Un «homme de réseaux» retrouvé pendu à Yaoundé
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Prosper Antoine Etoundi, plus connu sous le pseudonyme «Kiki» est mort dans des conditions à élucider.

C’était le genre de personnage qui était partout et nulle part. Un dandy âgé de 63 ans, qui ne faisait pas son âge, sa peau métissée aidant. Prosper Antoine Etoundi, «Kiki» comme on l’appelait affectueusement, connaissait toute la crème de la République ou presque, comme le fond de sa poche. Sous ses airs crâneurs et faussement désinvoltes, il était à la fois une «gorge profonde» (informateur secret), un missi dominci (envoyé spécial du souverain), «un faiseur de rois» mais surtout un «visiteur du soir» des personnalités influentes du sérail, le prince y compris. Comme sa silhouette filiforme de l’indiquait pas nécessairement, «Kiki», était un «dur à cuire», comme on en trouve peu dans les arcanes du pouvoir de Yaoundé.

Depuis dimanche 29 mars 2015, «Kiki» a quitté la terre des hommes. Dans des conditions aussi floues que dramatiques. Son corps a été retrouvé pendu au bout d’une corde dans sa résidence au quartier Bastos, que le cabinet civil de la présidence de la République avait mise à sa disposition, certainement pour services rendus. Ses proches disent pourtant qu’il n’était pas malade, même si samedi, au cours d’un crochet en famille, il s’était montré quelque peu stressé, anxieux. Lorsqu’on le découvre inerte dans son domicile, après avoir en vain essayé de l’obtenir au bout du fil, «Kiki» présente «un visage serein, les pieds pas proches du sol, pas de déjections dans son slip, pas de langue pendue». Des indices qui tendent à balayer la thèse du suicide. L’enquête ouverte permettra en tout état de cause de faire la lumière sur cette disparition brutale.

Réseaux

Entre-temps, Danielle, l’épouse en seconde noces de «Kiki», qui gère en restaurant huppé et bien connu à la Rue Njoh Njoh, à Douala restera bien seule. Les proches de Prosper Antoine Essomba affirment que ce dernier l’aimait éperdument. Les mêmes indiquent que «Kiki» était choqué par l’ingratitude de tout ce beau monde qu’il a aidé, qui à être ministre, qui à décrocher un poste de directeur général, à être haut gradé dans la police, ou l’armée ou revêtir la redingote d’ambassadeur. «Un jour, je l’ai vu pleurer à chaudes larmes, car fauché, il essayait en vain d’obtenir un dépannage auprès de personnalités. Kiki n’avait pas d’activité connue. D’aucuns disent qu’il vivait du trafic d’influence. Mais, dans tous les cas, je pense qu’il gagnait dignement sa vie. Ce n’était pas une barbouze», informe une source proche du sérail.

Fils d’Etoundi Essomba, le premier directeur de race noire du Centre pasteur de Yaoundé et d’une ressortissante française, «Kiki» était indubitablement «un homme de réseaux qui en savait trop». Est-ce cela qui lui a coûté la vie-? «Kiki est mort en martyr», pense l’une de ses fréquentations. Toujours jovial et «très gentil», ce Mvog-Ada a été introduit, apprend-on, au palais de l’Unité par feu Jeanne Irène Biya. Après le décès de l’ex-première dame, il est l’une des victimes de la «chasse aux sorcières» dans le saint des saints, mais il finit par rebondir dans les cercles du pouvoir. «Il a recommencé le boulot avec le cabinet civil, après ce passage à vide. Il appelait parfois et à travers le haut parleur de son téléphone, on pouvait entendre la voix de quelque personnalité. Lui et Jean Nkueté s’appelaient par exemple «Etoun Mot», en langue beti, le nabot. Il était influent et souvent incontournable. On avait le sentiment que la République était à ses pieds», souffle une source.

Une autre connaissance de «Kiki» raconte cette scène où, cerné par une meute de policiers à une heure avancée dans une rue de Yaoundé, sans «papiers» dans son véhicule, «Kiki» surgit comme de nulle part et dit aux forces de l’ordre-: «Vous ne connaissez pas ce monsieur-? C’est l’un des meilleurs avocats du régime Biya. Laissez le partir!». Aussitôt dit, aussitôt fait. «Excellence», comme on ne se privait pas de lui servir dans des lieux chics de la capitale, et partout où il jouait les masters of ceremony, s’en est allé. Adieu gentleman-!

© Mutations : Ibin Hassan

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