau de la coopération avec les partenaires du Cameroun. Nous évaluerons la coopération internationale de notre parti cet été, au cours de la tournée que j’ai indiquée. En tout état de cause, nous estimons que le rôle de la diaspora est aussi avant tout celui de soutenir le parti au Cameroun. Et cela doit se traduire par des actions concrètes sur le terrain. Nous avons traduit cela en termes de microprojets. En effet, à l’initiative de nos amis de Belgique, une première expérience réussie a été menée. Elle a consisté à soutenir nos compatriotes à travers des micros projets locaux. La première localité à en bénéficier a été l’arrondissement de Deuk dans la région du Centre et précisément dans le département du Mbam-et-Inoubou. Nous entendons poursuivre cette expérience dans d’autres régions (Extrême – Nord, Est, Littoral, Sud etc.) et sur d’autres projets après la tournée de cet été. C’est aussi cela ce que nous entendons par faire la politique autrement. 

Quelles stratégies avez-vous mis en place pour le renouvellement des inscriptions de vos militants sur les listes électorales?

Dès le lancement eu Mrc, et dans sa démarche de faire la politique autrement, le Président Kamto a lancé, avant les élections couplées du 30 septembre 2013, une grande campagne nationale de sensibilisation pour les inscriptions sur les listes électorales. Le Mrc a même à ce moment-là contraint Elecam à rouvrir les listes élec-torales qui avaient été injustement fermées en violation de la loi électorale du Cameroun. Cette campagne n’a pas été suivie à l’extérieure dans la mesure où les Camerounais établis en dehors de notre pays ne peu-vent pas voter lors des élections municipales et législa-tives. Il en est autrement pour ce qui concerne les élec-tions présidentielles. Depuis 2011, les Camerounais de l’étranger peuvent désormais voter lors de ces élections présidentielles.

Pour la présidentielle de 2018, au Mrc nous travaillons déjà maintenant à sensibiliser non seulement nos camarades mais tous les Camerounais afin qu’ils s’ins-crivent sur les listes électorales s’ils veulent influencer l’évolution politique du pays à cette occasion cruciale. Nous devons cependant déplorer les pratiques de nos représentations diplomatiques où les ouvertures des listes électorales se font de manière disparate. Comment expliquer que sur le site d’Elecam en date du 31 juillet 2014 la zone Afrique et Moyen-Orient compte 3910 inscrits alors que la zone Europe, Asie et Amérique n’en compte que 697 ?

Le Mrc entend continuer à jouer son rôle de pionnier dans cette campagne de sensibilisation. En effet et sous l’impulsion de notre camarade responsable du Mrc au Royaume Uni, une interpellation des structures d’Elecam a été faite et elle a débouché sur l’ouvertu-re des listes électorales. S’il le faut, le Mrc va saisir toutes les représentations d’Elecam dans nos ambas-sades en Europe afin d’obtenir l’ouverture des inscriptions sur les listes électorales.

La sensibilisation pour les inscriptions sur les listes électorales ne sera pas suffisante à elle seule si elle n’est pas suivie par la reforme consensuelle du code électo-ral que le Mrc appelle de tous ses v?ux, après avoir déposé à l’Assemblée Nationale depuis novembre 2014 une proposition de loi en ce sens. Le Nigéria vient de nous donner une formidable leçon de démocratie à tra-vers un code électoral consensuel et une Commission électorale véritablement Indépendante. Le pouvoir et Elecam qui lui est totalement inféodé devraient se ser-vir de ce qui vient de se passer au Nigéria pour enga-ger leur introspection. En effet, la qualité du système électoral camerounais actuel est digne de régimes dic-tatoriaux car il a vocation à assurer au parti au pouvoir une victoire sans panache à tous les scrutins.

Pour les Camerounais vivant en Europe, ils sont nombreux à posséder la double nationalité. Et ont de fait perdu leur citoyenne-té camerounaise. Quel type de pression mettez-vous sur le gouvernement pour que la double nationalité soit officiellement reconnue ?

Le Mrc accorde une importance particulière à la Diaspora Camerounaise dans toute sa diversité. Cette diaspora représente le 5e pilier de notre projet poli-tique. Donc pour notre parti, la prise en compte de la diaspora n’est pas qu’un slogan. Sur la question de la double nationalité, notre parti est favorable à son adoption. Cette adoption de la double nationalité met-tra fin à toutes ces injustices et discriminations dont sont victimes nos compatriotes. Il est en effet inadmis-sible que dans les cercles dirigeants et notamment au sommet de l’Etat les gens soient des binationaux et qu’ils feignent d’être les garant d’un nationalisme dépassé dès lors que la question de la double nationa-lité peut ouvrir au peuple les opportunités qu’ils veulent conserver pour eux et les membres de leurs familles. Dans les pays européens et autres aéroports, il est courant de voir que des dignitaires du régime camerounais se prévalent d’autres passeports alors même que, pour plaire à on se sait qui, ils défendent officiellement et en public l’idée archaïque selon laquelle la nationalité camerounaise ne saurait cohabi-ter avec une autre. Nombreux sont les dirigeants publics, les membres du gouvernement, les directeurs de sociétés d’Etat, les députés, sénateurs et élus municipaux qui sont porteurs d’autres passeports. Les jour-naux les citent nommément sans que cela ne perturbe outre mesure l’autorité qui les nomme. Il faut croire les tenants du régime actuel veulent conserver pour eux le «privilège» de la double nationalité. Le Mrc entend ouvrir ce «privilège» à tous les Camerounais dès qu’il accède au pouvoir.

Quels moyens de pression met le Mrc sur notre gouvernement à ce propos, on peut dire qu’avec un seul député à l’Assemblée nationale, le Mrc n’est pas en position de changer la loi sur la nationalité. Si les Camerounais nous donnaient une majorité à l’Assemblée nationale ou si le Mrc accédait aux Responsabilités, nous n’hésiterions pas à changer ce texte d’un autre temps.

Sur le plan idéologique, quelles différences fondamentales y a-t-il entre le Mrc et les autres partis, tel le Rdpc qui vient de fêter ses 30 ans ?

Le Rdpc parle de Libéralisme Communautaire alors que le MRC parle de Social Libéralisme. Le projet politique du Mrc place l’individu entend que être social au centre de ses préoccu-pations. Pour le Mrc, Il faut libérer les initiatives individuelles pour créer les richesses sources d’emploi et moyen efficace de lutte contre le chô-mage avant de les partager.

Pouvez-vous citer quelques manquements majeurs du Rdpc sur le plan social, éducatif et économique dont vous comptez en faire vos priorités si vous parvenez au pouvoir?

J’aimerai que l’on me cite les réussites du Rdpc en 32 ans de pouvoir. Si je devais absolument retenir certains manquements j’en citerai deux principalement : l’Education et la Santé. L’Education parce que ce qui aurait pu constituer les bases de construction d’un système éducatif adapté aux besoins du Cameroun a été systéma-tiquement détruit. Les formations dispensées au Cameroun sont inadaptées à nos besoins réels. Nous formons des milliers de juristes et de doc-teurs et agrégés en sciences sociales pour une poignée d’ingénieurs. Un pays se construit avant tout par et avec des ingénieurs bien formés dans des disciplines qui amènent le pays vers la maîtrise de son indépendance scientifique et technologique. Si le Mrc arrivait aux responsabi-lités, la tendance actuelle devra être totalement inversée et le système éducatif devra être totale-ment repensé. Comment peut-on expliquer qu’un pays comme l’Allemagne regroupe aujourd’hui plus d’ingénieurs Camerounais actifs que tout le reste du Cameroun ? Et qu’en est-il des autres pays étrangers ou nos compa-triotes excellent ?

Pendant que les parents doivent envoyer leurs enfants se former dans des conditions difficiles dans notre pays, les tenants du régime envoient les leurs se former dans les meilleures universi-tés à l’étranger, et très souvent aux frais des contribuables. Et quand ces derniers reviennent au Cameroun, pour les rares qui réussissent à poursuivre des études, ils sont inscrits dans les principales écoles de la république quand les autres Camerounais doivent subir une sélection avec pour objectif de remplacer leurs parents au c?ur du pouvoir comme la démonstration vient d’être faite avec le scandale de l’Institution des Relations Internationales du Cameroun (Iric). La santé parce qu’il est choquant, et désolant de voir à quel point nos hôpitaux sont devenus des lieux d’insécurité sanitaire. Quelques constats:

La qualité de formation de nos médecins à la base a chuté au point ou ce sont les initiatives privées qui aujourd’hui fournissent les meilleures formations dans les disciplines de la santé. Nos médecins sortis du Cuss d’hier qui faisaient notre fierté font peur aujourd’hui lors-qu’on doit se faire prendre en charge par eux. Il a fallu que ce soit une Université privée qui lance sur le territoire national après d’âpres batailles avec le pouvoir les formations en phar-macie et sciences odontostomatologiques (den-taires) pour que le gouvernement suive. Le plateau technique offert par nos hôpitaux dits de référence laisse à désirer. Il est quasiment impossible de faire une Imagerie par résonnance magnétique (Irm) au Cameroun aujourd’hui. L’accès aux soins dans notre pays est devenu un luxe pour un grand nombre. Comment expliquer que hier dans notre plus jeune âge on nous par-lait de santé pour tous en l’an 2000 et que en 2015 des camerounais meurent encore de Cholera ? Dans nos écoles primaires dans les années 70, on nous distribuait gratuitement des comprimés de nivaquine à des rythmes réguliers pour prévenir de la malaria. Aujourd’hui on distribue des moustiquaires imprégnés a quelques privilégiés La qualité des soins dans nos établissements de santé est à ce point préoccupante que, nos res-ponsables, pour peu qu’ils aient le moindre mal de tête font tout pour obtenir des évacuations sanitaires ruineuses pour notre économie. Et par-fois même la nature ne leur laisse pas le temps d’en bénéficier.

Il ne suffit pas de le décrier. Le Mrc aux responsabilités fera des réformes profondes. D’abord au niveau de l’Education ou de la formation. Nous instaurerons ce que nous appelons le droit à la formation et à l’éduca-tion pour la vie. C’est-à-dire qu’à tout moment de sa vie, chaque Camerounais aura le droit de se réorienter, avec les passerelles qui seront mises en place entre les différentes disciplines. Par exemple, ce n’est pas par ce qu’on est piètre juriste qu’on sera piètre ingénieur ou inversement. Il faudra seulement avoir la volonté et répondre aux critères de qualification mis en place par les ordres professionnels. Nous inverserons les priori-tés de formation comme je l’ai dit plus haut en multi-pliant les formations d’ingénieurs. Mais ces formations d’ingénieurs répondront à un besoin de filières indus-trielles à créer. A titre d’exemple, si nous voulons créer une filière de transformation de bois, il faudra d’abord créer dans les collèges lycées et universités des forma-tions aux métiers du bois pour que cette filière puisse absorber les diplômés issus de ces formations. Au niveau de la formation en sciences de la santé, il faut noter la volonté des pouvoirs publics actuels de reformer ce secteur après un laisser-aller préjudiciable qui a vu l’application hasardeuse de la loi de 2001 sur l’enseignement supérieur privé. La brutalité et l’impré-paration avec lesquelles la reforme actuelle a été menée est regrettable. Si le Mrc arrivait aux Responsabilités, une politique de formation qui cadre avec les besoins réels du pays sera mise en place, avec un équipement approprié des établissements de formation tant publics que privés.

Malgré les richesses de notre sous-sol en produit pétrolier et minier, très peu de Camerounais sont formés dans ces domaines. Qu’est ce qui peut expliquer cela?

Disons que cela relève d’abord de la volonté politique des gouvernants. Il faut relever pour le déplorer que même si des efforts ont été faits depuis l’époque du président Ahidjo, ces efforts n’ont pas été suivis par le gouvernement actuel avec la même détermination. On a l’impression que les secteurs miniers et pétro-liers relèvent d’une secte où il faut être initié pour y être associé alors que ces deux secteurs, comme d’autres, relèvent des richesses nationales. L’opacité qui entoure la gestion des ressources pétrolières et minières doit être condamnée. Hier nous avions des assassinats de compatriotes qui étaient soupçonnés de connaitre trop de choses sur le pétrole, aujourd’hui les menaces d’un ancien dignitaire en disgrâce de l’actuel régime de rendre public les vrais chiffres du pétrole Camerounais témoignent de cette opacité que nous dénonçons. Le Mrc est pour une transparence totale de ces res-sources sous le contrôle du parlement et du sénat. J’ai parlé tout à l’heure du projet du Mrc de créer des filières industrielles. On ne peut valablement l’envi-sager et parler de l’exploitation et de l’optimisation des ressources tirées de notre sous-sol que si les Camerounais sont eux-mêmes capables de les contrô-ler. Par conséquent dans le projet de refonte de notre système éducatif et de formation professionnelle que le Mrc entend mettre en place, il faudrait d’abord créer des écoles de formation d’ingénieurs si elles n’existent pas déjà et être en mesure de pourvoir cette industrie en main d’?uvre qualifiée avant d’envisager une meilleure exploitation et une meilleure transfor-mation des richesses de notre sous-sol. On n’est pas obligé d’en assurer une transformation totale jus-qu’au produit fini mais dans un premier temps au moins une transformation primaire ou secondaire devra être envisagée.

De manière plus globale, y a-t-il au Cameroun une adéquation entre la formation et l’emploi ?

Si tel était le cas, nous n’assisterions à cette horde de diplômés de l’enseignement qui n’a pour meilleur emploi que la débrouillardise ou les motos taxis, ou encore l’exil, dans les conditions que nous connaissons.

Quelle lecture faites-vous dans votre parti sur la dernière crise qui a secoué l’Institut des relations internationales ?

Ce n’est malheureusement pas le premier cas sous le régime du Renouveau, depuis 32 ans, le pays en a connu tellement que l’opinion a fini par conclure que le régime ne peut pas se passer des tripatouillages dans les concours et examens. La classe gouvernante au pouvoir entend se perpétuer de génération en généra-tion. C’est pour cela qu’elle bricole, magouille au détri-ment de toute recherche de l’excellence. L’Etat qui devait garantir l’égalité des chances pour l’accès aux responsabilités qualifiées et aux formations de pointes est devenu celui-là même qui organise le népotisme. Le régime Rdpc n’a que ces pratiques comme mode de gouvernance. La volonté de l’élite gouvernante de pla-cer sa descendance à tous les étages de la vie publique est une obsession. Le dernier scandale de l’IRIC ne vient qu’une nouvelle fois le démontrer. On nous explique que cela relève de l’application de la loi sur l’équilibre régional. C’est une loi obsolète dont l’esprit a été dévoyé et qui est chez nous appliqué à l’envers. Par ailleurs s’il fallait regarder comment le régime applique ses propres lois, on n’en serait pas à la pre-mière expérience. On l’a vu avec les arrêtés portant sur la réforme de l’enseignement supérieur en sciences médico sanitaires, pharmaceutiques et odontostomato-logiques tout récemment. Et c’est toujours le même ministère. Il faut croire que le Ministre de l’enseigne-ment Supérieur ne doit avoir aucune emprise sur son Ministère, pour être obligé de venir à chaque fois justi-fier l’injustifiable, alors même qu’il se revendique être une créature de l’autre.

Si le Mrc arrive au pouvoir, la réforme de l’éducation et de l’enseignement, qui revêt pour nous une impor-tance capitale, intègrera la recherche de l’excellence a tous les niveaux, en jouant sur la solidarité nationale pour donner plus de moyens aux zones qui en ont moins afin que tous les citoyens aient les mêmes chances d’accès aux formations de pointe, de quelle que région qu’ils soient. S’il faut passer par la réforme de la loi sur l’équilibre régional dans un premier temps et non pas sa suppression immédiate, pourquoi pas. Mais l’application de cet équilibre régional telle qu’elle se pratique aujourd’hui n’a rien à voir avec la recherche de l’excellence et l’égalité des chances dans le contexte qui est le notre.

Sur le plan de la santé, que faut-il améliorer pour rendre la santé des camerounaises meilleures ?

C’est tout un vaste programme qui va de la formation à l’accès aux soins primaires en passant par la prise en charge des pathologies complexes, la prévention, les assurances obligatoires, etc.

Selon moi quelques pistes de réflexions consiste-raient à:

- reformer et renforcer les formations dans le domaine de la santé en dotant les universités publiques comme privées des équipements et des laboratoires de forma-tion dignes des standards internationaux, - Doter chaque région d’un hôpital de référence - instaurer une couverture maladie universelle obliga-toire, au moins pour les soins primaires ou les patholo-gies les plus courantes - réinstaurer un large programme de prévention et de vaccination obligatoire et gratuite - Renforcer les formations dans le domaine de la main-tenance biomédicale - doter les centres hospitaliers de référence d’un pla-teau technique moderne, Etc.

Tout ceci sera conduit par un principe simple : au bout de quelques années de pouvoir du MRC, aucun Camerounais, où qu’il se trouve, ne devrait être à plus de 5 km d’un centre de santé où il peut recevoir des soins primaires et a plus de 10 km d’un centre de sante intégré où il pourrait recevoir un certain nombre de soins ou d’actes un peu plus complexes.

En parlant de l’agriculture, les agriculteurs camerounais continuent à cultiver les pro-duits que nous consommons moins (Cacao, Café), alors que peu d’intérêt est porté à la culture du riz et du blé, nos principaux ali-ments de consommation dans les grande zones urbaines. Quelles sont les grandes orientations à donner à notre agriculture ?

L’agriculture était l’un sinon le fer de lance de l’écono-mie de notre pays. Et je me rappelle d’un discours du Président Ahidjo qui disait pour relativiser les res-sources issues du pétrole « qu’avant le pétrole il y avait l’agriculture, et qu’après le pétrole, il y aura l’agriculture ». Le gouvernement de l’Unc avait à l’époque lancé les grands projets agro industriels qui allaient dans le sens de la création de filières indus-trielles que le Mrc voudrait réaliser. On avait ainsi vu quelques grands projets agro industriels tels la Semry, la Sodeblé pour se limiter à ces deux exemples qui venaient accompagner les vastes projets agricoles tels les plantations de riz de Yagoua, de la plaine de Mbo et du Noun pour ce qui est du riz. Ce pouvoir avait aussi mis en place le comice agro pastoral qui était la célébration du monde agricole et l’expression de l’agriculture comme le poumon de l’activité écono-mique de notre pays. Le Pouvoir Rdpc a attendu plus de 25 ans pour tenir un semblant de comice agro pastoral à Ebolowa. Ni la qualité de participation des professionnels ni celle des infrastructures dont on a doté la capitale régionale du sud ne peuvent permettre d’affirmer que ce qui s’est passé à Ebolowa était réel-lement un comice agro pastoral. On ne sait d’ailleurs quand et surtout si le prochain aura lieu. Tout ceci pour dire que le Cameroun qui était, je crois, le deuxième exportateur Africain de café devra retrou-ver sa place. Et il ne faudrait pas opposer l’agriculture d’exportation à une agriculture beaucoup plus tournée vers la satisfaction des besoins locaux, voir sous régio-naux. Car notre pays a besoin d’être présent sur le mar-ché mondial. Nous avons besoin des devises, et la com-mercialisation de ces cultures d’exportation y contri-buent largement. Il faut d’ailleurs renforcer la produc-tion de ces produits d’exportation en aidant les jeunes agriculteurs et en trouvant des mesures incitatives pour les accompagner.

Dans le cadre de la création des filières industrielles que j’ai mentionnées, il faudrait envisager une trans-formation locale peut être de un ou deux niveaux pour s’approprier non seulement le savoir-faire, mais aussi les plus-values issues de ces transforma-tions. Nous devons cesser d’exporter seulement les produits bruts très souvent tributaires de la varia-tion des cours mondiaux.

Pour ce qui est des cultures destinées à couvrir le mar-ché local, tels le blé ou le riz (810 000 tonnes importées en 2013), mais on pourrait aussi citer le maïs (11 000 tonnes importées en 2013), le lait (17000 tonnes impor-tées en 2013), etc. Il faudrait aider et encourager les producteurs nationaux à s’y lancer en plus des pro-grammes du gouvernement qui devraient être lancés, de telle sorte qu’au bout de quelques années, ces importations soient considérablement réduites sinon totalement couvertes.

Comment faire pour résoudre le déficit en eau et électricité au Cameroun ?

On peut considérer que le Cameroun a la particularité d’être un don du ciel. Pour ce qui est de l’eau, il est quand même paradoxal de se retrouver dans un pays où plus de la moitié des départements porte le nom d’un cours d’eau mais qui est incapable d’avoir une couverture nationale satis-faisante en eau potable. L’accès à l’eau potable devrait être une mesure d’ordre public. Et le spectacle que nous voyons de nos jours dans nos grandes villes est tout simplement honteux. Même devant le palais Présidentiel à Etoudi, les Camerounais s’agglutinent tous les jours avec des bidons d’eau pour bénéficier de la magnanimité du président de le République qui veut bien leur laisser en puiser quelques litres. Dans nos campagnes la situation est encore pire avec des régions où si l’on ne fait pas près de 10 km voire plus pour accéder à l’eau, on se dispute les oasis dispo-nibles avec les animaux. L’accès à l’eau devrait être une des priorités nationales qui peut même d’ailleurs se résoudre assez rapidement par la décentralisation. On peut conférer aux mairies et aux régions la res-ponsabilité de créer des régies municipales publiques de traitement de distribution et de gestion de l’eau. Concernant l’électricité, la situation est tout aussi natu-rellement et extraordinairement favorable. Le Cameroun dispose d’immenses ressources concernant les trois principales sources d’énergies renouvelables connues que sont l’hydraulique, l’éolien et le solaire. Si on ne prend que la Sanaga, c’est sans doute le seul fleu-ve au monde ou entre la source et l’embouchure il y a un dénivelé de plus de 500m, donnant la possibilité sur tout le parcours du fleuve de la source jusqu’à la mer, d’un potentiel de 9 barrages hydro-électriques sur autant de chutes. Nous en sommes à sans doute 3 si je ne me trompe (Edéa le plus petit potentiel et le plus en aval de ces 9, Song Loulou, et bientôt Song Dong). Donc même pas la moitié de ce qu’il est possible de faire. Et que dire des autres fleuves du pays ? Si on en vient maintenant à l’énergie solaire, on pourrait en avoir sur tout le territoire 12 mois sur 12. Et en plus elle pourrait à elle seule résoudre les problèmes d’accès à l’électricité dans les zones éloignées ou le transport de l’énergie peut se poser. Et que dire de l’éolien dans les zones montagneuses à fort vent dont notre pays ne manque pas ?

En fait le potentiel énergétique Camerounais s’il était bien exploité aurait radicalement résolu l’accès à l’électricité à moindre cout tant pour les ménages que pour les industries, mais aurait aussi fait de nous un exportateur net de l’électricité.

Selon les derniers rapports de l’indice de développement humain (Idh), plus de 40% des Camerounais vivent en dessous du seuil de pauvreté. Comment le Mrc compte-t-il s’y prendre pour améliorer le standard de vie des Camerounais ?

Il faut sans doute rappeler pour vos lecteurs ce qu’est cet indice. Il regroupe un certain nombre d’indicateurs qui permettent de comparer les pays en termes de mieux vivre de leurs popula-tions. Dans ces indicateurs on peut citer le PIB c’est-à-dire la richesse créée par chaque pays, la justice sociale, le développement durable et la bonne gouvernance. Si on ne prend que le pre-mier indicateur qui est celui de la productivité ou celui de la création des richesses, on peut noter que le gouvernement nous indique une croissan-ce de moins de 5 % alors que les économistes indiquent un potentiel de la zone Cemac a plus de 6 % et un potentiel réel pour le Cameroun d’au moins 10 %. Pour ce qui est de la justice sociale, de la bonne gouvernance, il suffit de se rendre devant les institutions financières de la République ou nos parents doivent toucher leurs pensions retraites à la fin du trimestre pour voir comment le régime en place nous traite. Comment le MRC entend s’y prendre pour améliorer le standard de vie de Camerounais ? Votre question revoie au projet politique du MRC et j’ai développé quelques aspects un peu plus haut mais plus généralement, il faudrait se référer aux 5 piliers qui constituent ce projet et que je peux tout simplement énumérer, pour ne pas être trop long : il s’agit du pacte Républicain, du pacte productif, du pacte jeune et éducatif, du pacte de solidarité et du pacte stratégique avec la diaspora. 

Au regard de notre potentiel, le Cameroun a-t-il les chances d’être un pays émergeant en 2035 ?

Avec ce gouvernement et cette gouvernance. Je dirais non sans hésitation!

Au Mrc, que pense t- on de notre ennemie commun: Boko Haram ?

Notre parti à travers le Président Kamto a eu à s’exprimer à plusieurs reprises sur ce sujet. Mais je dirai que notre soutien total à nos forces armées pour combattre sans relâche ces barbares d’un autre temps est sans équivoque. Et notre parti a été parmi les premiers à exprimer publiquement ce soutien et à interpeller notre chef de l’Etat sur l’impérieuse nécessité et le devoir d’ex-plication qu’il doit au peuple Camerounais par rapport à ce conflit.

On ne peut pas à ce point mépriser tout un peuple au point d’aller déclarer une guerre qui engage la vie de nos compatriotes à l’étranger, au point de n’avoir jamais trouvé utile d’expli-quer au peuple Camerounais ce qu’est ce conflit pour que nous soyons tous unis et soudés comme un seul homme derrière nos forces armées face à cet ennemi commun, au point de n’avoir jamais trouvé utile de rendre personnel-lement hommage à nos soldats morts pour la patrie sur le front en allant s’incliner devant leurs corps ou en s’appropriant la proposition du Mrc qui voudrait que tous les enfants mineurs des soldats morts au front deviennent des pupilles de la nation et qu’un cimetière militaire leur soit dédié afin que la nation toute entière leur soit reconnaissante. Il n’empêche, je salue la clairvoyance des Camerounais qui, à ces moments difficiles, savent taire leurs griefs et leurs différences pour rester unis derrière nos soldats. A ce titre le Mrc organise une opération de soutien à nos forces armées, aux blessés de ce conflit à travers une opération de dons de sang avec l’appui des ministères de la Santé et de la Défense les 15, 16 et 17 avril 2015 dans les villes de Douala, Maroua et Yaoundé.

© Mutations : Entretien à Strasbourg avec EMILE ZOLA NDÉ TCHOUSSI

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