RDPC : Les inimitiés politiques dans le Grand-Nord
CAMEROUN :: POLITIQUE

CAMEROUN :: RDPC : Les inimitiés politiques dans le Grand-Nord :: CAMEROON

De Kousseri à Banyo, les rivalités politiques ont cours dans le Septentrion.

Si des rivalités de grande ampleur meublent désormais le paysage politique des régions septentrionales - voir article à la page 2 -, le moins que l’on puisse dire est que des foyers de basse intensité sont également actifs dans la quasi-totalité des départements. Dans le Mayo-Danay, région de l’Extrême-Nord, les observateurs notent ainsi la tension qui règne entre l’ex-député et président de la section Rdpc de Doukoula, Djamara Loursantou, et l’actuel ministre des Sports et de l’Education physique, Adoum Garoua. C’est peu de dire que les deux hommes ne se portent pas dans le coeur. Morceaux choisis : le 6 novembre 2008 à Kalfou, des fidèles de Djamara Loursantou ont humilié le ministre Adoum Garoua. «On ne vient pas au Rdpc par décret, mais par conviction», lui avait alors balancé au visage l’ex-député, faisant allusion au séjour du ministre dans la formation de Dakolé Daïssala (MDR).

Ce même jour, après la lecture par Abdoul Bagui, prince de Kalfou et vice-président de la section, de la motion de soutien adressée au chef de l’Etat, le bureau de la section avait immédiatement quitté les lieux de la cérémonie alors même que le ministre Adoum Garoua, délégué du comité central, n’avait pas encore pris la parole. Pis, le matériel de sonorisation avait été démonté, sous le regard interrogateur des militants et autres invités. Puis, comble de l’ignominie, le ministre avait été prié publiquement de ne plus remettre les pieds chez lui en qualité de chef de délégation du Rdpc, sous peine de lourdes conséquences.

Patient, le ministre Adoum Garoua prendra sa revanche lors des législatives de 2013, avec l’échec de son camarade aux élections législatives. Le MDR profitera de cette bagarre pour faire triompher son candidat. Les partisans de Djamara Lourssantou y verront derrière cette déconvenue, la main du ministre. Autre lieu, autre champ de bataille : Yagoua. Ici, l’ancien directeur général de l’Imprimerie nationale, Rodo Marcel, et la députée Isabelle Silikam se livrent une guerre presqu’ouverte. Le premier n’a jamais pu terrasser la seconde lors d’une joute électorale interne au parti. Dépassé sur le terrain politique, Rodo Marcel a donc porté le débat sur l’espace public comme en témoigne cette charge, le 6 novembre 2014 à Yagoua, contre les parlementaires du Mayo Danay, qu’il accusait d’avoir  distrait une aide destinée à des sinistrés. «Sur le coup, j’étais vraiment remontée. Je voulais me lever immédiatement pour lui répondre, parce que ces accusations sont très graves. N’eût été les élites qui étaient avec moi, je lui aurais répondu sur le champ. Le secrétaire d’Etat Mounouna Foutsou m’a demandé de me calmer, et d’autres élites m’ont dit que si un fou arrache mon habit et que je cours derrière lui, moi-même je serai considérée comme une folle», avait réagi Mme Silikam dans les colonnes de votre journal.

Dans le Logone et Chari, la bataille politique, bien que discrète, se déroule essentiellement dans le camp des Arabe-Choas. Après avoir conquis une position dominante dans l’espace politique local à la faveur du multipartisme et ce, au détriment des Kotoko, les frères alliés d’hier sont aujourd’hui confrontés à la difficile gestion du pouvoir. Deux principales factions s’opposent : celle du député Kamssouloum Abba Kabir et celle du ministre délégué chargé du Monde islamique, Adoum Gargoum. Même ambiance dans le Diamaré, où le ministre délégué Yaouba Abdoulaye livre un duel acharné contre une poignée de cadres du Rdpc. Parmi ceux-ci, se retrouvent le député Sali Daïrou et le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Maroua, Bakary Yaouaré. Lors des dernières élections législatives de septembre 2013, le ministre a tenté un coup de poker. Dans la circonscription du Diamaré-Centre, où l’ancien ministre Sali Daïrou était candidat, des militants se réclamant du ministre Yaouba Abdoulaye avaient invité les électeurs à sanctionner l’ancien ministre de la Fonction publique.

Pour convaincre les sceptiques, ils avaient photocopié et distribué des extraits d’une interview accordée par Sali Daïrou à des journaux en 2009 dans laquelle il s’engageait à ne plus briguer de nouveau mandat. «J’avais décidé après le premier mandat, de me retirer pour me mettre à l’écart et continuer à appuyer la section matériellement, financièrement et moralement, comme je le fais depuis 1986. Donc, le fait que je dise de manière claire qu’en 2012 je ne serai pas candidat à un poste électif au niveau de la base, traduit l’engagement que j’avais pris avec cette base. Je souhaite donc que d'autres camarades du parti puissent goûter aux délices d’être élu, tant au niveau du poste de président de la section, que de celui de député. Parce que vous savez que beaucoup ont soutenu le parti, beaucoup se sont investis matériellement et financièrement. Je voudrais leur laisser la possibilité de pouvoir avoir la récompense suprême pour les efforts qui ont été faits.

Parce que pour un militant, la récompense suprême, c’est d’être élu par la base. Je souhaiterais que ce retrait ne soit donc pas interprété comme une démission. C’est le choix que j'ai délibérément fait de ne pas continuer à occuper les postes de président de section et de député, de ne pas barrer la voie aux nombreux militants qui ont des contributions substantielles à apporter au Rdpc. En 10 ans, je crois avoir tout donné». Ainsi avait déclaré pompeusement l’ex-ministre. La manoeuvre, mise sur le dos du ministre délégué par les partisans de Sali Daïrou, était non seulement de neutraliser l’ancien ministre de la Fonction publique, mais également d’en faire porter le chapeau au délégué de la communauté urbaine de Maroua, Bakary Yaouaré, qui avait, lui, bruyamment protesté contre l’absence d’un candidat Guiziga, sa communauté d’origine, sur les listes Rdpc aux législatives.

Dans la région du Nord, depuis la retraite politique de l’ancien Premier ministre Sadou Hayatou, l’élimination politique de Marafa Hamidou Yaya, les arrestations d’Iya Mohamed et Mme Haman Adama, le jeu politique autrefois animé dans la Bénoué, a désormais laissé place à une méfiance des acteurs à l’égard du lamido de Rey-Bouba, Aboubakary Abdoulaye, que la hiérarchie du Rdpc et de l’Etat essayent d’imposer comme l’homme clé de la région où traditionnellement le centre d’intérêt politique se trouve à Garoua. Cette nouvelle donne, scrutée de près par les uns et les autres, brouille les rivalités secondaires. L’on sait seulement que dans le Faro, l’actuel secretaire d’Etat en charge des Anciens combattants, Koumpa Issa, est toujours aux prises avec Allabira Mamadou, directeur général adjoint de l’Autorité aéronautique.

Dans la région de l’Adamaoua, hormis le conflit qui attire l’attention dans le Mayo-Banyo (lire page 3), les foyers de faible tension sont enregistrés dans la quasi-totalité des départements. Dans la Vina, il est de notoriété publique que l’homme d’affaires Issa Maroua et l’ancien ministre du Tourisme et sénateur, Baba Hamadou, se détestent cordialement. L’homme d’affaires est également en bisbilles avec Sali Moussa. Les deux camarades n’hésitent même plus à descendre jusque dans les caniveaux pour s’accuser mutuellement de tous les maux. Dans le Mbéré, le vice-président de l’Assemblée nationale, Baoro Théophile, chemine toujours avec son vieil opposant Hamadou Paul. Des années qu’ils ne se quittent plus ! Tout près, la députée Halia Moussa croise le fer avec l’homme d’affaires Nana Bouba, qui avait eu la maladresse de soutenir la candidature d’un certain Mouktar…

Dans le Djerem, c’est Aoudi David qui s’active toujours de toutes ses forces au comité central du Rdpc afin que Saoudi, président de l’association de développement du coin, n’émerge comme une personnalité politique de premier plan. Aoudi David doit également gérer le cas de l’ex-député Hamidou qui le poursuit de sa vengeance politique. En effet, alors que ce dernier voulait briguer un troisième mandat décisif à l’hémicycle en 2007, il avait préféré apporter un soutien bruyant à l’ancien lamido Abdoulkadri. Hamidou n’a toujours pas digéré la pilule. Dans le Faro et Déo, l’ancien gouverneur Amadou Tidjani et l’ancien ministre de l’Elevage, des industries et des pêches animales, Aboubakary Sarki, gaspillent leur peu d’énergie dans un duel épique dont nul ne peut prédire l’issue, ni le bénéfice.

© L’Oeil du Sahel : RAOUL GUIVANDA

Lire aussi dans la rubrique POLITIQUE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo