LE SCANDALE DE L’AFFICHAGE Publicitaire à Yaoundé : Tsimi Evouna et la grande pagaille
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Le Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé a décidé de tailler la loi sur l’affichage public à Yaoundé à la mesure de ses intérêts personnels. Il bouscule tout sur son passage, au grand dam des annonceurs et des entreprises de régie publicitaire. Avec le concours actif d’une bande de voyous à sa solde.

Le secteur de la publicité au Cameroun charrie beaucoup plus d’argent qu’on ne pourrait le soupçonner. Depuis que de nouveaux modes d’affichage publicitaire ont fait leur apparition et que les entreprises opérant dans le secteur rivalisent toutes d’ingéniosité pour gagner chacune le maximum de clients. Il y a deux ans, en novembre 2002, la Cameroon Publi Expansion, le « régisseur exclusif de la publicité dans l’espace public sur toute l’étendue du territoire national » sortait d’une longue période coma. Elle a sommé une vingtaine d’entreprises qui utilisaient l’affichage public de se conformer à la réglementation, faute de quoi, les entreprises en question verraient leurs affichages proscrits. Pratiquement toutes les entreprises connues au Cameroun étaient concernées. Dans la téléphonie mobile, MTN Cameroon, Orange Cameroun et ringo et Cie, les pétroliers Total Cameroun et Tradex, le PMUC (Pari mutuel urbain du Cameroun), Nestlé Cameroun.

Et même des compagnies aériennes à l’instar de Kenya Airways et Ethiopian Airlines. Et même la société DHL était dans le viseur. Les raisons de cette colère souveraine : les grosses boîtes qui communiquent à tout par affichage public n’acquittaient pas les droits dus au « régisseur exclusif » CPE. On ne sait pas jusqu’où l’ultimatum nous a menés, mais la CPE est restée un peu trop longtemps en léthargie pendant que d’autres entreprises trustaient frénétiquement le secteur de la publicité au Cameroun.

CPE ne fait Pas Partie des Entreprises de régie Publicitaire agréée à Yaoundé

Face au monopole de régisseur exclusif brandi par la CPE, Tsimi Evouna va armer une riposte de derrière les fagots. Dans un communiqué signé du Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé et paru dans Cameroon Tribune, on apprenait ainsi que «La société Cameroon Publi Expansion (Cpe) ne fait pas partie des régisseurs de publicité agréés à exercer dans le périmètre de la Cuy. Toute intervention de la Cpe à l'intérieur de la ville de Yaoundé est illégale. Aussi, le délégué du gouvernement auprès de la Cuy invite les annonceurs à plus de vigilance vis-à-vis des éventuels abus de la Cpe et à se défendre par toutes les voies de droit. »

Mais alors qu’on aurait pu se réjouir de cette manière de remettre une société illégale à sa place, Tsimi Evouna jouait plutôt à déclarer CPE hors-jeu, dans toute la ville de Yaoundé, pour solidement implanter sa propre société de régie publicitaire. Une fois CPE officiellement de percevoir le moindre centime sur la publicité affiché dans la capitale politique, Tsimi Evouna a l’idée de créer une nouvelle société, National Com. Laquelle, selon des indiscrétions entendues çà et là, n’était rien de moins qu’une entreprise personnelle du Délégué du Gouvernement. En tout cas, une société contrôlée par les intérêts de la famille. Plusieurs entreprises de régie publicitaire qui caressaient l’ambition de travailler sur la capitale ont été impunément saignées par cet interlocuteur véreux qui était manifestement couvert pas Monsieur le Délégué.

Face au scandale  qui menaçait d’éclater et d’éclabousser un parrain qui mettait un point d’honneur à afficher très propre, Tsimi Evouna s’éloigne de l’entreprise National Com et l’enterre.  

Label stratégie, une Coterie de voyous

Il en crée immédiatement une seconde. Ce sera la société Label Stratégie, officiellement mandatée par la Communauté Urbaine pour faire à la place des deux sociétés jusque-là connues, CPE et National Com, le travail de régulation de la publicité. Mais d’entrée de jeu, on observe que la société Label Stratégie a peut-être été déclarée, mais elle ne dispose d’aucun agrément pour collecter des revenus de la publicité au Cameroun. Et même à Yaoundé où elle peut compter sur les oukases du magistrat le plus puissant de la ville de Yaoundé.

Forte de l’onction du Délégué du Gouvernement, la société Label Stratégie s’aménage royalement des parts souveraines dans les facturations des sociétés de régie publicitaire. Si une telle entreprise n’obéit pas aux injonctions, on s’en prend directement à l’annonceur. Très souvent, il arrive malheureusement que les entreprises, qui sont aussi les plus gros annonceurs, marchent systématiquement et crachent dans le bassinet : elles reversent à Label Stratégie une bonne part de l’argent qu’elles auraient dû normalement reverser aux entreprises de régie publicitaire.

Précision, National Com existe toujours par ce que le délégué du gouvernement ne l’a pas enterré, il fait semblant de s'en éloigner. Label ponctionne aussi bien sur le support que sur la redevance. Pour qu'ils soient d'ailleurs à l'aise, la CUY a fait le choix d'augmenter les tarifs, du coup elle ponctionne à eux deux label et CUY les 70% des revenus d'une régie sans compter les autres taxes et charges de la régie...

Au point où il y a une grille de répartition consacrée et officielle imposée aux régisseurs En attendant, Label souverainement décrété au mépris de la loi, serait donc le régulateur au nez et à la barbe du Ministère de la Communication Surviennent alors les désaccords. Les autres entreprises du secteur de la régie publicitaire ont dû se saigner pour assurer un investissement par dizaines, voire centaines de millions. En comparaison, Label Stratégie n’a pour tout investissement qu’une autorisation du Délégué du Gouvernement.

De plus, alors que ces entreprises doivent s’acquitter des impôts et payer des salaires en plus des charges d’imprimerie chez des sous-traitants, Label Stratégie s’arroge une bonne part sur les panneaux produits sur les deniers des entreprises de régie publicitaire. Une méthode qui consisté à vouloir le beurre et l’argent du beurre. Par ailleurs, la Communauté urbaine de Yaoundé prélève déjà des parts sur chaque panneau publicitaire, mais alors qu’elle pouvait utiliser cette manne pour rémunérer ses experts consultants de Label Stratégie. Ainsi donc, pour un même panneau, la CUY passe deux fois à la caisse. Une fois pour les redevances dues aux collectivités locales, et une seconde fois avec sa part décrétée sur le panneau déjà produit.  

Des milliards En fumée…

Au décompte, depuis que Label Stratégie est en activité, les sommes braquées aux entreprises de régie publicitaire donne le vertige. Avec deux robinets, Label Stratégie a pu pomper des sommes faramineuses qui sont en principe destinées à la Communauté urbaine. On évalue la saignée à quelques milliards en seulement deux années. Cameroun Publi-Expansion avait en son temps réveillé la querelle omniprésente d’intérêts avec pratiquement toutes les communautés urbaines du triangle national, Yaoundé, Douala et Bamenda.

Reste maintenant à s’assurer que le pactole impunément prélevé par Tsimi Evouna fasse l’objet d’une répartition équitable entre les Communautés urbaines et les mairies d’arrondissement. Une chose est sûre, le secteur de la régie publicitaire fonctionne comme une jungle dans laquelle il s’exerce comme une sorte de maffia. Les jeunes investisseurs encouragés par Paul Biya auront tôt fait de jeter l’éponge. A moins pour eux de se résoudre à tirer les marrons du feu pour le plus grand bonheur de Tsimi Evouna et sa bande de voyous qui ont institué, sans l’avis de l’Assemblée nationale, un impôt très spécial sur le chiffre d’affaires des entreprises de régie publicitaire. Avec une telle ponction exercée sur le chiffre d’affaire des petites et jeunes entreprises, le rêve de la rentabilité opérationnelle s’éloigne pour de bon. On voit mal comment les crédits contractés auprès des banques seront remboursés.

Si le contrôle supérieur de l’Etat est aujourd’hui à créditer les dénonciations qui ont trait aux détournements, il est aujourd’hui judicieux de faire un tour à la communauté urbaine de Yaoundé pour plus clair dans ce domaine.

© L'Equation : David Serge BEHEL

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