Allemagne - In memoriam. Décès du président de la République,  Richard von Weizsäcker (1920-2015)
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Allemagne - In memoriam. Décès du président de la République, Richard von Weizsäcker (1920-2015) :: GERMANY

C’est avec une vive émotion que l’Allemagne a appris à l’annonce du décès de l’ancien président de la République Fédérale d’Allemagne (RFA) de 1984 à 1994, le baron Dr. Richard von Weizsäcker. Une grande figure de la vie politique a tiré sa révérence, le 31 janvier 2015  à l’âge de 94 ans. Il a été inhumé le 11 février 2015 à Berlin.

Une  figure charismatique de la politique allemande

C’est avec une vive émotion que l’Allemagne a appris à l’annonce du décès de l’ancien président de la République Fédérale d’Allemagne (RFA) de 1984 à 1994, le baron Dr. Richard von Weizsäcker. Une grande figure de la vie politique a tiré sa révérence, le 31 janvier 2015  à l’âge de 94 ans. Il a été inhumé le 11 février 2015 à Berlin.

Considéré comme l’instance morale de l’Allemagne, Dr. von Weizsäcker a contribué par son charisme, sa personnalité et son éloquence à hisser son pays au rang d’une nation respectée dans le monde entier. Il incarnait pour les Allemands, le chef d’État exemplaire qui a su tirer des leçons du récent passé peu glorieux de l’Allemagne.

Une autorité morale
Lors de la commémoration du 40ème anniversaire de la fin de la guerre, Le président a tenu une allocution qui est entrée dans l’histoire. Son discours s’opposait à la rhétorique de son parti,  l’Union des Chrétiens-Démocrates (CDU). ll fut même à certains endroits plus applaudi par l’opposition, les Socialistes et les Verts que par ses amis du parti des rangs chrétiens–démocrates.

«La plupart des Allemands avaient eu la conviction de lutter et de souffrir pour la bonne cause de leur pays. Et voilà qu’ils étaient obligés de constater que tout cela  avait été non seulement vain et absurde, mais aussi que cela avait servi les objectifs inhumains de dirigeants criminels.»

Pour la première fois, un chef d’État allemand présentait  un nouveau miroir de l’histoire et désignait cette journée non pas comme une capitulation mais comme:  

«le 8 mai a été un jour de libération. Ce jour nous a tous libérés du système  de la tyrannie nationale socialiste  édifiée sur le mépris de l’homme […] En ce jour, c’est dans le deuil que nous évoquons le souvenir de tous les morts de la guerre et de la tyrannie […] La majeure partie de notre population actuelle se trouvait à l’époque dans les premières années de l’enfance ou n’étaient même pas nées. Ces personnes ne peuvent pas reconnaitre être coupables personnellement de faits qu’elles n’ont pas du tout commis. Personne n'attend des jeunes Allemands qu'ils revêtent  l’habit de pénitent uniquement  parce que ce sont des Allemands. Mais leurs aînés leur ont légué  un lourd héritage. Nous tous, coupables ou non, vieux ou jeunes, devons accepter ce passé. [..] Quiconque refuse de se souvenir de la barbarie s’expose  à de nouveaux risques de contagion.»

Faisant allusion au processus de refoulement qui prévalait en l’Allemagne après le conflit mondial, il a ajouté :

«Comment ne se douter de rien devant les incendies de synagogues, les pillages, l’imposition de l’étoile juive, la privation des droits et les violations incessantes de la dignité humaine ? Celui qui ouvrait les oreilles et les yeux, celui qui voulait s’informer ne pouvait pas ne pas voir les trains de déportation.»

Et le Président von Weizsäcker d’affirmer: «Et lorsqu’ à la fin de la guerre, l’incroyable vérité de l’holocauste est apparu, nombreux, trop nombreux ceux parmi nous ont prétendu ne pas savoir ou ne se doutait de rien.»

Ce discours libérait l’Allemagne du fardeau historique qu’elle portait jusqu’ici. L’Allemagne se réconciliait ainsi avec elle-même, 40 ans après la fin de la guerre. Le  président  insufflait à tout un peuple une énergie nouvelle qui libérait le pays entier de ce poids, sous lequel il ployait depuis la fin de la seconde guerre mondiale. C’est avec franchise et lucidité qu’il analysait la responsabilité de l’Allemagne dans le conflit mondial.  Il incitait  tout un chacun à une prise de conscience, à voir la réalité et la vérité en face, sans pour autant être moralisateur ou pédant. En abordant la question de la responsabilité des crimes nazis, le président  remettait en cause l’image que l’Allemand  avait de son histoire.  

Dans son allocution, le président a également magnifié le rôle des femmes allemandes, connues sous le nom des «Trümmerfrauen» soit  «Femmes des décombres». Elles ont participé activement à la reconstruction du pays, veuves de guerre, ou dont les maris étaient absents parce que soit soldats prisonniers, soit disparus ou invalides, ces femmes au lendemain de la seconde guerre mondiale, ont retroussé leurs manches et entrepris le déblaiement des ruines suite aux bombes qui avaient été larguées sur presque toutes les villes allemandes: Berlin, Dresde, Hambourg, Cologne, Nuremberg, etc.

«Ce sont les femmes qui, dans les peuples, ont porté peut-être la plus grande part du fardeau infligé aux êtres humains. Dans les années les plus sombres, elles ont empêché la lumière de l’humanité  de s’éteindre.»

Ces oubliées de l’histoire ont redonné espoir à la nation dans le silence et  l’abnégation. Elles ont souffert sans rien dire et se sont mises au travail. Le Président d’en conclure:

«A la fin de la guerre, elles ont été les premières à mettre la main à la pâte en dépit du manque de perspectives d’avenir sûres, pour reconstruire pierre après pierre, ces femmes dans les ruines de Berlin et partout.»

Ses origines: données biographiques

Né le 15 avril 1920 à Stuttgart dans une aile du palais de sa famille, le baron, Richard Karl von Weizsäcker appartient à une famille de la noblesse allemande qui compte en son sein des théologiens protestants, des juristes et des diplomates comme son père Ernst von Weizsäcker. Il fut Secrétaire d’état au ministère des affaires étrangères du gouvernement de von Ribbentrop durant la seconde guerre mondiale, soit de 1938 à 1943, et ensuite ambassadeur au Saint-Siège à Rome. Lors du procès des responsables nazis de Nuremberg, il sera condamné à sept ans de prison avant de bénéficier d’une amnistie un an plus tard. Son fils, Richard, jeune avocat participera à sa défense.

Richard von Weizsäcker était officier durant la période sombre de l’Allemagne et  il était  proche des militaires impliqués dans l’attentat des généraux du 20 juillet 1944 contre Hitler. Durant cette période, il s’est opposé aux ordres de la hiérarchie militaire, en détruisant l’ordre de livrer l’un des membres du complot  du 20 juillet, le général Hermann Priebe. Il lui a sauvé la vie en ne le dénonçant  pas à la Police Secrète d’État ou (Gestapo «Geheime Staatspolizei») comme ce dernier l’a mentionné:

„Ich könnte sagen, ich habe Richard von Weizsäcker mein Leben zu verdanken“ (Je peux dire  que je dois ma vie à Richard von Weizsäcker et l’en remercie)

Dr. von Weizsäcker s’est distingué comme un partisan de la liberté et un véritable démocrate prêt à accomplir son devoir en accord avec ses propres convictions.

Parcours professionnel

Après son doctorat en droit, Dr. Richard von Weizsäcker  entreprend une  carrière professionnelle  au sein du groupe Mannesmann puis de 1958 à 19162, il travaille pour une banque.  Pratiquant, il est très actif au sein de l’église protestante et  devient Président du Congrès des églises protestantes où il a œuvré en faveur de la solidarité entre chrétiens de l’Allemagne de l’Ouest et de l’Est.

Il  adhère en 1954 au parti de l’Union des Chrétiens–Démocrates  CDU. En 1966,  il siège au sein de la direction nationale du parti et en 1969, il est élu pour la première fois au Bundestag, le parlement allemand  où il enchaîne plusieurs mandats jusqu’à son élection en tant que maire de Berlin-ouest en 1981, fonction qu’il assumera jusqu’en 1984 avant d’être élu avec une majorité écrasante président de la république. C’est sous son ère que le Mur de Berlin est tombé, le 9 novembre 1989. Les élections du 3 octobre 1990 viendront confirmer officiellement  la Réunification de l’Allemagne. Il fut le  premier président de l’Allemagne réunifiée.
Son ascension politique est  couronnée de succès, il sera vice-président du Bundestag, le parlement allemand et lors de son second mandat en 1989, il remporte la palme d’or, lors des élections.
 
Tout au long de sa carrière politique, il a brillé par ses talents oratoires. Ses discours  étaient  un véritable délice  de la langue et de l’esprit. Il a animé le débat politique grâce à ses interventions de haute envergure. Ce fut un homme d’Etat respecté de tous.

Richard von Weizsäcker avait œuvré au rapprochement des 2 Allemagnes et s’est engagé pour une Europe pacifique et unie. Il a soutenu « L’Ostpolitik » du gouvernement socialiste  de Willy Brandt. Il  a donné à la fonction présidentielle purement honorifique en Allemagne, une dimension morale jusque-là jamais inégalée. Marié depuis 1953 à Marianne von Weizsäcker née von Kretschmann,  le couple a 4 enfants. Leur fils, Andreas von Weizsäcker est décédé en 2008.   

Les hommages de la classe politique

La classe politique allemande unanime salue son intégrité morale. Les politiciens de tous bords lui ont rendu un vibrant hommage. En tête, l’actuel président de la République Joachim Gauck a déploré  la perte  d’un «Très grand homme et d’un exceptionnel chef d’Etat.»

La chancelière Angela Merkel a salué la mémoire d’une des „Figures politiques  les plus importantes et les plus respectées de notre pays.» Les présidents du parti,  «l’Alliance 90 /les Verts,  Katrin Göring-Eckardt et Dr. Anton Hofreiter ont exprimé leurs condoléances en ces termes: « Nous avons perdu un homme merveilleux, un grand chef d’Etat et un intellectuel. Son autorité morale nous manquera.»

Distinctions honorifiques

Richard von Weizsäcker a assumé de nombreuses fonctions: vice-président du Bundestag, le parlement allemand, Président de la section des Chrétiens-démocrates de Berlin,  Président du synode des églises protestantes et Président de la République Fédérale allemande de 1984 à 1994. Il  a obtenu une cinquantaine de prix nationaux et internationaux entre autre le prix de la « Compréhension et de la  Tolérance entre les peuples du Musée Juif de Berlin » (2012). Il est docteur honoris causa d’une vingtaine  d’universités Grenoble,  New-York, Tokio, Istanbul, Upsala, … et de l’université du Nigéria, Nsukka (1988). Plusieurs écoles et lycées portent son nom en Allemagne et également une en Bolivie.  

Les funérailles nationales à Berlin

Les obsèques du Président de la république fédérale d’Allemagne,  Richard von Weizsäcker, figure morale, de l’Allemagne contemporaine ont été célébrées le, 11 février 2015 dans la cathédrale protestante de Berlin.  La république lui a rendu les honneurs officiels au cours d’une cérémonie  empreinte d’une grande solennité.
La chancelière, Angela Merkel ainsi que les membres du gouvernement se sont  inclinés  devant le cercueil de l’ancien président,  drapé aux couleurs nationales.
 
Environ 1400 invités ont pris part aux funérailles nationales, parmi lesquels  la princesse Beatrix des Pays-Bas, Lech Walesa de Pologne, l’ancien chancelier Gerhard Schröder  et tout le gouvernement. L’enterrement proprement dit a eu lieu  l’après-midi, dans la plus stricte intimité familiale. Le président de la république Joachim Gauck  a rendu un dernier  hommage à son prédécesseur  comme « l’un des plus illustres  présidents de la république fédérale d’Allemagne.  Pour le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble  Richard von Weizsäcker:«voulait guérir les blessures profondes de l’Allemagne et réconcilier le monde avec l’Allemagne.»  Le ministre des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier a souligné qu’«il a donné une confiance nouvelle en notre pays. Cette confiance était indispensable pour conduire à la Réunification.»

Son testament politique

Le président a légué à la postérité un testament inscrit en lettres d’or dans les lignes de son discours du 8 mai 1985.

«Voici donc ce que je demanderai aux jeunes: ne vous  laissez pas entrainer à des sentiments d’animosité ni de haine contre d’autres êtres humains, que ce soit contre les Russes ou les Américains, contre les Juifs ou les Turcs, contre les alternatifs ou les conservateurs, contre les Noirs ou les Blancs. Apprenez à vivre ensemble au lieu de vous dresser les uns contre les autres.»

Un homme de dialogue
Le président Dr. Richard von Weizsäcker a toujours cherché le dialogue avec toutes les composantes de la société. La chaleur de ses propos, la noblesse de ses gestes, ses manières distinguées, et son charisme impressionnaient  à chaque fois son interlocuteur.

Je conserve un souvenir inoubliable de notre conversation au mois de septembre 1999 à Nuremberg, lors de la remise du prix des Droits de l’Homme  à  la lauréate, Maître Fatima Mbaye de Mauritanie.

C’est avec une profonde gratitude et reconnaissance que j’adresse mes sincères condoléances, à son épouse et à ses enfants et à la famille éplorée.
Qu’ils puisent dans leur foi le courage de surmonter cette douloureuse épreuve!
Que le Président repose en paix  et que la terre lui soit légère !

 

 

© camer.be : Dr. Pierrette Herzberger-Fofana/Conseillère municipale

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