LE TAM-TAM DE LA COMMUNICATION DE GUERRE: Comment le Cameroun s’en sert ?
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LE TAM-TAM DE LA COMMUNICATION DE GUERRE: Comment le Cameroun s’en sert ? :: CAMEROON

La propagande et l’action psychologique ont été de tout temps utilisées par les gouvernements en guerre. Un <<papier>> ou une photo peuvent faire mouche plus qu’une balle. Faute de pouvoir s’attaquer aux forces adverses, on peut viser leur mental.<<Les guerres modernes se gagnent d’abord dans les opinions>> affirme stéphane Koch chargé de cours à l’école de guerre économique de Paris.

Les américains estiment que la guerre du Vietnam a été perdue en bonne partie parce qu’ils ont laissé les journalistes totalement libres d’aller sur les terrains de combat et d’en rapporter ce qu’ils voulaient, tout particulièrement des images de morts.

Dans la plupart des guerres modernes l’armée a souvent ses propres <<journalistes>> qui sont généralement des militaires. C’est eux qui distillent aux agences de presse des informations fausses.

Mais à qui s’adresse la communication de guerre ? A qui s’adressent les militaires des armées en guerre lorsqu’ils décident de transgresser

la vérité, de dire des choses inexactes. Les militaires nous expliquent que la communication de guerre s’adresse à l’adversaire. Elle a pour but de saper son moral. On peut aussi estimer qu’un gouvernement qui divulgue des informations fausses sur l’Etat des affrontements s’adresse d’abord à sa propre population. La propagande de guerre a aussi but de maintenir la cohésion de la nation derrière l’armée et son gouvernement. Un gouvernement joue sa crédibilité dans l’issue d’une guerre et peut-être même sa survie dans le contexte d’une démocratie.

Si la population commençait à recevoir des informations révélant que le pays perd des soldats par centaines des voix discordantes ne tarderaient pas à surgir dans l’opinion mettant en cause la conduite de la guerre, l’allocation des moyens, la motivation des troupes, la gestion financière de la guerre…

On peut aussi supposer qu’à travers une communication bien huilée l’armée est souvent dans un discours sur elle-même. Pourquoi ne serait-il question dans le cas précis du conflit qui nous oppose à la nébuleuse islamiste de sauver le mythe du BIR .Oui le BIR, nous parlons de cette unité d’élite surentraînée et suréquipée , échappant à la hiérarchie militaire et prenant directement ses ordres de la présidence. Fruit du rapprochement avec Israël , ses hommes furent tour à tour entraînés par Meir Meyouhkas dit<<meyer>> colonel du Mossad officiellement à la retraite avant que ce dernier ne soit remplacé par le colonel Abraham Avi Sivan ancien attaché de défense de l’ambassade d’Israël à Yaoundé ,disparu de manière assez trouble dans un accident d’hélicoptère.

Le Baron Arthur Ponsonby ,pacifiste militant, hostile à l’entrée en guerre de la grande Bretagne en 1914 , publia en 1928 un ouvrage intitulé Falsehood in Wartime. Dans ce livre troublant il énonçait les

dix principes de la propagande de guerre. Ces principes ont été énoncés dans le cadre de la guerre classique assumée par les peuples belligérants s’engageant massivement nations contre nations. Mais les guerres de cette nature sont derrière nous. Elles semblent progressivement remplacées par une nouvelle configuration de l’affrontement qui est La guerre dite asymétrique. Dans ce mode particulier de la confrontation militaire, le moins lotis sur le plan de l’armement va éviter le face à face. Il va recourir aux pratiques artisanales de la guerre : La terreur, les attentats-suicides, l’installation d’engins explosifs sur les lieux de passage, les massacres de populations civiles, les prises d’otages, les attaques à la bombe, l’action indirecte et psychologique... Cette nouvelle forme de guerre peut mettre en déroute une grande nation. Nous sommes entrés dans l’ère de <<la puissance relative>> selon la formule de pierre Hasner.

La guerre que mène le Boko haram contre l’Etat du Nigeria et les pays voisins comme le Cameroun est différente des guerres classiques par sa configuration et différentes des guerres de libération sur le plan de la validité morale et politique. Les guerres de libération étaient guidées par des causes nobles comme le besoin d’autodétermination. Le Boko Haram poursuit des objectifs intenables : Sa cause n’est pas recevable au-delà du périmètre de l’islamique imbibé de substances illicites.

Dans le contexte des guerres classiques La propagande recourt beaucoup à la diabolisation de l’autre. Le dénigrement de l’ennemi n’est pas nécessaire pour discréditer une nébuleuse islamiste portée au tragique. Le Boko Haram s’est suffisamment discrédité lui-même, par ses méthodes et ses objectifs.

Dans la propagande des guerres classiques les nations belligérantes cherchent chacune à persuader leur peuple qu’elles luttent pour des causes nobles et non pour des préoccupations égoïstes. Il est trop facile de vendre à n’importe quelle opinion publique la guerre que nous menons contre le Boko Haram. L’islamisme radical incarne très certainement le visage le plus odieux du <<théologico-politique>>.

Si l’armée Camerounaise n’a pas besoin de démontrer que le visage de l’adversaire est exécrable parce qu’il l’est un peu trop, elle n’a non plus besoin de démontrer qu’elle ne fait autre chose que de défendre son territoire, ses biens et ses personnes.

Il n’y a néanmoins un niveau où elle pratique comme n’importe qu’elle armée au monde de la propagande. C’est lorsqu’il faut communiquer à l’opinion publique le résultat des affrontements : Qui a gagné le corps à corps, qui a dominé l’autre. Dans l’énonciation des dix commandements de la propagande de guerre de Lord Ponsonby, ce niveau de la propagande constitue le 7e commandement.

Le pacifiste britannique le formulait en ces termes :

Nous subissons très peu de pertes, les pertes de l’ennemi sont énormes

A de rares exceptions près, les êtres humains préfèrent généralement adhérer à des causes victorieuses. En cas de guerre l’adhésion de l’opinion publique dépendra donc des résultats du conflit.

Si ces résultats ne sont pas bons la propagande devra cacher nos pertes et exagérer celles de l’ennemi.

La guerre de 1914-1918 a été une guerre de communiqués ou parfois d’absence de communiqués. Ainsi un mois après le début des opérations, les pertes françaises s’élevaient déjà à 313000 tués environ. Mai l’Etat major français n’a jamais avoué la perte d’un cheval et ne publia pas la liste nominative des morts. La presse française exploita les pertes des allemands mais ne parla jamais des siennes. Selon qu’on consulte les sources françaises ou allemandes, l’issue de certaines batailles semble avoir été favorable aux uns et aux autres. Ainsi Verdun est –elle présentée par chaque camp comme sa grande victoire.

LA COMMUNICATION CAMEROUNAISE

Depuis l’entrée en guerre de l’armée camerounaise contre la nébuleuse islamiste plusieurs communiqués au contenu similaire nous sont parvenus. Ils correspondaient presque tous au schéma de Ponsonby :Les pertes de mon adversaire sont énormes ,les miennes sont minimes.

L’un de ces communiqués fait état de violents combats entre les insurgés islamistes et l’armée camerounaise. Boko haram perd 107 et le cameroun n’en perd que 8 ;

Le 15 Octobre 2014 de violents affrontements sont signalés dans le département de Mayo Sava ,du Logone et Chari.Les islamistes attaquent le Camp du BIR. On parle des combats d’une rare intensité.

Le corps à corps s’achèvera en faveur de l’armée camerounaise, selon le schéma de Ponsonby.Les islamistes perdent 134 éléments.l’armée camerounaise n’en perd que 8 ;

Le 12 Décembre 2014 l’agence chinoise Xinhua publie un communiqué révélant de violents affrontements à Amchidé une localité du nord Cameroun frontalière avec le nigéria. L’attaque est menée par plus de 400 combattants du Boko Haram.On dénombre 180 morts chez les assaillants. Aucun du côté des forces camerounaises. Ces affrontements survenaient deux mois après que le Boko Haram ait enregistré 200 morts lors d’affrontements ayant eu lieu le 15 et 16 Octobre 2014 ;

Quel crédit faut-il donner à toutes ces informations ? Elles sont toutes d’origine militaire et pourraient bien relever de la guerre psychologique. Sont-elles vraies ? Sont-elles fausses ?Ce sont des informations de guerre. Nous avons sur cette guerre très peu de sources indépendantes. Si on devait interroger les combattants du Boko Haram , la version de ces batailles serait différente.

L’armée nigériane ne se prive pas de désinformation. Elle a annoncé plusieurs fois avoir tué le leader du Boko haram, Abubakar shekau. Et chaque fois le mensonge ne tardait pas à être démentie.Elle a annoncé avoir obtenu la libération des filles. Une fois de plus elle racontait des bobards.

Prendre des libertés avec la vérité fait partie des mœurs militaires. Déjà cinp siècles avant Jésus Christ un général chinois du nom de Sun Tzu faisait de la désinformation la base même de l’art militaire. Sun Tzu est resté jusqu’à nos jours le maître à penser des stratèges militaires partout sur la planète. Il a exercé sur les hommes d’action en général(les militaires, les capitaines d’industrie, les politiciens..)autant d’influence que Machiavel. L’héritage inébranlable de Sun Tzu au fil des siècles permet de mesurer quelle est la place du mensonge dans les informations de guerre.

C’est souvent plusieurs années après une guerre que le public se rend compte qu’on l’avait bourré d’informations inexactes-Plusieurs années après quand les militaires à la retraite n’étant plus soumis au devoir de réserve, peuvent se confier en toute liberté.

Nous avalons d’autant plus tout ce qui nous parvient que la communication est devenue un art consommé. La guerre étant politiquement une occasion extraordinaire pour créer la cohésion autour du gouvernement, les méthodes de persuasion pour réaliser cette cohésion seront d’autant plus affinées. Les médias contrairement à ce que proclament certains ne sont nullement contradictoires en temps de guerre. Même en <<démocratie>> il y a un monopole de fait sur la production et la diffusion des informations et des images qui ne laisse aucune place au choix des images contradictoires ou à des contre-discours possibles.

Nous sommes allés d’un postulat : La plupart des commentateurs de guerre mentent. Mais faut-il conclure que les nôtres ont aussi menti ? Par les insinuations du postulat de base nous avons raisonné comme Machiavel : Méfions-nous de nos politiciens parce que la plupart des politiciens sont immoraux. On pourrait bien tomber par ce jeu des déductions dans le piège du relativisme général.

Peut-être qu’il faut se méfier du doute systématique ? Ne comporte t-il pas le risque de conduire aux dangers de l’hypercritique ? Il est bien possible que nos informateurs soient différents du modèle dominant qui les a précédés dans l’histoire de la guerre. Il est possible que des comportements semblables qui se reproduisent des contextes identiques soient le fruit d’un hasard et non loi générale et universelle. Ce texte est tout simplement une invitation à la prudence. Il y va de l’hygiène mentale du citoyen.

© Correspondance : NDJAMA BENJAMIN, ndjama@yahoo.com

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