Cameroun: Lettre ouverte d’un jeune Camerounais aux forces nationales de défense et de sécurité
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Cameroun: Lettre ouverte d’un jeune Camerounais aux forces nationales de défense et de sécurité :: CAMEROON

Depuis son indépendance acquise de haute lutte grâce au sang des martyrs à peine reconnus, et par la suite détournée par des forces néocoloniales depuis janvier 1960, le Cameroun vit aujourd’hui sans doute l’une des périodes les plus sombres de son histoire moderne. 

Ce peuple historiquement constitué dans  sa plus grande diversité sociologique et cette nation difficilement en construction, se trouvent une fois de plus menacés dans leurs fondements par la résurgence de l’intolérance, de la violence bestiale et meurtrière sous le prétexte d’un fondamentalisme et d’un intégrisme islamiste nihiliste. Pour rétablir la vérité historique et restaurer la mémoire des martyrs de l’indépendance tronquée, il faut clamer haut et fort que l’insécurité et la menace terroriste incarnée par la secte Boko Haram n’ont rien de commun avec les luttes nationalistes et les violences parfois imposées à Ruben UM NYOBE et ses camarades d’antan ainsi qu’à leurs successeurs idéologiques à l’instar d’Ernest Ouandié. Des villages et quartiers furent rasés et les populations décimées à Douala, dans le Moungo, à l’Ouest (au Napalm) et même dans certaines localités de l’Extrême-Nord du pays par les forces néocoloniales dans des conditions relativement similaires mais pour les objectifs bien différents. 

Les Camerounais ne peuvent oublier ce segment de leur histoire récente, qui leur a laissé à peine une vingtaine d’années de relative stabilité et qui a fait passer le Cameroun pour un « havre de paix » dont nos hommes politiques s’enorgueillissaient sans en assurer les conditions essentielles d’une paix durable. Et parmi ces conditions minimales de pérennité, se situaient et se situent encore en bonne place : le bien-être et la justice sociale des populations. Malheureusement, c’est dans ces domaines, et malgré des conditions objectivement très favorables, nos gouvernants ont pêché depuis une trentaine d’années par une gestion calamiteuse des ressources pourtant abondantes et variées du pays à travers la navigation à vue, l’improvisation, la corruption, les détournements de deniers publics, l’enrichissement scandaleux d’une minorité de privilégiés, le favoritisme, le clientélisme, la déchéance des valeurs morales, spirituelles et sociales et une fois de plus de tribalisme. A cela se sont ajoutées des crises politiques voire électorales sporadiques qui ont contribué à éroder le faible capital de confiance entre les citoyens de divers horizons, mais surtout ronger les liens de contrat social entre gouvernants et gouvernés d’un pays en équilibre instable. Tout ceci a profondément creusé les sillons de la pauvreté galopante dans un pays promis à « l’eldorado », mais où les jeunes et les femmes sont pris dans les tourmentes de l’immigration clandestine, du chômage massif, de la délinquance juvénile, du grand banditisme, de la prostitution, des pandémies comme le SIDA ou du choléra qu’on croyait disparu dans la civilisation moderne. Ces populations, fatiguées d’entendre les promesses illusoires des hommes politiques prestidigitateurs, abandonnées à elles-mêmes ainsi que les régions et localités les abritant, sont très souvent et malheureusement la cible de recrutement privilégiée de tous les types de marchands d’illusion, mais aussi et surtout ses victimes expiatoires de ces marchands d’armes et de mort. Le plus dangereux d’entre eux est dans nos murs, dans ces repères de pauvreté et de désespoir et s’appelle Boko Haram, avec son lot d’insécurité et son terrorisme aveugles et meurtriers. Cette situation était prévisible, au regard des nombreux indicateurs sociaux, économiques et politiques que des organismes comme l’International Crisis Group (ICG) et de nombreux leaders d’opinion camerounais ont révélés régulièrement, sans émouvoir nos gouvernants ; apparemment très occupés à préserver leurs pouvoirs et avantages. Les coupeurs de routes étaient déjà là, de même que les super braconniers d’éléphants du parc de Bouba Djida lourdement armés, les contrebandiers de tout genre, les kidnappeurs et demandeurs de rançons payées ou non.  Mais il y avait aussi ces dignitaires du régime qui détournent à coups de milliards de francs Cfa, ce choléra, ces inondations, ces ruptures de digues fragiles lourdement financées et cette école sous l’arbre au 21ème siècle. « Boko Haram est parmi nous » disait bien quelqu’un de haut placé. Et son terreau est la pauvreté. Cette guerre contre Boko Haram fait et pourrait encore faire beaucoup de victimes dans le peuple cerné par ces élites gouvernantes et autres fauteurs de désordre socio-économique et politique toujours bien installés et prêts à capter les maigres ressources disponibles. 

La maison divisée a laissé entrer l’ennemi. Maintenant la guerre est là, fut-elle asymétrique, avec son cortège de morts, de blessés, de déplacés ainsi que de famine et de désespoir, en particulier pour nos pauvres sœurs et frères compatriotes de l’Extrême-Nord, après les escarmouches armées et la ruée de réfugiés centrafricains dans la région de l’Est toujours menacée depuis la République Centrafricaine. La secte islamiste Boko Haram sème la mort et la terreur dans la population désarmée et désemparée, menace les fragiles institutions républicaines à peine mises en place, ainsi que l’unité et l’intégrité nationale encore en construction. 

Heureusement, notre armée, dans un sursaut d’honneur fortement louable, se déploie au front, sans état d’âme pour faire son devoir, au prix des pertes de leurs vies pour nous protéger. Nous saluons leurs mémoires dans l’espoir que ce sacrifice suprême servira une véritable paix durable face à toutes ces incertitudes. Nous saluons encore la grande solidarité nationale qui a commencé à se manifester au-delà des zones de conflits directs, pour témoigner de la sympathie et de l’attachement des Camerounais de tous les horizons aux idéaux de paix et de sécurité, gage de développement et de progrès auquel notre peuple a enfin droit, après toutes ces années de frustrations et de privations organisées. Cette « union sacrée » ne peut se limiter à un slogan circonstanciel, sans effets réels et probants sur l’évolution positive de situation sécuritaire, militaire et humanitaire préoccupante dans les régions de l’Extrême-Nord et de l’Est du Cameroun. Cette lutte est une question de survie, surtout pour les jeunes générations qui aspirent légitimement à hériter au moins d’un Cameroun en paix . 

Nous invitons ainsi tous les Camerounais, épris de paix et de justice, de se joindre et de joindre leurs efforts à cette immense œuvre de restauration de la paix et de la sécurité dans notre pays. Mais cette solidarité nationale doit être plus sincère, plus patriotique, mieux organisée et coordonnée pour être pertinente et efficace sur le cours des événements et de l’histoire. Nous louons d’ailleurs  la solidarité internationale, et tout particulièrement la concertation continentale en Afrique (Réunion du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine du 29 Janvier 2015, Sommet d’Addis-Abeba) et régionale en Afrique Centrale (Sommet Extraordinaire du COPAX / CEEAC de Yaoundé du 16 Février 2015) qui jette enfin les bases d’une profonde réflexion et des réponses africaines sur les questions d’intérêt commun. On peut enfin saluer une vraie offensive diplomatique camerounaise conduite par le Président Paul BIYA, dont le régime et l’administration sont toujours plombés par une inertie quasi contagieuse et incorrigible. Un hommage particulier est réservé à  notre brave armée qui fait preuve de sacrifices énormes. Celle-ci n’aura-t-elle pas besoin de plus de sollicitude politique et affective et de présence physique de la part des plus hautes autorités du Cameroun particulièrement en des moments tragiques ?

Nous déplorons toutefois, en ces temps critiques, les attitudes et réactions des acteurs politiques qui ne perçoivent les enjeux historiques de ce grave conflit qu’à l’aune de leurs vieilles ambitions de pouvoir jamais assouvies. Les acteurs politiques de l’opposition, qui se sont littéralement coupés du peuple, ne constituent plus, comme ailleurs, une masse critique, des forces de ralliement sur lesquelles le pouvoir central peut compter pour magnifier, comme on l’a vu en France récemment après les attentats de Charlie Hebdo, « l’union sacrée » contre un ennemi commun, à la hauteur de Boko Haram. Contre mauvaise fortune, la presse privée occupe tant bien que mal ce terrain de dissonance, mais aussi de relai et de mobilisation populaire et républicaine face aux dangers actuels. Ce niveau d’inculture et d’inefficience politiques, malheureusement entretenu longtemps par le pouvoir RDPC, est la principale source de ce déficit de patriotisme qui mine notre société et dont nos gouvernants en réclament le plus pour les besoins de la cause. Que cette guerre ne soit ni un prétexte pour l’instauration de l’arbitraire, ni pour le maintien ou le raccourci d’accès au pouvoir pour ces hommes politiques mal inspirés! Gare aux pêcheurs en eau trouble tapis dans l’ombre! 

La jeunesse n’attendra pas tous ces atermoiements de cette classe politique sclérosée et vieillissante pour comprendre que le vrai destin de toute notre Nation et son avenir déjà incertain sont  en jeu dans cette lutte contre l’insécurité et la menace terroriste inspirée par Boko Haram, de ses semblables et soutiens. Le peuple et sa jeunesse sont prêts à répondre à l’appel de la Patrie. Le vrai appel de la vraie Patrie !

Voilà le message d’espoir et la profession de foi qu’un jeune patriote Camerounais voudrait humblement partager avec ses concitoyens en ces moments difficiles et critiques. Que Dieu bénisse et préserve le Cameroun !

Mbankomo, le 25  Février 2015

© Correspondance : (e) Eric Kennedy FOYET,Ingénieur en Télécommunications, Secrétaire de la Fédération Communale MRC de Mbankomo, Mbankomofm@yahoo.fr

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