Barrage de Memev'ele  : Dialogue de sourd au sujet des indemnisations
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Une ONG catholique a publié un rapport dans lequel les populations disent ne pas être traitées conformément aux promesses que leur ont faites les autorités.

L'information fait le tour des rédactions. Les riverains du barrage hydroélectrique de Memve'ele dans la région du Sud seraient aux abois. La conclusion est celle du Centre d'Actions pour la vie et pour la Terre, une ONg affiliée à l'église catholique. Le gouvernement et la direction du projet ne semblent pas respecter les standards et normes internationaux relatifs aux politiques de sauvegarde de la Banque mondiale. La principale pomme de discorde entre les parties est relative à l'indemnisation.

Des  sources au sein de la direction du projet rejettent ces accusations en bloc. Les interlocuteurs de votre site web d'information précisent que la procédure d'indemnisation à Memve'ele s'est déroulée selon les lois en vigueur au sein de la république. Le siège du projet à Yaoundé s'étonne par ailleurs qu'il y ait des récriminations de la part des populations qui ne sont pas répercutées au préfet de la vallée du Ntem. C'est cette autorité administrative qui assure le suivi au quotidien du projet notamment sur ses aspects d'impact social et environnemental. Pour couper court à cette "mauvaise publicité", le directeur du projet dieudonné Bisso devrait faire une mise au point le 25 mars 2015.

L’objet du litige

Une réplique sans doute aux responsables du Centre d'Actions pour la vie et pour la Terre qui ont invité la presse le 16 mars 2015 à douala. Les journalistes ont pu discuter avec quelques chefs traditionnels des villages impliqués dans le projet. Ces derniers ont relevé dans les échanges que la campagne d'indemnisation n'a pas été à la hauteur du préjudice subi. L'étude du Centre d'Action pour la vie et pour la Terre note que 30% des biens ont été sous évalués selon les populations qui sont pourtant contraintes de se voir priver de leurs plantations de cacao, d'hévéa et d'autres cultures. Les sommes déboursées par le projet sous la supervision du ministère des mines couvrent non seulement les cultures (386 879 516 francs)  mais aussi les plantations d'hévéa (461 670 000 francs).

Autre préoccupation. Alors que la construction du barrage entame sa dernière ligne droite, certaines populations doivent quitter définitivement leurs villages. Or il se fait selon l'étude de l’ONG catholique que seuls les villages Nyabizan et Aloum I ont été clairement identifiés comme devant être déplacés. Les habitants des autres hameaux qui doivent aussi partir sont désemparés. Et même dans les villages où il y a eu quelques indemnisations, tout n'est pas rose. C'est par exemple ce que raconte M. Engolo Ayo, un riverain invité à douala par l’ONG. Sa maison a été évaluée à 700 mille francs. Une somme qui suffit à peine pour poser la fondation d'une nouvelle résidence. Après plusieurs démarches infructueuses, le sentiment est que le premier ministre, les ministres des affaires foncières, de l'eau et de l'énergie n'entendent pas donner suite à ces récriminations. Le Centre d'Action pour la vie et pour la Terre s'est quant à lui engagé à soutenir ces familles à mener à bien leurs procédures auprès des instances et administrations compétentes.

Mémorandum de ma'an

L'hebdomadaire repères a rendu public en novembre 2014 un mémorandum signé des élites de l'arrondissement de Ma'an berceau du projet de barrage. Celles-ci se plaignent déjà dans ce document de la désinvolture du gouvernement dans la mise en œuvre du Programme d’accompagnement socio-économique des riverains du projet de Memve’ele (Pasem). Le gouverneur du Sud, Jules Marcellin Ndjaga a pourtant adressé le problème lors d'une réunion tripartite Pasem, direction du projet et populations tenue in situ le 09 octobre. Le nouveau développement des querelles à Memve'ele intervient dans la foulée de l'annonce du ministre de l'eau et de l'énergie. Basile Atangana Kouna a fait savoir dans un communiqué qu'à un an de la livraison contractuelle de ce barrage hydroélectrique les travaux à Memve'ele sont achevés à 60 %.

Les riverains du projet Memve’ele expriment leur colère

Dans un mémorandum adressé au gouvernement, les « forces vives de l’arrondissement de Ma’an » s’insurgent contre les fausses promesses faites aux populations. A deux ans de la fin des travaux du barrage hydroélectrique. C’est un document qu’on prend très au sérieux dans les hautes sphères de l’état. Il est intitulé « mémorandum des forces vives de l’arrondissement de Ma’an, département de la vallée du Ntem ».

C’est un coup de colère pour dénoncer les promesses faites aux populations riveraines du projet de construction du barrage hydroélectrique de Memve’ele, dont la première pierre a été posée en grande pompe par le président de la république le 15 juin 2012. « A moins de deux ans de la date prévue de livraison du barrage (2016), il apparaît plus qu’urgent de voir se mettre en œuvre dans la zone du projet, une véritable dynamique du développement telle que prévue lors de l’élaboration de ce projet par le gouvernement à travers le  Programme d’accompagnement socio-économique des riverains du projet de Memve’ele (Pasem). »

Il n’y a pas une seule élite locale qui n’ait apposé sa signature sur cette correspondance qui s’insurge contre le calme plat affiché par un Pasem destiné à changer la vie dans ce coin oublié du Cameroun. Du maire de la commune de Ma’an, Gervais Mengue Essono, et ses conseillers municipaux aux chefs de quasiment tous les villages, en passant par des noms connus comme Emmanuel Mve Elemva ou le sénateur Xavier Ondo Menye. Adressé au ministre de l’eau et de l’énergie le 6 mai 2014, le mémorandum se retrouve dans les services du Premier ministre. Sentant le côté névralgique et sensible du Louis Paul Motaze transmet le 18 juin à Basile Atangana Kouna le vœu de Philémon Yang d’avoir, dans les meilleurs délais, « le point sur le programme d’accompagnement socio-économique (Pasem) mis en place par l’état dans le cadre du projet de construction du barrage hydroélectrique de Memve’ele. »

Le bilan est déjà dressé par les « forces vives » de Ma’an et de Campo. « Malgré un budget estimé à 17 milliards de francs CFA, aucune lisibilité ne se dégage jusqu’ici en terme d’activités pertinentes dans le sens de l’implémentation d’infrastructures socio-économiques sur le terrain (adductions d’eau potable, électrification rurale, centres de santé, écoles, routes, etc.) ou le développement de projets générateurs de revenus en agriculture, élevage, foresterie, pisciculture, etc. tels que prévus par le Pasem) », écrivent-elles. A peine 5% des travailleurs du projet sont des ressortissants de la zone riveraine, alors que « nos jeunes ont le profil de l’emploi… et ont pourtant introduit des demandes qui sont restées sans suite. » et de rappeler dans ce mémorandum que l’arrondissement de Kye-Ossi voisin, « où plus de 70% de la population économiquement active est « allogène »et les « autochtones » devenus minoritaires dans leur propre terroir.» Le mémorandum s’achève sur une mise en garde : « Les populations, notamment les jeunes, sont désabusées…Cette grogne s’amplifie de jour en jour ».

L’ambiance est devenue si délétère sur le terrain et le gouvernement si préoccupé des conséquences possibles que le gouverneur Jules Marcelin Ndjaga a organisé le 9 octobre à Ma’an une rencontre entre les parties prenantes. Les populations ont redit leurs appréhensions de voir la construction du barrage de Memve’ele, leur moyen de pression, s’achever sans retombées pour elles, exactement comme les populations d’ebolowa qui attendent toujours la finalisation des projets inachevés du comice agropastoral, malgré une promesse présidentielle. Le directeur du projet, Dieudonné Bisso, et le coordonnateur du Pasem, Ba’ana Sapouma, ont donné des assurances. Et tout le monde est rentré content ? « Nous attendons de voir l’investissement de 17 milliards de francs annoncé», indique emmanuel Mve. De juillet à août derniers, 300 jeunes ont été formés à la maçonnerie, au ferraillage, à l’électricité et, entre autres, à la plomberie. « Trop peu et trop tard. Quand seront-ils recrutés alors qu’il n’y a plus quelques mois de travaux sur le barrage », s’énervent les élites locales. D’un coût de 365 milliards pour une puissance installée de 201 MW, le barrage de Memve’ele n’est pas qu’une opportunité d’accroissement de la production électrique du réseau interconnecté sud (ris) du Cameroun, c’est pour les populations locales très pauvres et enclavées de Ma’an et de Campo, dans le Sud- Cameroun, l’occasion de «transformer leur quotidien ».

Ainsi est mis sur pied, en même temps que l’unité opérationnelle de construction, le Pasem (Programme d’accompagnement socio-économique des riverains du projet de Memve’ele), qui se propose de « mobiliser les potentialités de la zone d’emprise du projet pour donner du relief aux effets positifs et endiguer les effets négatifs consécutifs à la construction du barrage.»

Séduisant sur le papier, le pasem souffre d’un mal congénital.

A sa création, ce programme supposé corriger les éventuelles conséquences du barrage de Memve’ele est placé sous la responsabilité du directeur du projet, Dieudonné Bisso. Conséquence, le Pasem n’est pas doté d’un budget propre et n’est pas considéré par l’équipe du projet comme une priorité budgétaire. D’où l’absence d’activités sur le terrain telle que décriée par le mémorandum et un déficit criard de communication avec les populations pourtant cibles du programme. Il y a quelques mois, une étude indépendante a été rendue sur la mise en œuvre du Pasem. Elle déplorait déjà « l’indisponibilité des financements ou le déblocage tardif des fonds ». Et prévenait : « si cette situation persiste, elle est susceptible de soulever des tensions et des conflits entre les populations et le projet. » Prémonitoire. Parmi les griefs portés par les populations, il y en a un, que les uns et les autres évitent en public, mais confient allègrement en privé. C’est le management du directeur du projet Dieudonné Bisso, accusé de négligence vis-à-vis du Pasem, qu’il considère comme « son machin ». On cite comme preuve le recrutement de son propre fils comme financier exclusif du programme.

© Repères : Parfait N. Siki

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