Njoya Moussa, « Si Godluck gagne, on risque avoir un cailloux dans notre chaussure»
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Le politologue analyse les enjeux des élections qui auront lieu samedi prochain au Nigéria.

La fracture Nord-Sud va-t-elle se ressentir dans cette élection ?
Non la fracture Nord-Sud ne va pas se ressentir lors de cette élection qui se tient samedi prochain au Nigéria. Cela d’autant que la fameuse théorie du zooning n’a pas de sens ; les sphères géopolitiques du Nigéria sont structurées du Nord, du Sud-Est et du Sud-Ouest autour du Y que forme le fleuve Niger ne soit pas véritablement quelque chose d’attesté. Donc, la fracture Nord-Sud est une mythologie. Avec la fameuse mythologie de l’Akaduna mafia qui voudrait qu’à l’époque, les généraux originaires du Nord s’entendent pour prendre le pouvoir. Cela n’existe pas dans les faits. Et le cas de Yakoubou Gowon que les gens considèrent comme nordiste alors que son père est un chrétien évangéliste l’a attesté. J’aimerai dire qu’une partie du mend est pour Bouari et une autre partie est pour Goodluck Jonathan. On voit les gens comme Olesegun Obasandjo qui a pris cause pour Bouari plus ou moins par solidarité militaire. Olesegun prendra le pouvoir après Bouari.

Comment expliquez-vous l’imbroglio actuel au Nigéria ?
Ces anciens militaires estimaient que si l’armée se porte mal aujourd’hui au Nigéria, c’est du fait de l’incapacité noire de Godluck qui ne comprend rien à rien. Ils sont nombreux à penser au Nigéria à penser que le pays est totalement ingouverné et qu’il ne s’agit par conséquent pas d’une affaire du Nord et du Sud. C’est une affaire de déficience où le leader n’est pas à même de faire régner l’ordre. Il s’agit concrètement de sa voir comment sortir de la situation d’un leader faible à un leader fort qui puisse garantir la gouvernabilité du pays. C’est cela le vrai problème du Nigéria ! On a toujours cette tendance là en Afrique à opposer le Nord et le Nigéria. Souvent, le débat est beaucoup plus complexe que cela. On oppose à tort les antagonismes politiques aux antagonismes géographiques. C’est assez réducteur de parler de fracture Nord-Sud. Quel est le rôle que les militaires comptent jouer, c’est cela le véritable débat ! Quel est le rôle que les affaires d’affaires tels que Dangote comptent jouer dans le futur ? Enfin, quel est le niveau du raz le bol de la population ? Au-delà de Boko Haram, la majorité des Nigérians pense que le pays n’est pas gouverné.

Le phénomène Boko Haram peut-il être résolu si le Nord gagne les élections ?
Non ! Pas du tout ! Ce n’est pas le Nord qui gagne les élections. Il n’est pas sûr que l’affaire Boko Haram(Bh) va s’arrêter. Cela d’autant plus que Bh a des antécédents avec Bouari. Vous connaissez l’idéologie de Bh qui est djihadiste, islamiste et tout. Il se trouve simplement qu’Ahmadou Bouari a choisi comme colistier, un chrétien. Il y a cinq ans, il avait choisi non seulement un chrétien mais un ancien musulman qui était devenu un chrétien évangéliste. Bh condamne le fait de renier sa religion à la peine de mort ; vous comprenez que Bouari n’est pas aussi l’ami de Bh. Bien au contraire, en prenant le pouvoir ? Bouari va vouloir montrer que Bh, ce ne sont pas seulement les nordistes comme on a souvent prétendu qui financent Bh; il voudra montrer qu’il n’est pas là président musulman pour favoriser Bh. Il risque même monter d’un cran dans la répression contre Bh. Bh pourrait même gagner beaucoup plus violemment comme on a observé.

Qu’en est-il de l’incidence de la baisse du prix du pétrole dans ce pays ?
Oui mais contrairement à ce qu’on croit, le Nigéria est un pays génial. Il faut tenir compte de l’ingéniosité des populations, le tissu des affaires informelles, le textile, la débrouillardise quotidienne, etc qui sont beaucoup plus forts que le système économique formel. On ne va pas dramatiser outre mesure. On ne peut pas nous dire que c’est grâce au pétrole que le Nigéria est la première économie de l’Afrique. Cela résulte beaucoup plus de l’ardeur au travail des Nigérians. Nous sommes Camerounais et nous voyons comment à Mvog Ada, à Garoua et au camp Yabassi, ils travaillent au quotidien. Certes, la baisse du coût du pétrole a entraîné des problèmes budgétaires mais il faut dire qu’ils concernent beaucoup plus la classe gouvernante. Le petit peuple au Nigéria ne connaît pas les problèmes budgétaires. Il n’a pas de contact avec les gouvernants. Au Nigéria, on parle de democrazy, cette politique mafieuse qui n’apporte rien aux populations.  

Quels sont les risques pour un pays voisin comme le Cameroun ?
En fait, on est entre deux scénarios, il y a l’un qui est moins catastrophique : Bouari gagne les élections, il monte d’un cran dans la répression de Bh et que cela s’accompagne de l’action des acteurs de la Commission du bassin du lac Tchad que sont le Niger, le Tchad et le Cameroun. Cela par une triangulation permettra de venir à bout de bh. Mais l’autre scénario, c’est que Godluck gagne les élections. Alors, là, on se retrouve dans une situation de pourrissement. Parce qu’il n’a plus d’interlocuteur dans la sous-région. Il n’est pas d’ailleurs sérieux et la dernière action en date, c’est sa demande de retrait des troupes tchadiennes de Gambarou qu’ils avaient libéré. Aujourd’hui, la conséquence est palpable, Bh crée encore des troubles et des tensions entre les troupes tchadiennes et camerounaises. Aujourd’hui, il a tout simplement un comportement de voyou. C’est le message que sont allés lui transmettre Theodoro Obiang NGuema et Sassou Nguesso au lendemain du sommet tenu à Yaoundé. Dans la sous-région, on en a marre. Si Godluck gagne les élections, on risque avoir un caillou dans notre chaussure.

© Le Jour : Jean-Philippe Nguemeta

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